Globicyclette en Mauritanie

Salam Aleikoum!

 
Bonjour, amis voyageurs! (voyage réel, voyage virtuel!). Voici les aventures de Globicyclette au pays des Maures. Que de changement depuis le Maroc! Venez découvrir comment, en trois semaines, nous avons traversé les déserts, lutté (et gagné) contre la canicule et les intestins ravagés, escaladé des cols, sommeillé à l'ombre des oasis, mangé du chameau, survécu au lait de chamelle fermenté, appris à respirer dans trois centimètres de cheich par 45° et découvert la gentillesse mauritanienne...

12 septembre-14 septembre : Globicyclette prend le Train du Désert

 

Nous avions laissé nos globicyclistes à la sortie du No Man’s Land qui sépare Maroc et Mauritanie. Les voilà donc à la frontière mauritanienne qui, il faut le dire, ne paye pas vraiment de mine : une minuscule guérite en torchis et tôle ondulée pour les passeports, une autre pour la douane, et le désert autour! 20€ plus tard, nous voici officiellement en Mauritanie, munis de visas temporaires de trois jours (20€… à mon avis nous nous sommes fait avoir de nouveau… mais comment négocier avec un douanier?). Devant notre inquiétude quant aux trois jours dont on dispose pour rejoindre Nouakchott et y faire des visas permanents, le douanier sourit: ici, en Mauritanie, la police est flexible, et les trois jours pourront être élastiques! tant mieux car en fait nous mettrons 15 jours avant de faire faire nos vrais visas… En tout cas, nos interlocuteurs sont souriants (même ceux qui n’ont pas vu passer les 20€), aimables et nous gratifient tous d’un joyeux « Bienvenue en Mauritanie! ». Çà s’annonce bien!

C’est toujours sous un soleil de plomb et entre les dunes que nous poursuivons notre route, direction Nouadhibou, seconde ville du pays. Nouadhibou se trouve sur la côte, au bout d’une péninsule et le cri des sternes accueille notre arrivée: tiens, nos copines d’Islande sont allées plus vite que nous! Toute la ville est agencée autour de la rue principale où se côtoient dans un joyeux chaos: épiceries, marchands de fruits, de tapis, ânes tirant des carrioles et surtout une multitude de voitures hors d’âge qui doublent dans tous les sens, en général en empruntant la terre battue qui sert de trottoir. L’ensemble paraît plus pauvre qu’au Maroc mais plus vivant aussi. Et les enfants qui s’attroupent autour de nos vélos ne demandent plus de dirhams! Nous passerons la nuit dans un camping (chez Ali où nous profitons de la gazinière pour faire des tonnes de crêpes ! Ce soir, c’est la première nuit du ramadan, et nous nous endormons sous le chant du muezzin «Allaaaaah Akbar! ».

Mission suivante pour Globicyclette, rejoindre la ville d’Atar, à environ 500km à l’est de Nouadhibou, en plein milieu du désert mauritanien.

Méthode de ralliement: le « train du désert»! (tataaan!). Il s’agit d’un train de marchandises qui convoie du minerai de fer des mines du nord-est vers Nouadhibou, et repart à vide chercher une nouvelle cargaison, une aubaine pour les voyageurs en partance vers l’est!

Mais… la mission présente quelques pièges… Piège numéro 1 : le ramadan. Interdiction de dévorer goulûment en public nos crêpes de la veille, ce serait trop cruel pour ceux qui jeûnent (soit tout le monde sauf nous!). On mâchouille donc des bouts de crêpe nature sous nos cheichs! gloups!

Piège numéro 2: les wagons. Pas de marchepied ici, madame! Les wagons sont de simples cuves cubiques de 2m de haut, perchées sur des roues à 2m du sol, soit 4m à escalader avec les vélos sur le dos. Heureusement nous sommes entourés de jeunes mauritaniens musclés et sympathiques, et la cargaison est hissée en un tour de bras, en même temps que d’énormes sacs d’oignons, pommes de terre, couvertures ou autres ; nous ne sommes pas les seuls à profiter du train!

Piège n°3: le confort. Bah oui ! Assis par terre dans une cuve métallique, sur des roues métalliques, ce n’est pas très confortable… On est secoué dans tous les sens, et à chaque cahot, les roues martèlent le fond du wagon dans un vacarme de forge… Dormir n’est pas la bonne option!

