Globicyclette en Russie

 

 

 

 

Amis voyageurs, bonjour !

Quoi de neuf après les steppes et montagnes mongoles, les thés salés sous la yourte et les courses de chevaux ? Eh bien, il est temps à présent de regagner des contrées peut-être moins exotiques, mais tout aussi fascinantes. Nous voici aux portes du plus grand pays du monde, et même si nous n'avons que 10 jours pour le découvrir, nous avons bien l'intention d'en ramener quelques souvenirs... Bienvenue... en Russie ! Ou, plus précisément, en Sibérie du sud : eh oui, vous allez découvrir avec nous que la Sibérie, ce n'est pas que la toundra glacée et les troupeaux de rennes ! surtout en plein mois d'août...

 

31 juillet : c'est la course !

 

On ne répétera jamais assez cette vérité paradoxale du cyclo-nomade : ce n'est pas parce que nous avons deux ans pour voyager que le temps ne presse pas... Si si !
Et une fois de plus, nous voilà forcés de nous hâter plus que prévu pour respecter notre planning. Souvenez-vous, la fin de nos aventures mongoles était marquée par le sceau amer des attentes douanières. Presque une semaine de perdue à la frontière pour d'agaçants problèmes de visas... et nous voilà en retard ! C'est que, cette fois, nous avons un, et même deux, rendez-vous immanquables. Le premier, c'est l'éclipse totale de soleil du 1er août, dont la bande de totalité se situe tout près, à quelques centaines de kilomètres de la frontière (avouons-le, nous avions calculé spécialement notre itinéraire pour ne pas rater ce phénomène rarissime...).

Le second, c'est bien sûr notre ami Krys, qui profite lui aussi d'un voyage «spécial éclipse» pour venir nous rencontrer sur place.

Il y a un peu plus de deux ans, en 2006, nous nous étions séparés sur ces termes : «Rendez-vous à Byisk, Sibérie Australe, le 31 juillet 2008 à 19h, sur le parvis de l'église!» (on s'était dit qu'il y aurait sûrement une église à Byisk !).

Hmm... sauf que là, nous voici au matin du 31 juillet, et même si nous avons enfin franchi la frontière russe, nous sommes encore à presque 800 km de Byisk: aïe ! Nos réacteurs de vélo n'étant pas encore tout à fait au point, il va nous falloir faire le trajet à moteur...

Heureusement, nos anges gardiens n'étant jamais à cours de ressources, la solution se tient devant nos yeux au réveil, sous la forme d'un bus vide qui rentre au Kazakhstan pour un contrôle technique. Çà ne pouvait pas mieux tomber! Un sourire d'Amanda et quelques mimes plus tard, nous voilà passagers de deux chauffeurs très sympas qui sont ravis de nous donner un coup de pouce: «En revanche, on ne va que jusqu'à Tcherga, à 300 km de Byisk: ça va quand même? Après, on bifurque vers le Kazakhstan». Bien sûr, que ça nous va: nous n'aurons qu'à faire du stop pour la fin du trajet.
C'est donc par la vitre d'un bus que nous découvrons notre 12ème pays: dur dur, pour des pédaleurs!
D'autant que nous traversons actuellement l'une des plus jolies régions de Sibérie du Sud: l'Altaï, dont les vertes montagnes rivalisent avec les plus beaux coins des Alpes. Le tout, en descente, et sur une route au bitume impeccable: raaaaah, quelle frustration! Nous aurions passé quelques jours fabuleux à descendre cette immense vallée à vélo, entre les sapins nichés dans les creux, les cascades incomptables, les sommets enneigés et les ruisseaux chantants... Et nous regardons tristement défiler les bivouacs de rêve sur herbe fleurie, tandis que le bus descend, descend, filant de toute sa puissance de bruyante machine loin de ces paysages de paradis... Soupir...

Mais quelque part, le bus ne va pas encore assez vite pour nous: et Krys qui attend! arriverons-nous à rallier Byisk ce soir? pas avant minuit au mieux, si l'on compte tous les kilomètres qui nous séparent encore...

Après le bus, nous parvenons à dégoter sans problème un camion pour Gorno-Altay, une grosse ville à 100 km de Byisk. Mais arrivés là, la chance nous lâche: la jubilation de se savoir à moins de 100 km de Krys fait peu a peu place à la déception de ne pas parvenir à trouver de transport: il commence à faire sombre, et les voitures, quoique nombreuses, n'osent plus s'arrêter pour nous. Damned! si près du but!

