Globicyclette au Maroc


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CARNET 1

Salam Aleikoum!

 
Bonjour du Maroc, la nouvelle destination de Philéas et Heïdi. Et après l'Islande, vous parlez d'un dépaysement ! Nous avons laissé derrière nous geysers, volcans, crachin et vent glacial… et au programme aujourd'hui : les dunes du Sahara, le thé à la menthe, les mariages berbères, la lutte contre la canicule, les scorpions, les dromadaires ! Entrez avec nous dans cette caverne d'Ali Baba brûlante, bruyante et brillante qu'est le Maroc…
12-14 août : début du dépaysement : Marrakech
 

Après une halte ressourçante à Paris entre deux avions, nous voilà en migration vers le sud, enfin presque, car avec nos billets "tour du monde", la British Airways nous amène au Maroc… via Londres! où l'escale dure moins d'une heure, et nous atterrissons à Marrakech en début de soirée. Hélas, on constate vite que Philéas, Heïdi et Bob, la fidèle remorque, sont eux restés jouer les touristes à Londres ! (avec notre réchaud, le sac de couchage, bref...). Philosophes (mieux vaut un retard que de la casse), nous décidons de nous offrir 24 h (enfin en amoureux!) à Marrakech: hôtel, restau et taxi, aux frais de la British Airways! (zavaient qu'à mieux organiser les transferts na).

C’est donc à pied que nous allons découvrir Marrakech "by night"… et nous réalisons promptement que le retard de nos amis est en fait une aubaine: la circulation dans la médina (le centre ville) est cauchemardesque! un vélo couché n'y retrouverait pas sa remorque: on se fraye un chemin entre des centaines de piétons, de voitures klaxonnantes, d'ânes chargés de sacs plus gros qu'eux, de vélos zigzaguants, de motocyclettes suicidaires, et même de calèches à cheval (très, très zen, les chevaux, il doit y avoir des tranquillisants dans l'avoine ici).

Toute cette foule converge vers l'attraction principale de la médina: la place Jemaa el Fnaa, classée au patrimoine mondial de l'Unesco pour son atmosphère unique, et on comprend pourquoi: c'est une immense esplanade piétonne envahie par une foule impressionnante.

Au centre, des dizaines de vendeurs de grillades, tajines sur le pouce, jus de fruit frais, dattes et amandes, mais aussi des charmeurs de serpent (mais il faut payer pour la photo!), des tatoueuses au henné, des porteurs d'eau berbères: tout pour le touriste! Et malgré la nuit, l'animation est intense. On déguste des jus d'orange pressée sous nos yeux pour 3 dirhams (30 centimes d'euros): quelle joie après les privations de l'Islande! On découvre la pastilla (un feuilleté à l'amande fourré à la viande, délicieux!), puis on part à la visite des souks, juste derrière la place. Là encore, dépaysement total: on est dans la caverne d'Ali Baba! Des centaines de lampes, théières, plats, poteries brillent sous les lumières des échoppes. Tapis, babouches, cheichs, bijoux, marqueterie… C'est une succession d'échoppes minuscules dont chacune à sa spécialité, remplies du sol au plafond: on s'en met plein les yeux!

En revanche, nous sommes sollicités en permanence par les marchands, les vendeurs ambulants, les enfants aussi: "donne-moi un dirham!" : plutôt direct quoi. On apprend vite le "non" arabe ("la")... Mais on donne plein de sourires, et on nous le rend bien. Là aussi, ça change de l'Islande !

Le lendemain, rebelote, on visite la médina et le souk à pied. On goûtera aux fabuleuses cornes de gazelle (rien à voir avec celles que l'on connaissait), au lait d'amande, aux figues de barbarie, et en plus on reste dans notre budget serré (5 euros par jour!).

Le soir, les cinq sens remplis des merveilles de cette ville, on part raconter tout ça à nos vélos, qui nous attendent bien sagement à l'aéroport…sans aucune casse, chouette! Et on se fixe notre programme des jours à venir: bus pour monter dans l'Atlas, boucle vers le sud et l'est pour aller voir les dunes du Sahara, puis retour vers la côte par Agadir. Yallah ! (on y va !)

