Globicyclette
entre Chili
et Argentine
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dans la région des lacs
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Amis voyageurs, bonjour
!
Quoi de neuf dans les pérégrinations de Globicyclette
? Quel pays ont-ils encore réussi à inventer pour écrire
un carnet de plus sur l'Amérique du Sud ?
C'est que l'on a du mal à le quitter, ce montagneux continent...
Alors après les ruines incas du Pérou, les salars et
les sables volcaniques de Bolivie, les vicuñas du Chili, les
viandes d'Argentine, les côtes de Patagonie, le vent de la
Terre de Feu... il en reste encore à découvrir ! Si,
si : aujourd'hui, nous vous emmenons visiter une région qui
nous avait charmés lors de notre bref passage près
de Bariloche, juste au nord de la Patagonie. Une région elle
aussi à cheval sur le Chili et l'Argentine : la « région
des lacs ». Notre bref passage là-bas avant d'entamer
la Carretera Austral nous avait fait modifier notre itinéraire,
pour être sûrs d'y retourner pédaler avant de
quitter le continent. Et nous y voici ! enfin, presque...
Car souvenez-vous : nous vous avions laissés dans la petite
ville de Puerto Natales, en Patagonie, après 15 jours de randonnées
avec notre amie Raphaëlle. Mais la région des lacs se
trouve bien, bien plus au nord ! Comme nous n'avons pas vraiment
l'intention ou le temps de refaire la Carretera Austral dans l'autre
sens, surtout avec l'automne qui apporte les premiers frimas, nous
allons une nouvelle fois trouver une alternative au pédalage.
Après l'avion, après le bus, après la pirogue,
après le stop, après le poussage de vélo dans
les côtes... Globicyclette prend le ferry !
Voici donc notre dernier carnet sud-américain, avec une double
formule, pour le même prix : croisière dans les fjords
patagoniens et zig-zags dans la région des lacs.
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12 - 16 mars : La croisière
s'amuse
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C'était un cadeau de mariage
: quatre jours de croisière en ferry dans les fjords patagoniens,
pour rallier Puerto Natales, au sud, à Puerto Montt, aux portes
de la région des lacs. C'est le moment d'en profiter !
Encore nostalgiques de nos adieux à Raphaëlle, nous faisons
nos valises, heu sacoches, pour embarquer sur le ferry de la compagnie
Navimag, en même temps qu'une petite centaine d'autres « backpackers ». Étant
donné le caractère extrêmement découpé de
la côte sud-chilienne, le ferry constitue en effet une excellente
alternative au bus pour remonter vers le nord, et les prix restent
abordables. Donc pas d'affolement, nous ne changeons pas radicalement
de style : on est encore loin de l'ambiance « retraités
richissimes » du Titanic !
D'ailleurs nous ne serons pas les seuls
cyclocampeurs à bord...
car, surprise ! on retrouve sur le quai notre ami Marc, le cycliste
belge rencontré à la fin de la Carretera Austral, lors
de la « Grande Traversée ». Nous sommes heureux
de revoir un visage connu : le monde des cyclocampeurs est-il donc
si petit ?
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Nous
embarquons donc sur le ferry en y poussant nos vélos, qui passeront les prochains
jours solidement arrimés au pont inférieur. Nous,
on a droit à des couchages bien plus confortables, malgré la
troisième classe : le principe est similaire à celui
des couchettes SNCF, mais en bien plus spacieux et coquet. Et,
privilège insigne, notre compartiment ne contient que
nos deux couchettes, au lieu des quatre habituelles : nous avons
presque une chambre à nous ! Sans parler des toilettes
et douches, nombreuses et d’une propreté irréprochable. |
Hmmm, douche chaude et matelas douillet : la croisière s'annonce
bien ! D'autant que nous découvrons aussi le plaisir de ne plus
avoir à cuisiner, dans le noir, assis par terre, nos sempiternelles
pâtes à la tomate : nous voilà servis comme des
rois ! les petits-déjeuners, surtout, nous feront rêver
pendant les mois qui suivent :
Oeufs brouillés, pain, beurre, confiture, yaourt, jambon, fromage,
Corn Flakes, jus de fruits, thé ou café, à volonté.
Un régal ! Nous nous rattrapons de tous ces petits déjeuners
froids pris en vitesse devant nos vélos...