Pendant qu'Amanda s'obstine à lever le bras, un jeune homme grassouillet vient discuter avec Olivier. Après avoir compris notre projet, il secoue la tête : c'est fichu pour ce soir, explique-t-il par signe et dans un anglais primitif, les voitures ne s'arrêtent pas de nuit. Mais si vous voulez, venez passer la nuit chez moi, c'est à deux pas et demain matin, je peux moi-même vous conduire à Byisk!

Cette solution nous semble la meilleure, et après avoir prévenu Krys par sms, nous suivons notre nouvel hôte jusqu'à sa petite maison. Ce dernier semble ravi de nous avoir chez lui, et s'active à nous mettre à l'aise: thé, petits gâteaux, il nous propose même d'essayer son « sauna » de jardin: une petite cabane remplie de vapeur qui n'attend que nous! Il a beau être tard, la perspective d'un décrassage à l'eau chaude, oubliée depuis Ulaan Baator, nous ravit, et nous voici bientôt tout propres... et cuits à point. Ah que c'est bon !

Mais à notre retour du « bain », notre hôte, Michael, a une attitude étrange, à la fois fuyante et fébrile : «Finalement, vous ne pouvez pas rester, je vous ai appelé un taxi», annonce-t'il.

Hein ? un taxi ? que se passe-t'il donc ? Tout cela nous semble bien louche... Amanda vérifie immédiatement les sacoches, et nos soupçons se confirment: il manque 3000 roubles (90 euros) dans notre portefeuille! Nous faisons et refaisons les comptes: pas d'erreur possible, au voleur!

Mais que faire ? c'est que nous ne sommes pas véritablement les rois de la confrontation... « Qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on lui dit, vas-y toi, dis-lui, non toi, non toi, mais je dis quoi???? ».

Sur ces entrefaites, le taxi arrive, et après un moment flou d'hésitation, Olivier part lui expliquer le problème pendant qu'Amanda se lance dans le rôle d'accusatrice... Pas facile, de traiter son hôte de voleur dans une langue que l'on ne parle pas... D'autant que devant ses mimes de sacoche ouverte, Michael prend bien entendu un air offusqué: « Je n'ai rien pris! ». L'image même de la dignité offensée... Tenons bon !

Olivier revient à l'aide: « J'ai tout expliqué au chauffeur du taxi, il a appelé la police». Le mot provoque une transformation immédiate de notre innocent, qui blêmit et arbore alors l'attitude d'un animal traqué. Fébrile, il tente de nous mettre dehors manu militari, mais les vélos sont bien trop lourds pour ce gros lard. Il essaie alors de parlementer, d'abord avec Olivier: « Tiens, voici 2000 roubles, ne dis rien à la police, partez maintenant! ». « Ah non, tu as pris 3000, rends-moi 3000! ». « Mais je n'ai rien pris ! ».

Il s'adresse à présent à Amanda, changeant de stratégie : avec la fille, essayons la pitié: là il gémit, supplie, puis se met carrément à genoux. Mais « la fille » reste tout aussi intraitable. Désespéré, le voleur décide alors carrément de déserter les lieux... mais à un mètre du portail, le fuyard se heurte, au sens propre comme au figuré... au bras musclé de la force publique: un policier, qui l'arrête net: « eh tu vas où comme ça ! ». Ouf, quel timing! On se croirait dans un film! Six policiers débarquent alors dans le jardin. Étonnamment, pas un n'est habillé pareil : civil, militaire, gendarmerie, police, inspecteur ? peu importe, tant qu'ils prennent l'affaire en main...

Mais il faudra passer une bonne heure en palabres interminables avant de se faire donner raison, moyennant une bonne dizaine de petits dessins et autant de sessions de mimes: la police non plus ne parle pas anglais! Et notre hôte joue toujours l'innocence calomniée, avec, avouons-le, un art tout de même très moyen.

Heureusement, notre chauffeur de taxi a un coeur d'or et patientera avec le sourire, alors qu'il est près de deux heures du matin! Une fois nos roubles enfin de retour dans nos sacoches, nous ne nous attardons pas, et laissons notre larron s'expliquer tout seul avec la police: fuyons de cet endroit lugubre! Notre chauffeur, toujours aussi exceptionnel, a réussi à faire tenir nos deux vélos, plus BOB, la remorque, ficelés dans son coffre ouvert: heureusement que les routes russes ont du bon asphalte, l'ensemble n'aurait pas résisté à un nid de poule... Nous n'avions d'ailleurs même pas pensé à la solution du taxi pour rejoindre Byisk à temps!