Piège n°4 : le pire… la poussière… oui, car le minerai de fer est tenace, et les wagons en contiennent encore suffisamment pour nous faire voyager dans un épais nuage de poussières. Lunettes obligatoires, et nous ne pouvons respirer qu’à travers nos cheichs. Et peu à peu, la poussière se dépose, s’insinue : nous voilà tout gris de la tête aux pieds!

Mais l’ambiance dans le wagon nous permet de supporter l’inconfort. Ebahis, on regarde ainsi nos voisins se préparer un thé, puis leur repas, sur un petit feu qu’ils aménagent dans un coin du wagon sur un tas de sable! Et nous qui ne parvenons même pas à boire dans nos gourdes tellement çà remue!! Le sourire mauritanien est contagieux et finalement ces dix heures dans le « train de l’enfer » ne seront pas si infernales que çà! Mais la mission n’est pas terminée! car le train nous dépose à Choum, à 80km d’Atar. 80km de désert inondé par les récentes pluies… (vous vous souvenez dans les news, les inondations en Afrique??);

mais ici, il y a toujours une solution! A 2h du matin, couverts de poussière et sous l’orage qui gronde, nous nous embarquons dans une Land Rover brinquebalante de 20 ans d’âge au moins (c’est costaud ces machines là!), avec Philéas et Heïdi sur le toit.

Nous nous entassons à 11 à l’intérieur, et zou! Le chauffeur fonce dans le noir absolu, sous une pluie battante, le long d’une piste qu’il est le seul à voir. Et ce qui devait arriver arrive: on s’embourbe! Et nous allons passer la nuit, de 4 à 7h, à tenter de dégager la Land Rover de la boue sableuse en creusant à mains nues. Mais ouf, çà repart enfin après 3h d’efforts. Et maintenant qu’il fait jour, c’est plus facile d’éviter les ornières!

15 septembre-22 septembre : une semaine à Atar, la Mauritanie... hors saison
 

On vous laisse imaginer dans quel état de fatigue et de crasse, nous arrivons à Atar. Ah.., nous vendrions Philéas et Heïdi pour une douche chaude! Vite, au camping! mais… aaahgrh! le camping est fermé… ainsi d’ailleurs que tous les campings de la région, car nous arrivons…hors saison! la saison touristique, c’est de novembre à mars, et là, c’est plutôt la saison des pluies !
Ah les loosers! mais non, voyons, nous sommes en fait, déterminés à découvrir la Mauritanie « authentique », et pas celle des touristes, na! oui, bon, en tout cas pour le moment, la perspective d’une douche s’éloigne à grands pas…

Nous errons dans le centre ville à la recherche d’une alternative abordable, quand notre ange gardien se matérialise au détour d’une rue. Notre ange gardien, c’est Saad qui lisait tranquillement le journal devant un cybercafé avec ses amis, et à qui nous demandons conseil pour trouver

une auberge bon marché: « Je possède quelques auberges en ville,mais vous n’êtes pas des voyageurs pour auberges, venez plutôt chez moi, j’ai un endroit pour vos vélos et pour une douche. Alléluia! (ou plutôt «Allah Akbar» ??) nous lui en serons éternellement reconnaissants! Et même pas la peine de vendre nos vélos! (pardon, pardon, Philéas et Heïdi !).
Nous allons donc poser nos quartiers pour un jour, puis un second, et au final une petite semaine chez Saad, dans une cour rien que pour nous, en face de sa maison. Et nous découvrons un homme cultivé, dynamique et véritablement hospitalier.
Saad nous explique ses multiples activités : c’est un homme doté d’une énergie créatrice incroyable, qui touche un peu à tout, avec succès à chaque fois: une grande boutique en ville, une entreprise de travaux publics, une auberge pour touristes dans l’oasis voisine et une autre en construction à Azougui, pour laquelle il a recruté des tailleurs de pierre «à l’ancienne», l’organisation de la «Mauritanienne Race 200» (un raid de 200km dans le désert!), plusieurs maisons qu’il loue dans Atar, l’organisation de treks et méharées dans le désert au départ de ses auberges, participation à l’organisation du Paris-Dakar avec accueil des VIP, para moteur dans le désert… Il a encore mille autres idées en cours ou à venir (stages «maigrir dans le désert», séjours pour dépressifs, séjours «zen», séjours pour les artistes,…).