Reposés, nourris, propres, nous pouvons enfin gagner le pont
pour admirer le paysage. Sous le ciel gris du matin, le bateau se fraie
paisiblement un passage au sein des étroits canaux qui séparent
les innombrables îles patagoniennes. Nous traversons des passes
de moins de 50 m de large ! Les îles autour de nous sont hautes,
leurs pentes couvertes d'une végétation dense et vert
sombre. Elles se reflètent parfaitement dans l'eau limpide,
et laissent une impression de territoires vierges que nous serions
les premiers à explorer.
En
milieu de journée,
le ferry fait un détour pour passer devant le glacier «Skua »,
qui se jette dans la mer : peu de glaciers au monde font de même,
et après le Jokülsarlon, le Perito Moreno et le glacier
Grey, il semble que nous collectionnons ces exceptions ! Malheureusement,
le ciel fait grise mine, et c'est sous la pluie que nous observons
l'immense masse de glace. Le Jokülsarlon avait quand même
plus de gueule ! Mais c'est notre premier glacier vu de bateau... |
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Régulièrement, des appels au micro nous informent des
diverses activités proposées aux passagers : repas, bien
sûr, mais aussi des conférences, des films, ou simplement
les endroits remarquables de notre itinéraire. Bref, on nous
tient occupés. Nous n'en avions d'ailleurs pas vraiment besoin
entre les sacoches à raccommoder (pour Olivier), les carnets à écrire
(pour Amanda), le sommeil en retard à rattraper, notre journée
était déjà bien chargée. D'autant que bien
vite, sacoches et carnets passent au second plan derrière les
conversations avec nos confrères voyageurs. Nous faisons en
effet la connaissance de Wouter et Leen, un jeune couple flamand qui
voyage en sac à dos.
Et très vite, voici Olivier englouti dans de longues parties
d'échecs contre Wouter, confortablement installés dans
les fauteuils du bar. Il y a aussi Julien et Jessica, ou « la
belle Jess » comme la nomme immédiatement Olivier. Nous
les avions déjà croisés au cybercafé de
Puerto Natales, où ils discutaient par Skype avec leurs familles
et amis. Nous accrochons tout de suite après ces deux-là qui semblent
eux aussi fascinés par notre aventure. Et comme Julien aussi
joue aux échecs... Dommage que la croisière soit si courte...
mais on s'empâterait, à manger trop et ne rien faire
! Alors le 17 mars au matin, nous débarquons à Puerto
Montt, et retrouvons nos chers vélos qui dégagent une
vague odeur de foin : ceux-ci nous racontent qu'ils ont partagé leur
pont avec deux camions de moutons bêlants. On n'ose pas penser à l'effet
de la houle sur le troupeau !
Et nous revoilà enfin sur la route. Tiens, il fait bien plus
doux qu'en Terre de Feu par ici... |
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18 - 24 mars : lacs
bleus, volcans neigeux, mûres... mures !
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Nous
voici donc dans la région
des lacs, côté chilien.
Nos tentatives pour avancer notre date de départ en Nouvelle-Zélande
ayant échoué, nous disposons de trois longues semaines
pour parcourir de long en large ce joli coin. Et d'après vous,
que trouve-t'on dans la région des lacs ? des lacs, gagné !
Notre premier sera le lac Llanquihue, au nord de Puerto Montt : l'un
des plus grands lacs chiliens, dont nous distinguons à peine la
berge opposée. Nous en longeons la berge orientale, savourant
la douceur ensoleillée de ce qui ressemble bien à un été indien
: il semblerait que le temps maussade soit resté avec le ferry
!
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Le
paysage, superbe, est d'une tranquillité de fin de vacances. Et la route nous
réserve deux belles surprises. La première, c'est
le volcan Osorno, qui nous apparaît dans toute sa splendeur
au détour d'un virage. Ce cône quasi parfait domine
la région, nous offrant le spectacle magnifique de ses
pentes encore couvertes de glace et chacune de nos photos joue
les cartes postales. |
La seconde surprise
est plus terre à terre : des mûres ! juteuses, luisantes,
innombrables, elles n'attendent que nous... Nous nous arrêtons
tous les 500 m pour nous remplir les joues de ces minuscules poches de
violet nectar sucré qui nous laissent les dents bleues et les
paumes noires. Nous sommes des gamins qui faisons l'école buissonnière
! Autant dire que ce n'est pas ici que nous battrons nos records de distance...