Et enfin, enfin, nous quittons Gorno-Altay pour rejoindre au plus vite Byisk, et surtout Krys que nous venons de prévenir de notre arrivée... matinale. Car avec tout ça, il est déjà quatre heures du matin quand «gentil chauffeur» nous dépose devant l'hôtel de notre ami... Et le voilà! Sa silhouette familière se découpe sur le perron... alors soudain, tout va mieux. Çà y est ! Nous y sommes, nous y sommes à temps, nous avons réussi! Après toutes ces journées d'attente frustrée, de SMS stressés, de voyage affreusement motorisé, la course contre la montre, entamée il y a presque quinze jours dans les steppes mongoles, vient enfin de se terminer: oouufff...

 

 

1-2 août : retrouvailles et soleil (presque) noir

 

Bien entendu, il est hors de question d'aller se coucher : nous n'avions pas vu Krys depuis presque trois ans, et nous avons bien trop à nous raconter. Lui n'a pas changé d'un chouïa, avec son sourire grand comme ça, ses yeux bleus qui pétillent, et sa voix douce qui à elle toute seule rend le monde plus agréable...
Et les surprises ne sont pas finies: le voilà qui déballe tout un sac qui contenait les effets envoyés par les parents d'Olivier, et qu'il a convoyés jusqu'ici; comme avec Raph à Ushuaia, c'est Noël de nouveau!

Des outils, une nouvelle dynamo, des moyeux, des câbles, mais aussi... des friandises bien sûr! du chocolat! des bonbons! des biscuits fins! sans compter des lettres et CD de nos familles... Merci, Krys-le-facteur, tout ce vient de la maison a une valeur bien supérieure à sa valeur propre...
Tout en déballant ces nouveaux trésors, nous ne cessons de parler, de s'interrompre, de rire : nous ne le répéterons pas assez, l'amitié, de réelles conversations avec ceux que l'on aime et qui nous connaissent, sont autant d'éléments qui manquent douloureusement à notre voyage... Et que l'on retrouve alors avec bonheur!
Mais la présence de notre ami n'est pas le seul élément qui nous tient encore éveillés, malgré la nuit blanche dont nous sortons, nous sommes aussi excités par l'imminence de l'éclipse... avec une pointe d'anxiété: le ciel n'est pas au beau fixe, pourrons-nous admirer correctement le phénomène ?

En attendant l'heure fatidique, nous jouons les touristes dans la petite ville, qui ne vaut pas vraiment le détour malgré quelques jolis vieux bâtiments en bois peint, de style presque colonial. L'ensemble cependant dégage une vague impression de mise à l'abandon: la ville semble avoir décliné depuis la fin de l'ère soviétique...
Nous sommes cependant complètement dépaysés: en quelques heures, nous sommes passés d'un village mongol avec des yaks dans les rues et sans eau courante (la routine, quoi!) à une ville «moderne» totalement occidentalisée, remplie de grands blonds aux yeux clairs, avec supermarchés et les distributeurs de billets à tous les coins de rue.

Nous voici, en un clin d'oeil, de retour à la «civilisation» que l'on connaît. En fait, c'est plus la proximité géographique de ces deux mondes si différents qui choquent nos esprits européens, pour qui les frontières ne sont que des limites abstraites.

Une heure avant l'éclipse, nos craintes se confirment: le ciel est de plus en plus gris, et le soleil a disparu derrière d'épais nuages: alerte! Nous décidons illico de sauter dans un taxi pour faire la course avec ce petit coin de ciel bleu en train de disparaître à l'horizon: plus vite! Mais le temps presse et à environ 50 km du centre-ville, nous nous arrêtons au bord de la route pour ne rien rater. Ouf, il y a un peu plus de ciel bleu!

Amanda, qui n'avait jamais vu d'éclipse, est déjà aux anges de pouvoir observer le croissant doré qu'est devenu le disque solaire: vive les lunettes à éclipse ! Mais alors que celui-ci s'affine de plus en plus, Krys et Olivier froncent les sourcils : qu'est-ce que c'est que ce gros nuage qui s'amène juste au mauvais endroit? oooh... nooooon !!!!