Il nous explique que la Mauritanie s’ouvre à peine au tourisme (depuis 96) et qu’il y a des perspectives d’avenir impensables. Il doit être plutôt riche mais reste très simple dans son apparence et ses discours et il est très fier de ses trois filles de 9 mois, 2 ans et 10 ans. «Toutou», la plus grande est vraiment charmante. Pour lui faire un peu de publicité, allez donc visiter le site web de Saad : www.azougui.com, il saura vous faire découvrir … et aimer la Mauritanie.

Nous découvrons ainsi la ville d’Atar qui nous frappe par sa pauvreté et sa saleté. Les rues en terre battue, sont constellées de détritus que mâchouillent des dizaines de chèvres-vide-ordure en liberté. Le marché se tient à même le sol, et les légumes sont peu nombreux : oignons, piments, potiron, pommes de terre, parfois quelques tomates. Mais les gens sont souriants et aimables et nous découvrons une boulangère (!!) qui vend de délicieux petits pains briochés. Et en fait, au bout de quelques jours, les poubelles dans les rues ne nous dérangent plus du tout! En revanche, un autre élément reste difficile à supporter: la chaleur. Une chaleur continue, étouffante qui nous immobilise dans sa torpeur entre midi et 17h, et nous empêche de dormir la nuit: 31 degrés à son minimum, et plus de 45° à l’ombre dans l’après-midi. Le moindre effort devient pénible, nous perdons de nombreuses heures à attendre le retour d’une relative fraîcheur dans la soirée et le pédalage va aussi s’en ressentir !
Mais nous ne passons pas une semaine entière à Atar: en fait, la maison de Saad, nous sert de «camp de base» pour aller visiter la région avec des bagages allégés.

Nous découvrons ainsi l’oasis d’Azougi, à 8km d’Atar. Saad y construit une nouvelle auberge, et nous passons la nuit sur le site en travaux : on y découvre des huttes traditionnelles en pierre sèche, taillée à la main: c’est superbe et l’auberge terminée devrait être magnifique; avis aux voyageurs de passage, ne manquez pas l’auberge de Saad! D’autant que l’oasis voisine est superbe, avec les habituels palmiers qui regorgent de dattes fondantes et exquises…

Un second voyage nous amène à la ville historique de Chingetti, à 80km (et un col mémorable à 12%) d’Atar. Chingetti est classée au patrimoine mondial de l’Unesco, car cette ville, posée au milieu des dunes, recèle en ses murs, toute l’histoire de la Mauritanie… qu’on l’appelle aussi, «le pays de Chinguetti». Sa vieille ville, toute en pierres sèches, possède plusieurs bibliothèques où sont conservés des milliers de manuscrits antiques, souvent laissés à l’abandon, faute de moyens au gouvernement. Heureusement que l’air sec du désert, çà conserve !
Dans cette ville où se croisent tous les nomades de la région, suivis de leurs troupeaux de dromadaires, nous rencontrons Mohammed-Mahmoud et son frère Sidi-Ahmed qui nous offrent eux aussi l’hospitalité. Mauritanie, terre accueillante! Ces deux hommes au grand cœur, nous parlent de leur association, «les Amis de Chingetti pour l’action humanitaire», qui s’efforce de venir en aide efficacement aux familles démunies de la région. Par leur intermédiaire, nous découvrons même une école de nomades aux faibles moyens, avec laquelle nous allons réaliser un jumelage avec les écoles de notre département.

Si aider à l’amélioration des écoles nomades vous intéresse, voici l’adresse-mail de Mohamed-Mahmoud : nemoud_nomade@yahoo.fr. Pour continuer dans la pub gratuite, ajoutons que Mohamed-Mahmoud est aussi un guide formé par Terres d’Aventures, et qu’il se fera une joie d’organiser pour vous des méharées dans le désert, à la carte!

Avant de quitter Chinguetti, la ville nous offre son best off: un lever de soleil sur les dunes du Sahara. Il suffit de marcher 500m après les dernières maisons, et le monde disparaît derrière les dunes ocre et jaunes. Le désert… dont l’immensité écrasante, nous laisse songeurs…

23-28 septembre ou la véritable traversée du désert

 

Après plusieurs mésaventures digestives dont nous vous passerons les détails (voir les moments galère!), il est temps pour nous de poursuivre notre voyage. Il sera difficile de quitter Saad et ses adorables filles, et celui-ci nous abreuve de conseils pour la route à venir: « il va faire très chaud, utilisez toujours vos cheichs, nouveaux cheichs en coton blanc achetés à Atar sur ses conseils, on ne le regrettera pas!, transportez au moins 20l d’eau avec vous, ne pédalez pas entre midi et 17h, et n’hésitez pas à arrêter les voitures pour demander à boire! ».