En route, nous retrouverons d'ailleurs Marc le temps d'un bivouac : lui
aussi prend le temps de savourer cette région si douce.
Mais ce n'est pas le seul cycliste que nous croisons : un matin, alors
que nous nous séchons sous une guérite, pris par surprise
par une averse automnale, nous voyons arriver un vélo dans la
direction opposée.
Tiens,
un nouveau copain ? mais... on rêve ! le cycliste... c'est Seki !!! le japonais
que nous avions rencontré à la casa de ciclistas
de Salta ! incroyable. C'est pourtant bien lui, qui a doucement
poursuivi sa descente vers le sud, sans prendre de bus, mais
en prenant son temps. Nous le serrons dans nos bras, riant de
ces retrouvailles hautement improbables. Petit monde ! Nous échangeons
cartes et conseils sur les itinéraires passés et à venir,
comme tout bons cyclistes qui se croisent. |
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Puis nous reprenons nos routes respectives : Seki a devant lui toute
la Carretera Austral : nous lui souhaitons bonne chance !
La suite, c'est un pédalage sous une alternance de beau soleil
et d'averses imprévisibles, sous le regard tranquille du volcan
Osorno. Au petit village bien nommé d'Entre Lagos, nous bifurquons
vers l'est, direction l'Argentine. Ce soir-là, nous ne sommes
pas sûrs de la route à prendre et entrons dans un bar
pour demander notre chemin :la route pour l'Argentine, c'est par où ?
Un homme sympathique, mais qui doit en être à sa cinquième
bière, commence à expliquer l'itinéraire à Amanda.
Mais son discours s'emmêle : « suivez-moi, je vais vous
amener sur la route, ça sera plus simple ! ». Nous suivons
donc en vélo sa camionnette zigzagante : heureusement que les
rues du petit village sont désertes ! Sa mission accomplie, il
vient de nous serrer la main et nous abreuve de recommandations : « faites
très attention, c'est dangereux par ici, ne campez pas loin de
la route, et surtout, faites du feu ! ». Hein? dangereux, ici ?
mais... que faut-il craindre ? sa réponse, éloquente, nous
laisse sans voix : « les lions ! attention aux lions ! ».
Ah ben ça...
On en rigole encore en se glissant dans nos duvets, sur un petit coin
de plage en bord de lac qui n'attendait que nous...
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24 mars – 7 avril: |
Chili, Argentine, Chili, Argentine, |
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ça monte... ça redescend... ça
remonte... et on aime ça ! |
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Nous voilà donc partis à l'assaut
des petites Andes qui constituent la frontière entre Chili
et Argentine, et que nous allons monter et redescendre cinq fois
au cours des semaines qui suivent, accomplissant ainsi un très
joli parcours en S. Non, ce n'est pas du masochisme, c'est juste
la sempiternelle loi du voyage à vélo : plus ça
grimpe, plus c'est beau ! Grimpons donc...
Le lundi de Pâques, nous voici à la
douane argentine : mais où sont les chocolats ? Pas chez
le douanier à l'entrée,
en tout cas, qui comme souvent hésite devant nos montures
: S'agit-il de véhicules motorisés ? (auquel cas il nous
faudrait remplir toute une série de formulaires supplémentaires).
Non non, promis, ce ne sont que de simples vélos. Le moteur,
il est là, dit Olivier en désignant ses cuisses. Mais
on sent bien que Philéas est fier comme un coq d'avoir été pris
pour une moto, une Harley, si ça se trouve !
Comme souvent, le douanier nous tend un papier à faire tamponner
pour vérifier à la sortie que nous avons bien accompli
toutes les procédures nécessaires (tampon d'entrée,
formulaires à remplir, déclaration de douane,...).
Mais la nouveauté, c'est que la moitié de ce papier
officiel est occupée par... une publicité pour le resto
du coin ! Le mélange présomptueux entre officiel et
officieux que l'on trouve ici nous ébahit toujours...
Nous voici donc sur les berges du très beau lac
Nahuel Huapi dont nous avions déjà admiré les
couleurs de la rive opposée, à Bariloche. De ce côté aussi,
le lac se fait beau, et nous apprécions ce mélange
de paysages alpins et balnéaires.