Pile au moment crucial, le soleil éclipsé dans sa totalité disparaît derrière des brumes grises. Zut! Quoique... Les mouvements du nuage dévoilent par instants le soleil noir: çà y est, le voici! La trouée ne dure que quelques secondes, mais assez pour que Krys capture l'astre sur son appareil photo.

Pendant ce temps, Amanda s'émerveille: la nuit est tombée en quelques secondes, et la nature, subitement, s'est tue. Même les insectes ont cessé leurs crissements. Et l'horizon, dans toutes les directions, a pris une teinte de coucher de soleil. Tout dégage une impression magique de fin du monde...

Mais soudain, c'est déjà fini. Les couleurs réapparaissent, le chant des premiers oiseaux vient troubler le silence, et le disque noir, happé par les nuages, redevient éblouissant...
Et voilà! Déjà...

Malgré la légère déception causée par cette éclipse trop nuageuse, nous sommes ravis d'avoir pu l'admirer tous ensemble, et profiterons encore une journée de la présence de Krys. Mais très vite, l'heure des au-revoirs sonne, et nous nous retrouvons soudain bien seuls, avec ce sentiment d'inachevé qui solde toutes les séparations de ce voyage... Heureusement que nous pourrons garder contact par sms: nous qui dénigrions fièrement les téléphone portables, finalement on devient «accros» à ces petits messages qui transmettent l'affection d'un bout à l'autre du monde!
Mais l'heure n'est plus à la nostalgie: allez, il est grand temps de remonter sur nos bécanes pour aller goûter un peu à l'air des campagnes russes !

 

 

3 – 9 août : les joies d'un pédalage estival

 

Dès les premiers coups de pédale à la sortie de Byisk, nous découvrons le plaisir facile du pédalage en Russie: de l'asphalte! du soleil! des routes plates. Nous nous sentons véritablement en vacances. D'autant que l'ambiance estivale est, elle aussi, à la détente. Ici aussi, c'est les grandes vacances, et dans ce pays plus riche, elles ont la même signification que chez nous: soleil, baignade et farniente! Nous nous attendons presque à entendre chanter les cigales alors que nous longeons une paisible rivière, d'où nous parviennent les cris et les rires des enfants qui jouent dans l'eau.

Sous le ciel bleu, l'air estival nous offre les 20-25°C parfaits pour le pédalage. Nous avançons entre des champs de tournesols ou de blé, saluant parfois au passage le ballet des moissonneuses-batteuses: c'est le temps des récoltes! Nous pensions à l'origine rejoindre le Kazakhstan en stop, car les routes russes, plates et à travers champs, nous semblaient sans grand intérêt. Mais nous avions oublié le plaisir simple d'avaler sans effort les kilomètres, et nous nous laissons griser par la douceur de ce pédalage facile en atmosphère estivale.

Pour un peu nous nous croirions de retour en France, quelque part sur ces petites départementales de campagne. C'était finalement juste ce qu'il fallait à nos âmes peut-être un peu lasses de trop d'exotisme...

Seule la marque des voitures qui nous doublent nous rappelle que nous pédalons en contrée ex-soviétique: les moteurs ont remplacé les chevaux mongols, soit, mais le pays est resté à l'ère des Lada d'époque! Ces voitures carrées, boîtes à savon increvables, sont quasiment les seules que nous croisons sur les routes: uniformité issue du communisme...

Malgré nos détours volontaires par les petites routes, avec notre bon rythme de pédalage (ah, l'asphalte, c'est si...facile !) nous arrivons bientôt à la petite ville d'Aleisk, à 300 km de la frontière kazaque. C'est le moment d'aller faire un tour sur Internet!

Internet que nous mettrons d'ailleurs un certain temps à trouver: la Russie (dans ce coin du moins!), c'est moderne, mais d'un modernisme des années 80. La cyber-révolution n'est pas encore passée par là! On finit tout de même par trouver notre bonheur à côté de la poste: ben oui, les télécoms, il fallait y penser!

Nous y découvrons un petit local muni de deux écrans et d'un unique terminal, surveillés par la jeune et charmante Svetlana. Deux nattes blondes, une petite robe rose et légère, et des jambes de top model: c'est ça, aussi, la Russie ! Mais Svetlana ne sera pas la seule amie que nous nous ferons dans cette petite ville accueillante: après un petit groupe de journalistes admiratifs, qui nous offriront un poster et des pin's de la gazette locale, nous nous lions d'amitié avec une demi-douzaine de garçons en vacances qui ont décidé de nous guider partout dans la ville avec leurs vélos.