C’est que la route qui nous attend est en fait un véritable défi. C’est le désert, sans eau, et avec un soleil qui tape fort. Plus de 60°au soleil, 47 à l’ombre et faire un effort par cette température relève de l’exploit! Alors, on remplit toutes nos gourdes, 18 au total, çà fait lourd sur les vélos!, et c’est parti! L’avantage, c’est que la route est plate, plate voire en légère pente vers le bas et toute droite. L’inconvénient, c’est que le vent a décidé d’être contre nous pour la traversée,

… il ne nous reste plus qu’à vous mettre face à un sèche-cheveux à puissance et chaleur maximales, et vous aurez une bonne idée de nos sensations ! Pendant cinq jours, on va pédaler entre 6h30 et midi, puis de 16h30 (ou 17h) à 19h, le coucher du soleil. Et entre les deux, eh bien on choisit le plus grand acacia du coin (une antenne téléphone fera l’affaire quand les arbres auront déserté, et on se pose dessous, en attendant qu’il fasse meilleur! Vers midi, le pédalage devient bien pénible, et c’est parfois au bord de la nausée qu’on s’arrête : on se pousse un peu trop loin, ralentissons le rythme ! Sur la route, on croise des tentes de nomades, des dromadaires, et parfois des carcasses … de voiture ou de dromadaire! Gloups! Nous nous ravitaillons en eau dans les rares villages traversés, mais aussi grâce à la gentillesse des voitures qui passent et que l’on arrête: chacune nous donne au moins une bouteille de 1l, parfois toute fraîche sortie d’une glacière !
Mais une étape en début de parcours, va nous motiver pour toute la suite. Car, qu’est-ce que l’on trouve au milieu de désert? une oasis, bien sûr!

Et l’oasis de Terjit va se révéler un petit coin de paradis… comme dans les dessins animés de notre enfance! là, cachée au milieu désert brûlant, une vallée très encaissée, et dans la vallée de l’eau! des palmiers! de l’ombre! et même une piscine naturelle… de la fraîcheur, enfin!... Bon, l’oasis est célèbre dans le pays et est normalement envahie par les touristes. Mais, n’oublions pas, nous sommes hors-saison! et nous avons l’oasis presque pour nous tout seul; le rêve…

C’est d’ailleurs bien dur de ressortir de l’eau, mais on garde le souvenir de la fraîcheur de l’eau dans nos têtes. Le reste du trajet est très monotone et pénible à cause du vent de face… et nous branchons nos lecteurs mp3 à nos oreilles pour nous motiver: çà fait du bien un peu de musique occidentale !
L’avant dernier soir, nous nous arrêtons au pied d’une antenne, pour demander de l’eau à la famille qui a posé une tente nomade juste à côté. Mais pendant que nous remplissons nos gourdes, le vent se lève, et en quelques minutes, nous nous retrouvons au beau milieu d’une tempête de sable! Sans perdre un instant, Moktar, le père de famille, nous pousse sous leur tente, dont il ferme en hâte toutes les ouvertures. On se retrouve à l’abri sous l’habitacle qui tremble de toute part, et on bénit la providence de nous avoir fait nous arrêter là, juste à temps. Notre petite tente n’aurait peut-être pas tenu le coup!

Moktar et sa famille sont ravis de nous accueillir et nous invitent illico à partager le thé, leur repas puis leur tente pour la nuit! Ils parlent seulement hassani (mauritanien), mais leur gentillesse est internationale !

29 septembre-3 octobre : Nouakchott ... puis direction le Sénégal!

 

On est quand même bien content d’arriver enfin à la capitale, où cette fois-ci, il y a un camping ouvert! Raah, la joie d’une douche après cinq jours de poussière qui crisse sous les dents! On avait besoin, vélos compris, d’un bon décrassage… Et d’une journée de repos et flâneries, avant de partir à nouveau en mission; objectif du jour, obtenir nos visas permanents! Çà n’est pas une mince affaire, mais nous allons avoir une aide précieuse, celle de Bouba (Boubakar) qui est tombé amoureux de nos vélos et a décidé d’être notre guide et ami pendant notre séjour à Nouakchott. Il va se mettre en quatre pour nous aider dans les formalités administratives, mais aussi pour nous trouver des chambres à air de rechange, un cybercafé, un taxi pour aller voir la plage, etc… Après une journée d’attente, on obtient enfin le tampon requis, mais seulement grâce à l’intervention à point nommé du secrétaire général de l’ambassade, croisé par hasard sur le trottoir…ouf!