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Il
règne dans
ce coin de l'Amérique une atmosphère fraîche
et tranquille qui donne envie de s'y poser...Notre prochaine étape,
c'est la route des «Siete Lagos », des sept lacs.
Ce célèbre chemin nous emmène apparemment
dans les plus beaux coins de la région des lacs argentins
et depuis notre passage à Bariloche, nous avions très
envie d'aller y promener nos vélos... Nous y voilà donc
! |
Malheureusement,
c'est dans de mauvaises conditions que nous découvrons les
prochains kilomètres : le soleil nous a oublié, remplacé par
une froide grisaille.. Mais surtout, il semblerait que nos organismes
aient profité du relâchement de rythme que nous leur
octroyons, pour baisser la garde : nous attrapons successivement
tous les deux une bonne crève, angine pour Olivier, sinusite
pour Amanda.
Et le pédalage en prend un coup : les poussées
de fièvres, ça ne pousse rien d'autre, surtout dans
les côtes ! Nous nous traînons donc plus que nous n'avançons,
sur ce chemin caillouteux que nos vélos n'apprécient
guère :
une grande portion semble en cours d'aménagement et de bruyantes
machines l' élargissent, le tassent, le creusent ou le comblent,
et y déposent une couche épaisse de gravier blanc qui
fait planter ou déraper nos roues. Ce sera peut-être
du doux asphalte dans quelques mois, mais en attendant on déteste
ces « camino en construction » ! On préfère
nettement la terre battue, chargée d'ornières mais
plate et dure...
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Mais
quand la fièvre
tombe, et que le soleil revient, quel joli spectacle :bleu
du ciel, bleu sombre des lacs, vert pétant de la végétation,
gris de la route. Les paysages ont une uniformité simple
de couleurs qui repose et ravit l'oeil. |
Le nôtre du moins,
parce que celui des conducteurs qui nous croisent ou nous doublent,
semble
plutôt braqué sur nos vélos. On reçoit
régulièrement les habituels saluts et coups de klaxon
d'encouragement: ça fait toujours plaisir ! ce qui nous
plaît
moins, c'est le retour du bon vieux « safari-photo » :
voiture qui double à 10 à l'heure (notre vitesse)
en montée, appareil photo qui sort, anonyme, une vitre à peine
baissée, et une nouvelle image que l'on nous vole. Quand
la prise s'accompagne d'un jovial salut, comme c'est tout de même
souvent le cas, on prend patience et on sourit. Mais quand la vitre
remonte tout aussitôt la photo dans la boîte, l'envie
nous prend de jeter des cailloux sur la carrosserie !
Dans la seule matinée, une vingtaine de fois les obturateurs
ont jailli des habitacles. Nous allons être connus sur les écrans
du monde entier ! Même les motos s'arrêtent pour une
prise. Dans une nouvelle montée, nous croisons un marcheur,
sac au dos. Bonjour, ami sportif non motorisé ! Bonjour, nous
répond-t-il, puis-je prendre une photo de vous ? Il ne comprendra
pas notre soudain fou rire : même lui ! On a du mal à s'arrêter
de rire : « tu vas voir, dit Amanda, la prochaine vache qu'on
croise, elle aura un appareil photo ! ».
La
route des sept lacs nous amène, après une descente
vertigineuse, devant la petite ville de Saint Martin des Andes. « San
Martin », c'est LE village de prédilection de la bourgeoisie
argentine. Mais on est loin, très loin, des villas à piscine
de la Côte d'Azur. Ici, on a des allures de petit village suisse
et San Martin gagne la palme du coquet et du pimpant. Chaque maison
rivalise avec la voisine pour le concours du plus joli chalet, et
la rue principale, bordée de ces constructions en bois,
semble sortie d'une brochure touristique.
Alors
qu'elle fait les obligatoires courses au supermarché du
coin, Amanda rencontre une femme avenante accompagnée de sa
fille d'une dizaine d'années : Patrizia et Glenda sont très
curieuses de notre voyage, et admiratives quand elles découvrent
notre parcours : « Venez donc dormir chez nous ce soir, vous
pourrez profiter d'une douche chaude et d'un bon lit ». Une
offre pareille, ça ne se refuse pas ! Nous passons avec elles
une très agréable soirée, même si passé minuit
nous avons du mal à suivre le débit ultra-rapide de
la bavarde Patrizia... (enfin, surtout Amanda, car Olivier a démissionné bien
avant et aidera plutôt Glenda à faire des devoirs
!).