Nous voici donc munis d'une joyeuse escorte! Ils sont remarquablement polis et enthousiastes, et baragouinent même quelques mots d'anglais, ce qui est largement plus que la majorité des adultes rencontrés par ici. A notre départ, les deux plus débrouillards proposent de nous accompagner sur quelques kilomètres: avec joie.

Ces petits sportifs en feront 24 avec nous, soit un aller-retour de 48 kilomètres dans l'après-midi! Ils repartiront avec une de nos casquettes en cadeau, un petit goûter, et une nouvelle devise qu'ils nous énoncent fièrement : «Vodka, niet, cigarette, niet, sport, da ! ». Vive la jeunesse russe!

Après trente ans, toutefois, il semble que le tableau soit moins reluisant, du moins si l'on se fie à l'échantillon local, en la personne de Nikolaï, un doux-dingue à la grande barbe grise qui nous a suivis lui aussi, sur un vélo du siècle dernier. Alors que nous le persuadons doucement qu'il ne pourra pas nous suivre jusqu'au Kazakhstan, il semble très inquiet pour nous: les ennemis rôdent, nous dit-il en russe agrémenté de force mimiques dramatiques. Ah bon Oui, ils sont là, regarde: ce sont les corbeaux! attention aux corbeaux! (ça c'est bien vrai, ces satanées bestioles nous on réveillés à 6h ce matin, avec leurs croassements vulgaires!), aux corbeaux... et aux extra-terrestres, ajoute-t'il. Car le monde est menacé par des envahisseurs de l'espace reconnaissables à leurs canines pointues, leurs yeux rouges, et leur amour du rock'n'roll, cette musique satanique...

Il a d'ailleurs un cadeau pour Amanda: des gousses d'ail (de toute évidence arrachées dans un jardin voisin) qui nous protégerons des forces du mal... On garde... Les forces du mal, on sait pas, mais pour la sauce tomate du soir, définitivement !

Une fois l'ail protecteur accepté, on le quitte avant qu'il ne songe à remonter sur son vélo pour nous suivre: merci quand même Nikolaï, on fera attention aux corbeaux!
Et nous voilà repartis sur ces belles routes si droites de la Sibérie du sud... Le pédalage est si reposant que l'on parvient même à tester la «lecture roulante»: une main pour le guidon, l'autre pour tenir le livre, et voilà Amanda qui raconte à Olivier la dernière nouvelle de son bouquin: ah, combiner deux plaisirs aussi distincts, quel bonheur!

Le soir, nous posons notre tente au milieu des champs tout juste moissonnés, et le salut des oiseaux dans les incroyables couleurs liquides du couchant, nous fait presque oublier notre rhume des foins...

Les rencontres en chemin, toujours gaies et enthousiastes, sont à l'image de cette atmosphère vacancière qui nous suit depuis Byisk. Bon, la joie débridée de certains passagers des Ladas qui nous klaxonnent doit peut-être plus à la vodka qu'au chaud soleil estival, mais on apprécie quand même. Et le bonheur de Xema, ce chauffeur de camion croisé près de la frontière, ne doit rien à l'alcool: son premier fils est né hier, et il est en route vers la maternité! Ces joies-là sont internationales...

Il offrira à Olivier un étrange cadeau, qu'il lui remet pendant qu'Amanda ajuste ses sacoches, avec un air de conspirateur: « ce sont des racines à faire bouillir dans de l'eau... mais il ne faut pas trop en mettre! et encore moins pour ta femme. Ces racines, c'est bien: ça rend «fort» ! » (Rappelons là encore que Xéma ne parle que russe...). Ben ça... des racines... qui rendent «fort»: on a nous en avait jamais offert! Il faudra tester... , on vous racontera!

Mais nous voilà déjà à la frontière kazaque: ouh là, c'est qu'il y a du monde par ici! Nous ne sommes plus en Mongolie...