Entre temps, on a fait un tour sur «la plage des pêcheurs»: une file interminable de pirogues multicolores s’aligne au bord de la plage, dans une odeur de poisson pourri. Çà change de la côte d’Azur!

Derrière les jolies pirogues, de minuscules baraques de pêcheurs en bois et branchages, très pauvres. Et dans les vagues, des jeunes hommes s’essaient au body surf dans les gros rouleaux: ils sont bien meilleurs que nous! Le soir, Bouba nous invite à partager le « couper » avec ses amis. Le « couper », c’est la rupture du jeûne imposé par le ramadan, au coucher du soleil. Les croyants peuvent enfin manger et surtout boire: avec la chaleur ambiante, ne rien boire de la journée nous semble un véritable calvaire! Ainsi, nous nous retrouvons assis sur une natte devant une boutique, avec une dizaine d’autres jeunes, et soudain, on nous tend une tasse de lait chaud sucré, et des tartines beurrées! miam, encore meilleur que le thé et les dattes que nous avions partagés lors d’autres cérémonies du « couper ». Dans le ciel tout rose passent d’étranges oiseaux. Mais… non, ce sont des chauves-souris! d’un mètre d’envergure; nous n’en avions jamais vu de telles…
Une fois les formalités administratives, courses, douches, lessives, et autre emails accomplis, il est temps de quitter cette ville où règne une chaleur de four, et mettre le cap vers l’air plus frais du fleuve Sénégal. Nos mésaventures calorifiques, digestives et matérielles des semaines précédentes nous ont mis en retard sur notre planning: on va donc sauter quelques étapes en prenant un taxi pour parcourir la route entre Nouakchott et la petite ville d’Aleg, à 300km à l’est. Arrivés là, nous pédalons droit vers le sud, en direction du fleuve qui est aussi la frontière entre Mauritanie et Sénégal. Après quelques coups de pédale, notre moral fait un bond: oh! de l’herbe: jaune, certes, mais tout de même!

Après des semaines de désert et d’épineux acacias, la vue de prairies herbeuses nous émerveille. La Mauritanie n‘est pas qu’une terre morte où seuls subsistent des os de dromadaire! Dans ces collines verdoyantes, on aperçoit nos premières vaches mauritaniennes.

Tiens, drôles de vaches, avec des cornes qui rendraient fou de jalousie le plus cornu des taureaux camarguais! En fait, ce sont des zébus qui regardent nonchalamment passer ces drôles de vélos. Décidemment, entre les zébus et les dromadaires, les animaux mauritaniens sont d’un flegme! Revigorés par autant de verdure, nous pédalons gaiement dans un paysage presque trop parfait pour être vrai,on se croirait dans un dessin animé: collines d’herbe rase dans le style «gazon anglais» où paissent des troupeaux de zébus aux cornes gracieuses, petits villages de maisons éparses en terre sèche et toit de branchages, entre lesquelles passent des groupes de femmes aux voiles colorés comme autant de fleurs… et il fait (un peu) moins chaud! Autant dire que l’on file à toute allure vers la petite ville de Bogué, en bordure du fleuve.
Et à Bogué, nous nous retrouvons devant le poste frontière, le plus primitif de notre voyage: un fleuve, une guérite en terre de 4m² avec deux gendarmes et une pirogue! Comme à chaque passage de frontière, les policiers tentent de racketter les sacs à devises milliardaires que nous sommes censés être: ici, la stratégie, nullement discrète, se fait via le piroguier. Celui-ci est convoqué par les gendarmes, conciliabule, puis on nous appelle et le piroguier, après un coup d’œil aux officiels, annonce le prix du voyage: 40 fois le prix ordinaire! (nous nous étions renseignés). Ben voyons ! Cette fois-ci, c’en est trop, on refuse d’être de nouveau les pigeons de l’histoire, d’autant que l’on sait pertinemment que l’argent ira droit dans les poches des gendarmes. Furieux, on remballe nos sacoches, et on commence à partir, prêts à faire 200km de plus pour aller traverser ailleurs. Mais, comme par hasard, après une nouvelle concertation, le piroguier nous court après pour nous proposer un prix nettement plus raisonnable; les gendarmes ont renoncé à leur racket! youpi!