C'est donc propres et frais que nous retrouvons la route,
laissant derrière nous grisaille et rhumes pour monter d'un bon rythme
les côtes ensoleillées qui nous ramènent vers
le Chili. Et ça regrimpe ! Nos
efforts sont récompensés
par les très beaux lacs que nous découvrons
entre les montagnes,
et
les bivouacs des jours qui suivent seront particulièrement jolis : qu'il est beau, le ciel
pur et étoilé des Andes ! Glacial, mais beau...
Une nuit, d'étranges cris rauques s'échappent
de la vallée d'en face : mais quel est donc cet animal
que l'on torture ? que nenni, personne n'agonise, il s'agit
juste... du brame des cerfs ! Hé oui, l'automne est
là... |
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Et nous revoici de nouveau... à la frontière ! Nous
entamons le bras médian du S de notre parcours, tracé de
bas en haut. La route dans ces montagnes isolées n'a pas
la qualité du bel asphalte de la frontière précédente,
et c'est en poussant, les pieds dérapant dans la boue du
sentier, que nous atteignons le col marquant notre entrée
au Chili. Les quatre carabineros du poste de douane ont l'air ravis
de nous
voir arriver : vu l'état catastrophique de la route, ils
ne doivent pas voir passer grand-monde ! Mais là où d'autres
en auraient profité pour fouiller minutieusement nos sacoches,
eux se préoccupent simplement de notre bien-être : « je
viens de cuire une miche de pain, vous voulez goûter ? »,
nous demande le plus jovial d'entre eux. Ça alors, nous savions
que les carabineros étaient multifonctions, mais de là à être
aussi boulangers !
Nous voici donc attablés devant un festin de pain chaud,
beurre et confiture, nous le regard ravi des carabineros qui posent
de
multiples questions sur notre voyage. Nous qui étions frigorifiés
après notre passage du col dans la brume, nous voici réchauffés
par cet accueil !
Nous traversons à présent une région peuplée par les descendants des tribus indiennes
décimées par les «conquistadores » espagnols.
Les «Mapuche » sont parvenus à conserver à la
fois leurs terres et leur identité, avec une obstination qui
a forcé les Espagnols à contourner ces gênants
territoires. Aujourd'hui, ils continuent à cultiver leurs
terres, au revenu desquelles ils ont ajouté celui du tourisme
: à chaque virage, des panneaux signalent une boutique d'«artesiana
mapuche ». Les villages que nous traversons n'ont pas la richesse
proprette des villages de chalets argentins, mais la population ne
semble pas pauvre. Leur physique se distingue nettement de celui
des Chiliens que nous connaissons : les visages ronds, les longs
cheveux raides et les petites tailles rappellent plus les habitants
du Pérou que ceux du Chili ou de l'Argentine.
Un matin, la route nous assaille sans
prévenir d'une montée
infinie et véritablement infernale.
La pente est telle que nous devons pousser les
vélos à chaque
virage. Étrangement, ce n'est pas, et de loin, la pire montée
que nous ayons fait, mais elle a un effet déplorable sur notre
moral, malgré le soleil qui brille tout ce qu'il peut pour
compenser. Est-ce justement le relâchement de ces dernières
semaines qui a ouvert une valve jusque-là inexistante ? ou
juste la fatigue causée par le rhume persistant des jours
précédents ? toujours est-il que le énième
lacet à raison du moral déjà défaillant
d'Amanda. Posant son vélo contre la falaise, elle s'assoit
au milieu de la route et laisse échapper
un sanglot.
C'est la fin du monde, jamais elle ne tiendra
le coup, elle ne vaut rien... Hé oui, le voyage à vélo, ça
n'est pas toujours facile...
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Olivier,
lui, gère
son désespoir autrement : voici une demi-heure qu'il
insulte copieusement, et à voix haute, la route, la
pente, et même les chiliens. Mais il réalise soudain
que sa belle ne suit plus : késako ? La découvrant
dans un sale état, il en oublie illico sa terrible colère
et court ramasser sa chérie à la petite cuillère.