Nous croisons notamment un grand nombre de voitures hétéroclites, mais toutes décorées de multiples autocollants dont celui, commun, du « Mongol Rallye ». Les occupants d'une Kangoo(!!!) espagnole nous expliquent: il s'agit d'un projet un peu fou réunissant tous les pays d'Europe, avec pour but, de financer des associations d'aide à l'enfance à Oulan-Bator. Le principe: parcourir l'Europe et l'Asie dans son propre véhicule, si possible déglingué et original, pour terminer la course à Oulan-Bator, où le véhicule sera revendu (ou ce qu'il en reste !) au profit de l'association. Retour, bien sûr,... par avion! Nous restons dubitatifs quant à à la survie de la Kangoo sur les pistes mongoles, mais lorsque nous croisons... une limousine! (! des Irlandais cette fois), nous ne doutons plus de rien! En tout cas, l'ambiance à l'air vraiment bonne, et nous espérons que tous parviendront (un jour ou l'autre...) à destination!

Nous croisons aussi un français en moto, et son amie japonaise: eux voyagent depuis des années, et, à en croire les drapeaux-écussons qui ornent leurs sacoches, ils totalisent une sacrée quantité de pays à leur actif! Serions-nous donc que de simples... «débutants»? bon, en moto, c'est quand même plus facile, d'abord... quoique, le passage des frontières reste meilleur sans moteur! Ils seront en effet retardés de longues heures au poste frontière, et nous ne les verrons passer devant nous que tard dans la soirée...
Nous, en tout cas, rattrapons les aléas mongols par un passage rapide et ultra efficace, des deux côtés. D'ailleurs, côté kazakh, nous sommes accueillis par le grand sourire d'un douanier jovial à l'immense casquette, sourire qui sera aussi sur les lèvres de la «tamponneuse» et du «douanier de sortie» : ça commence bien!
Dans le soleil couchant, nous faisons donc nos adieux à la Russie, que nous avons à peine eu le temps de connaître... pour nous plonger dans les immensités planes de ce nouveau pays : à nous, le Kazakhstan!

Rendez-vous pour la suite...dans les prochains carnets!

 

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

Une fois n'est pas coutume, cette rubrique restera bien courte: non que la gastronomie russe soit à ce point inexistante, mais disons plutôt que les quelques jours passés dans ce pays ne nous ont guère permis d'échantillonner autre chose que nos pâtes du soir.
Citons tout de même le pain rond, moelleux et tendre, assez proche des nans des restaurants indiens, et qui nous change des pavés secs et plutôt insipides de Mongolie. Il y a aussi le « bortsh », une soupe épaisse à base de betteraves, pas mauvaise, mais peu appropriée aux temps cléments de cette fin de juillet !
Mais nous vous entendons déjà vous impatienter : et, et... les racines qui rendent fort, alors??? Eh bien... nous avons testé, avec précaution et parcimonie au début, plus généreusement par la suite, et nous avons le regret de vous annoncer qu'elles n'ont eu absolument aucun effet sur notre métabolisme (commentaires grivois s'abstenir)! En revanche, elles donnent une superbe infusion rose au goût sucré et délicat, dont nous raffolons à présent : merci Xéma !

Les moments galère

  • La descente de l'Altay en bus : nos dents ont grincé maintes fois à la vue de ce véritable paradis des vélos... vélos que nous avions remisé en soute !!! raahhhhhhhh.....
  • Le vol de nos 3000 roubles par « Gros Lard » et la nuit blanche qui a suivi
  • Le départ trop précoce de notre ami Krys
  • heu... ben c'est tout !

Les meilleurs moments

  • Le passage de la frontière Russe, signant la fin des galères avec les douanes mongoles
  • Les retrouvailles avec Krys et les conversations à bâton rompu qui ont suivi
  • L'éclipse, bien sûr !
  • Le pédalage si facile dans la campagne estivale
  • Les couchers et levers de soleil chaque jour, si paisibles au milieu des champs habités d'oiseaux
  • Les rencontres : Olga à l'agence de voyage de Byisk, Svetlana la belle étudiante d'Aleisk, Vova et Rouama, les deux garçons pédaleurs d'Aleisk, Xéma le chauffeur aux racines magiques,... que de sourires croisés chaque jour !

 

Nous n'avons finalement fait que traverser un minuscule tronçon de ce pays immense, et ne pouvons donc oser prétendre « avoir vu la Russie ». Mais la douceur de vivre que nous y avons trouvé, les sourires rencontrés, nous donneront envie, un jour, d'aller visiter plus amplement ce joli coin du monde : à bientôt, la Russie, on reviendra !