Nous allons donc débarquer sur notre quatrième pays en pirogue! L’embarcation n’est pas bien large, 1m en son maximum, et les vélos débordent de chaque côté, pourvu que l’on ne chavire pas! Mais non, le piroguier maîtrise son art, et nous débarquons sans encombre sur la berge

boueuse du Sénégal! Allons-nous y trouver les mêmes paysages qu’en Mauritanie? Plus de fraîcheur? autant d’hospitalité? et surtout… est-ce qu’il y aura des bananes???? La réponse… dans les prochains carnets!

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

Alors, il faut l’avouer, vous ne viendrez pas en Mauritanie pour le côté culinaire… car, rappelons-le, il est difficile de faire pousser quelque chose dans le désert ! Nous allons donc apprendre à cuisiner l’oignon, seule ressource intarissable, sous toutes ses formes. Et finalement, les tartines oignon-ail-concentré de tomates-herbes de Provence (amenées de chez nous !), c’est pas si mauvais ! Et le soir, pâtes-concentré de tomates-oignons! Non, on oublie quand même les œufs, cette source de protéines bien pratique et bon marché. Mais attention, il faut toujours penser à préciser: des œufs crus! Une perspective d’omelette (aux oignons) est ainsi tombée à l’eau, un soir …

Mais les mauritaniens savent faire le pain, et l’on trouve heureusement des baguettes correctes dans toutes les boutiques, sans parler du délicieux pain brioché d’Atar.
Le ramadan et le « couper » : nous ne sommes peut-être pas tombés au bon moment pour échantillonner la cuisine mauritanienne, nous tombons pile le mois du ramadan. Pour 99% de la population adulte, pas d’eau ni de nourriture entre le lever et le coucher du soleil. L’heure tant attendue de la rupture du jeûne, le « couper », est signalée par le muezzin du haut de sa mosquée. Et le couper est une cérémonie importante, même au fond des villages les plus pauvres ! une heure avant environ, chaque famille installe une grande natte devant sa maison, dans sa cour ou à même le trottoir. Là, les femmes apportent peu à peu le nécessaire à thé, les dattes, le lait de chamelle, et parfois, du pain et du bissap. Elles mélangent longuement le lait avec de l’eau en le battant pour le faire mousser. C’est aussi l’occasion de se retrouver et de papoter. Puis, au moment du couper, toute la famille se réunit et l’on partage solennellement de grands bols de lait, puis les dattes et le thé. Chez Saad, il y avait même des crêpes ! Quelques heures après le couper, le premier repas arrive, souvent un couscous mauritanien (=semoule!) au «chameau», ou du «chameau» aux patates. Mais ce n’est que le début Un second repas (couscous ou riz au poisson) suivra vers minuit, puis un troisième vers 4h du matin! Mais là, nous, on dort… (ou enfin on essaie, quand les autres veillent à côté!).

Entre autres, dans la catégorie « testé pour vous » :