Mais non, l'univers ne s'écroule pas, c'est juste un
petit coup de blues, pas de quoi avoir honte, non mais t'as
vu cette montée aussi ? n'importe quel humain normalement
constitué aurait craqué au troisième lacet
! Nous, on y est presque, encore deux lacets et ça descend,
le petit vieux du dernier virage me l'a juré ! Peu à peu,
la grande désespérée retrouve le sourire,
et reprend son vélo pour le pousser vaillamment sur
les derniers mètres infernaux. |
Le petit
vieux avait dit vrai, et ça descend : youhou ! Heureusement,
le doux balancement du pédalage constitue le meilleur des remèdes
au moral en fuite, et bien vite un panorama magnifique capturé entre
deux buissons, une descente exaltante, une odeur sucrée de
fleurs sauvages ont raison des pires idées noires. Le vélo, ça
rend heureux !
Tiens, en parlant de panoramas magnifiques...
aujourd'hui, nous découvrons
au détour d'un virage que nous ne sommes pas tout seuls : imposant triangle
trônant au milieu des plaines chiliennes, le volcan Villarica nous observe...
Et quel volcan ! À l'instar de son voisin du Sud, le volcan Osorno,
il est lui aussi décoré d'une chape de glace, et lui, surtout...il
fume ! Un fin panache de fumée blanche s'évapore dans l'air frais
au-dessus de son sommet. Rien de terriblement spectaculaire, mais c'est tout
de même notre premier volcan fumant.
La ville de Villarica représente l'équivalent chilien de Bariloche ou San Martin, en
un peu moins bourgeois, et le long du lac qu'elle surplombe s'entassent là aussi
de mignonnes et multiples « cabañas » en
bois.
Ce
soir, nous dormirons au bord du lac Villarica, où la plage n'attendait que nous.
En cette basse saison, nous sommes seuls sur la rive et nous
posons notre tente sur les graviers pendant que le ciel s'illumine
des couleurs royales du coucher du soleil, aussitôt imité par
le lac qui reflète à la perfection les nuages
incendiés de rose et d'orange. Que nous sommes bien
! |
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L'aube nous éveille pas ses cris d'oiseaux qui transpercent l'air pur
et frais du petit matin. Juste à temps pour assister au lever du soleil
sur les eaux lisses du lac Villarica, encore endormies sous une chape de brumes
roses. Le ciel est entièrement teinté de rose, et c'est dans
un calme olympien que les premiers rayons du soleil viennent saluer de leur
lumière orange notre tente couverte de rosée. Un de ces moments
rares où le temps suspend son vol...
Aujourd'hui, notre itinéraire en zigzag « (branche supérieure
du S) » nous ramène en direction de
l'Argentine : un nouveau col nous attend !
Et au sommet, un troisième volcan vient s'ajouter à notre liste
: le volcan Lanin, qui nous apparaît comme une récompense après
une journée particulièrement difficile,
est probablement le plus beau de tous...
Cette fois-ci, la douane chilienne nous servira d'abri
contre le vent pour prendre notre petit déjeuner.
Et là, au milieu de notre bol d'avoine, qui voyons nous arriver ? mais...
oui ! ce sont eux ! Johanna et Michaël ! Nous n'en croyons pas nos yeux.
Nous les savions dans la région d'après leurs derniers e-mails,
mais de là à les recroiser... Nous jetons en vrac bols, sucre
et Corn Flakes pour courir à leur rencontre,
et les serrer dans nos bras. Quelles bonnes retrouvailles
!
Comme toujours, nous passons deux heures à parler de tout et de rien
et à se raconter nos aventures. Puis nous nous quittons une fois de
plus, non sans avoir échangé toutes les informations sur les
routes qui nous attendent respectivement. Et c'est reparti, avec le cœur
réchauffé par cette rencontre inattendue...
Côté argentin,
la végétation change de manière radicale.
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Les
forêts de
conifères et les landes de gros buissons laissent à présent
place à une essence que l'on aime bien : l'araucaria.
Cet arbre, symbole de la région, décore le paysage
de sa silhouette élégante. Nous passons au milieu
de forêts d'araucarias, puis peu à peu même
eux disparaissent pour laisser la place à un paysage
d'herbes rases et d'épineux. C'est qu'il fait sec de
ce côté-ci des Andes ! |
Au fur et à mesure que nous progressons vers le nord, le temps devient
de plus en plus froid et gris, conséquence de l'automne qui s'installe.