  • Le ragout de dromadaire aux oignons ( !) et aux pommes de terre que Saad nous a régulièrement invités à partager après le « couper »… Le dromadaire (bon, ici, ils disent tous «chameau», mais non! une bosse!) ressemble de loin au mouton…miam!
  • Le lait de «chamelle»… heu, il faut aimer c’est un petit peu trop fort pour nous çà! Il est traditionnellement servi au «couper» ; mais souvent dilué avec autant d’eau, là, çà passe plutôt bien! On a aussi testé le riz au lait de chamelle: çà passe !
  • Le «Foster Clark»: c’est l’équivalent du «Tang marocain», tout aussi chimique, à tous les parfums (chimiques), mais çà permet de mieux faire passer la gourde d’eau à 35°…
  • La «luxure». Ce plat aux consonances décadentes n’est en fait qu’un plat simple et pas cher et qui tient au ventre: des boulettes de farine et d’eau cuites dans de la sauce au jus de viande (de dromadaire). Çà s’apparente un peu aux gnocchies, pas mauvais !
  • Le sable… il s’insinue partout et on en a mâchouillé pendant toute la traversée du désert; on a aussi testé le couscous au sable, servi fièrement par la maîtresse de maison : « Vous aimez ? finissez tout, hein ?», «oui! chgrouch, chgrouch, miam! »
  • Le riz au poisson trop épicé de 2h du matin: nous sommes hébergés chez une famille qui fait le ramadan. Fatigués, nous les laissons à leur veillée, après avoir dévoré un bon repas en ville. Mais à 2h du matin, on nous tire de notre sommeil en nous présentant un grand plat de riz au poisson. La maîtresse pensait que nous allions veiller avec eux (nous = gros touristes infidèles) et nous a comptés dans sa cuisine. Alors maintenant, on doit manger! On n’a vraiment pas faim, mais bien sûr, on s’attaque de bon cœur au plat… et là, on découvre que la famille adore le piment, et pas nous! c’est vraiment trop pimenté, nos yeux pleurent et la gorge brûle… mais la famille est juste à côté! alors on avale tout ce qu’on peut, et on disperse savamment le reste dans l’assiette…gloups!
  • Le bissap : c’est une infusion glacée de couleur pourpre, fabriqué à partir des fleurs rouges d'oseille de Guinée (genre d'hibiscus), que l’on sert au moment du couper. Très sucrée, parfumée à la cannelle et autres épices inconnus, cela tient à la fois du jus de raisin et du sirop de grenadine… un délice!

Les moments galère

Notre passage en Mauritanie a été parfois difficile. Dans ces moments là, on tient le coup parce qu’on est deux (« mieux vaut en rire qu’en pleurer! »), mais aussi en repensant à tous ces témoignages d’amitié que l’on a reçu jusqu’ici, à notre famille, et aux bons souvenirs du mariage où tant de monde est venu pour nous… et çà marche!

Alors, sinon, en vrac :

  • Les tentatives d’arnaque aux douanes
  • La poussière du train des mines
  • La chaleur…qui empêche même de dormir
  • Le sable du désert qui grince sous les dents
  • Les soucis de santé : nous avons eu maints embarras digestifs (plus une angine !!! pour Olivier) au cours de notre séjour ; nous en sortions épuisés et avides d’un peu de confort ; pas facile, une gastro redoutable quand on ne dispose que d’un réduit sombre avec un trou, des moches et un puits à 10m ! (et une pénurie de nos réserves de papier toilette…). De grands moments de solitude…
  • Et le gagnant du grand concours des moments de solitude… (attention, passage scato, âmes sensibles s’abstenir) Amanda revient d’un énième voyage aux « toilettes ». Après avoir passé la matinée à se vider. Chancelante, elle se dirige vers le puits pour ramener un jerrican d’eau en guise de « chasse d’eau ». Mais avant qu’elle ne puisse revenir rincer tout çà, les gamins de la famille sont allés voir dans les toilettes, probablement pour essayer de comprendre ce qu’elle pouvait bien y faire toutes les dix minutes. Et là, l’un des deux ressort, et appelle tous ses copains. Amanda se retrouve entourée d’une dizaine de gamins pépiant, qui vont chacun admirer ses œuvres fécales, pendant que les gamins de la maison la grondent vertement : »c’est quoi çà ! c’est quoi çà ? dans le trou !! ». Eh oui, elle se fait engueuler car elle n’a pas visé pile dans le trou des toilettes turques… ah ! dans ces moments là, que la maison nous manque !
  • Les soucis matériels : ils sont en nombre, ce mois-ci et Olivier a dû regonfler nos pneus une bonne centaine de fois au moins ! Crevaisons multiples, mais nos jantes ne sont pas compatibles avec les chambres à air locales… On pose donc rustine sur rustine, mais avec la chaleur, çà ne tient pas… puis nos pneus Dutch Perfect, non contents de faire des hernies, déclarent forfait eux aussi ;
    l’un d’entre eux se déchire carrément, ce qui fait exploser la chambre à air… et les autres finiront tout juste la route… Nous ferons 500km dans le désert avec un pneu recousu avec du fil de pêche !
    Bref, à bas Dutch Perfect, et vivent les Schwalbe Marathon!
  • Et enfin… les … « cadorapaces ». On croyait avoir laissés au Maroc les enfants qui demandent des dirhams… que nenni ! Ici, on découvre vite que c’est même pire ! On croirait de prime abord que ce sont de mignons enfants, mais ce n’est qu’un déguisement trompeur… ! les cadorapaces prennent l’apparence des enfants, mais ce sont en fait des vampires ! Ils nous voient arriver de loin sur la route, et se regroupent à grands cris en une meute sanguinaire. Et dès que l’on dépasse le seuil fatidique des 500m du village… la chasse est lancée ! ils se ruent de tout le pouvoir de leurs petites jambes vers nos vélos, tout en poussant de concert leur cri qui tue : « DONNE MOI CADOOOOOOO !!! », et là, gare à vous si vous ne pouvez pas dépasser les 20 km/h ! C’est que çà court vite, les cadorapaces…), dans une côte par exemple. Et s’ils vous rejoignent, ils s’agrippent de toutes leurs forces aux vélos, sautent sur la remorque (Bob déteste…), maculent les rétroviseurs, attrapent le guidon, et leur cri résonne de nouveau : « CADOOOOO ! ». Dire non ne sert à rien, bien entendu, ce n’est pas dans leur vocabulaire, et l’on ne peut que tenter de pousser comme des malades sur les pédales, prier pour que la côte s’arrête, et essayer de désagripper les petits doigts du guidon ou des rétros, tout en répétant, même si c’est en vain « ma andi chi ! ma andi chi ! », incantation magique (« je n’ai rien ! ») que les sorciers vaudous mauritaniens nous ont appris en route… Bon, bon, on exagère peut-être un peu, mais c’est parfois vraiment ce que l’on ressent… le pire, c’est que parfois les enfants sont vraiment polis et mignons, juste curieux, et que nous dégainons notre armure anti-cadorapace bien trop tôt… Dans tous les cas à la sortie de Terjit, nous repoussons avec succès une attaque en meute (c’était une descente, ils n’avaient aucune chance !).