Les arbres des vallées que nous longeons, notamment les peupliers, s'illuminent
de teintes dorées superbes avant de perdre peu à peu leur feuillage.
Mais sous les nuages, les lacs que nous découvrons ont moins de charme
que les précédents, surtout lorsque l'on a les doigts blancs
: il est temps pour nous de migrer vers des régions
plus chaudes !
Le 7 avril, nous passons pour la dernière fois la frontière,
et c'est sous un léger crachin que nous quittons pour de bon l'Argentine.
Nous avons auparavant rempli nos sacoches de facturas (les viennoiseries argentines
que nous adorons), achetées avec nos derniers
pesos !
Alors que la nuit tombe, le Chili
nous accueille par une brume glaciale qui s'empare de la forêt
d'araucarias qui nous entoure. Dans l'obscurité, ces
arbres préhistoriques deviennent d'étranges silhouettes
qui apparaissent et disparaissent au gré des nappes
de brume... Nous, c'est dans la tente qu'on va disparaître,
car il fait un froid à ne pas laisser un vélo
dehors...
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8 -11 avril : Santiago,
nous voilà !
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Notre dernière dégringolade des Andes,
par un petit matin glacial, est jolie comme tout, le long d'une vallée
verte et encaissée où les araucarias laissent peu à peu
la place aux pâturages. Elle nous emmène dans la petite
ville de Melipeuco, dominée à l'horizon par le très
beau volcan Llaima, un de plus sur notre liste. Nous donnons ici nos
derniers coups de pédale en campagne sud-américaine :
ce soir, nous prenons le bus pour Santiago ! Car dans quelques jours,
un avion nous attend pour l'île de Pâques...
A Santiago, nous sommes accueillis à bras ouverts par Samantha
: nous avions rencontré Sam et son ami Pascal, un couple australo-suisse,
au milieu du sud Lipez. Après avoir partagé un bain dans
la source chaude locale, ils nous avaient chaleureusement invités à loger
chez eux quand nous passerions à Santiago. Pascal, malheureusement,
est en voyage, mais Sam nous accueille comme de vieux amis, alors que
nous ne l'avions croisée qu'un court instant il y a plus
de trois mois ! Un ange de plus sur notre route...
Un ange qui nous fournit matelas douillet, douche chaude, machine à laver,
et surtout deux excellentes soirées passées en sa
compagnie : merci Sam !
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Nous
profitons de ces deux jours de vacances pour visiter la capitale.
Mais il semble
que nous ne puissions rien faire simplement... Sur la place
d'armes, alors que nous admirons les peintres et caricaturistes
qui donnent à l'endroit un petit côté «Montmartre »,
un attroupement attire notre attention : mais que regardent-ils
? On finit par distinguer entre les têtes, un comique
qui fait un espèce de « one-man-show» au
centre. Il doit être assez drôle car beaucoup
s'esclaffent. Mais alors que nous tendons l'oreille, il interrompt
son discours
: «Hé vous ! Oui, vous là, derrière
tout le monde ! ». Les yeux de la foule sont braqués
sur nous. « Avancez donc, que l'on vous |
voie mieux ! ».
Et Olivier qui adore parler en public... Car le comique, qui nous
trouve à son goût,
a décidé de faire de nous les héros de son
spectacle. On se retrouve donc au milieu du cercle, à tenter
de comprendre les blagues débitées à une cadence
effrénée
par notre compère. Il nous fait jouer des rôles, mimer
des top models, porter des perruques, nous saute dans les bras
ou l'inverse, et termine en beauté par un baiser... sur
la bouche... à chacun
de nous ! Il fera d'ailleurs une quête très rentable
dans la foule : « si vous me donnez suffisamment, j'embrasse
le français
sur la bouche ! ». La tête d'Olivier à ce moment-là vaut
le spectacle... hi hi ! On ne s'attendait pas à ce genre
d'aventure en montant sur nos vélos...
Et il est déjà temps
pour nous de quitter Sam pour pédaler en direction de
l'aéroport. Nous allons y passer une longue et fastidieuse
soirée à emballer nos vélos, car la compagnie
LAN est formelle : tout vélo doit être emballé dans
un carton. Zut ! Vous avez déjà essayé d'emballer
un vélo couché ? alors deux... A minuit passé,
nous achevons enfin notre tache. Philéas et Heidi ressemblent à présent à deux énormes
tanks... pourvu qu'on les laisse quand même passer ! |
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Ce soir, nous dormons
d'un sommeil agité dans un coin de
l'aéroport : va-t'on une fois de plus devoir payer un supplément
bagage ? les vélos vont-ils sortir indemnes de ce nouveau
transfert ? à quoi ressemble cette île mystérieuse
vers laquelle nous nous envolons ? n'allons-nous pas nous y ennuyer,
avec seulement 50 kilomètres de route à parcourir en
dix jours ? La suite... dans les prochains carnets bien sûr
! A très bientôt, sous les tropiques !
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Les petits détails
du quotidien...
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Mangeons gaiement...
Hmmm... alors là, par contre, il n'y
a plus vraiment rien à ajouter à la rubrique
gastronomique ! Un petit rappel, déjà nostalgique,
des gargantuesques petits déjeuners du ferry ? des mûres
fondantes du lac Llanquihue ? Mis à part ça,
rien de plus aujourd'hui pour cette rubrique ! Promis, vous
en aurez plus quand nous pédalerons en Asie ...
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- Les gros rhumes que
nous avons essuyés l'un
après l'autre : vivent les inhalations au pérubore
!
- Le coup de blues
d'Amanda lors de la « montée
infernale»
- Les graviers terribles
des « camino en construction » que
nous détestons, et qui nous obligent à pousser
en montée même lorsque la pente ne le
justifie pas...
- La prise en stop
- La montée du col vers le volcan Lanin. Nous
avons passé une journée presque entière à pousser
nos vélos, justement sur du « camino en
construction » : quatre heures pour faire quinze
km : l'horreur !
- Les guêpes : ça, on connaît tous
! Depuis le début de notre voyage, nous les
avions oubliées, mais elles sont revenues en
force, essayant avec ardeur de dévorer notre
jambon plus vite que nous à chaque pause déjeuner.
Si Amanda adopte l'attitude zen du « on partage,
les filles, y en a pour tout le monde », Olivier
leur livrera une bataille féroce, qui le laisse
vainqueur mais avec deux belles piqûres sur la
cuisse : ces sales bestioles s'arrangent pour entrer
dans nos jambes de pantalons pendant que nous pédalons
! Serait-ce l'un des rares inconvénients du
vélo couché ?
- L'emballage des vélos à l'aéroport
: tiens, un second inconvénient !
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Les meilleurs moments
- Le luxe délicieux
du voyage en ferry, et les rencontres bien sympathiques
que nous y avons faites
- Les parties d'échec effrénées
d'Olivier sur le même ferry... enfin, celles
qu'il a gagnées !
- Les orgies de mûres le long des chemins
- Le mini haut-parleur
de Philéas : à Ushuaïa,
nous avons fait l'emplette d'un tout petit haut-parleur à piles.
Fixé sur l'appuie-tête de Philéas,
il nous permet de pédaler en musique, en écoutant
ensemble la même chanson. Il nous a fourni de
chouettes moments, où nous chantions en cœur, à tue
tête et probablement très faux, les airs
de notre lecteur mp3 que nous commençons à bien
connaître (512 mégas, les mêmes
chansons en boucle depuis juillet dernier...). Vivent
les routes heureusement désertes de l'Amérique
du Sud ! (mais vous gardez ça pour vous hein?).
- Le lever de soleil
sur le lac Villarica
- Après une journée de galère,
l'arrivée en haut de la côte avec vue
imprenable sur le volcan Lanin, tout doré des
couleurs du soir
- Les nouvelles retrouvailles
avec Johanna et Michaël
- L'accueil de Samantha à Santiago
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Voilà donc venue la fin de
nos pédalages sur le continent américain. Nous y
aurions volontiers passé encore un bout de temps, car le
nombre et la diversité des merveilles qu'on y trouve nécessitent
bien plus que quelques mois de vélo... Alors c'est promis,
nous y reviendrons, car les quelques « galères » qu'on
y a vécues ne sont que des broutilles faces aux fabuleux
moments que ce continent nous a offerts. Il va nous manquer ! Heureusement
finalement que l'hiver approche pour nous pousser dehors, vers
le Pacifique et le soleil couchant...
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