Les meilleurs moments

Allez, ne vous méprenez pas, la Mauritanie est un pays fabuleux, et les moments pénibles ont tous été oubliés devant…

  • L’hospitalité de Saad. Tous les soirs, nous trouvons déposé discrètement dans « notre » cour, un grand pichet de bissap terriblement frais, avec deux verres… un véritable plaisir…
  • Le rire de Toutou, la fille de Saad… il a éclairé tout notre passage en Mauritanie.
  • L’ambiance du train des mines.
  • La fraicheur de l’oasis de Terjit
  • Le lever de soleil sur les dunes, à Chingetti
  • Saad qui nous dit : «la route pour Nouakchott, c’est de la confiture» !
  • Dans le désert entre Atar et Nouakchott, justement… nous pédalons par 42°, quand soudain une 4x4 nous double et s’arrête. En sort un mauritanien souriant qui nous met dans les mains deux bouteilles d’eau sorties droit de la glacière, en s’exclamant, «Vive la France! Vive les vélos!». On a à peine le temps de répliquer «Vive la Mauritanie! » qu’il est déjà reparti!
  • Le retour à la verdure entre Aleg et Bogué
  • Le « couper » partagé avec Bouba et ses amis à Nouakchott.
  • Les longues discussions avec Saad et ses amis devant un plat de dromadaire aux patates.
  • Le passage à Akjoujt, seule ville au milieu du désert… et seul endroit où les enfants ne demandent pas de cadeau! Pendant qu’on nous offre le thé à une boutique, une jeune fille se prend d’amitié pour Amanda, et la convie chez elle («pour 10mn!»), main dans la main. Là, elle la couvre de bijoux, puis… de maquillage! et revoilà Amanda Barbie, à la grande joie d’Olivier qui retient mal son fou rire en la voyant revenir. Mais, Marianne, la jeune fille, est sincère et adorable, et fera présent à Amanda des bijoux qu’elle porte…
  • L’hospitalité de Moktar et sa famille qui nous ont sauvés de la tempête de sable…
  • Toujours dans le désert… pour une pause-midi, pas d’acacia en vue. Nous escaladons la grille qui protège une antenne-radio pour nous abriter sous les panneaux solaires… mais le gardien arrive! Aïe, on va se faire virer? mais pas du tout! Au lieu de s’étonner de notre présence, le gardien nous ouvre la porte d’une guérite voisine où il fait plus frais! et ce n’est pas fin! Il s’absente dans « sa » guérite et revient avec du thé, puis une soupe délicieuse au dromadaire et aux oignons. Le tout sans un mot, juste un grand sourire… On ne pense pas qu’il en aurait été de même en France!