14 août – 16 août : l'Atlas et l'hospitalité berbère
 

On prend donc le bus de bonne heure, et c'est parti pour une journée de fainéante progression vers l'Atlas : Ouarzazate, Boulmane, Dadès, Tinghir, Er Rachidia, on descend là ! En fait ici, l'Atlas n'est plus du tout une montagne, mais un grand plateau désertique, un "reg", régulièrement ponctué de quelques oasis : rien à voir avec les Alpes quoi! A Er Rachidia, on fait sensation à la gare routière, les gamins veulent tous toucher les vélos, demandent des dirhams, se pressent entre nous et nos sacoches… pas facile de rester toujours patient!

On fait nos premières courses au marché couvert, on se charge en eau, et c'est parti pour le désert! On ne va cependant pas bien loin car on se fait surprendre par la nuit: eh oui, nous ne sommes plus en Islande! On pose donc notre bivouac dans le désert, boue séchée et petits buissons épineux qui s'étendent à perte de vue. Çà fait du bien de revoir les étoiles! En revanche, la nuit qui devait apporter un peu de fraîcheur reste moite et brûlante…Les jours qui suivent, nous allons vite constater qu'ici, il est impossible de respecter notre planning de pédalage! et le nombre de kilomètres par jour va être inversement proportionnel aux rencontres... Ici, on nous dit que le destin choisit pour nous ce qu'il y a de mieux, alors bon… inch Allah comme on dit!

Ainsi, après quelques kilomètres, le destin se manifeste par le craquement sinistre du porte-bagage d'Amanda qui n'a pas supporté le cocktail cahots islandais plus chaleur marocaine: il va falloir ressouder tout çà! et pendant que nous bricolons une réparation de fortune, le destin frappe de nouveau sous la charmante personne de Lahcen, un berbère cultivé et fort sympathique, qui nous invite à venir déjeuner dans son village, puis à y rester toute la nuit pour assister à un mariage berbère! Le village en question n'est qu'à quelques kilomètres, dans une oasis qui apparaît par surprise, au fond d'un canyon caché des regards!

Nous y rencontrons les amis de Lahcen, Youssef et Youssef, deux professeurs des écoles voisines. Après un délicieux couscous chez Lahcen, nous serons hébergés pour la nuit chez Youssef 1. Nos nouveaux amis sont très accueillants et nous mettent à l'aise: nous sommes ici chez nous!

Ils traduisent même pour notre panneau "Just Married" en arabe et en berbère: nous roulerons à présent en multilingue! Le village est en fait un "ksar", ensemble de maisons ou "kasbah" accolées et délimitées par une petite fortification. Les maisons, en terre rouge, nous frappent par leur dénuement: il y a très peu ou pas de meuble et les pièces sont vides, mais remarquablement fraîches… Et Youssef 1 a une connexion internet! un véritable contraste dans ce village du bout du monde…

Le soir, Amanda est invitée chez Youssef 2, dont la fille et la femme lui prêtent leurs plus beaux atours berbères pour la fête du mariage! Elle est enveloppée dans de multiples épaisseurs qui doublent son volume, Olivier la reconnaît à peine!

Nous assistons chacun de notre côté aux festivités du mariage, car les femmes et les hommes restent séparés jusqu'en fin de soirée.

Amanda va chanter et danser, Olivier écoutera l'imam lire le Coran, et tous deux auront droit à un couscous délicieux que l'on mange en rond autour d'une table basse, sans couverts, tous dans le même plat. Puis hommes et femmes se retrouvent pour la cérémonie du henné: nous sommes au premier jour du mariage et la fiancée n'est pas encore là, le fiancé se prépare. Sa mère enduit ses mains et pieds de henné, pendant que les hommes les entourent et que les femmes font une ronde plus loin. Cérémonie suivie par le "jeu": garçons et filles se font face en chantant, et avancent et reculent doucement au rythme des tambours de peau. Parée en berbère, Amanda est invitée à y participer, mais sa haute taille et son arabe plus qu'approximatif la trahissent tout de suite! Il nous sera bien difficile de quitter nos hôtes et ce petit village…

17-18 août : Sahara, dunes et tourista ?

 

Nous rejoignons ensuite Erfoud, où une petite opération redonne à Heïdi un porte-bagage fonctionnel. Mais le lendemain… nouveau coup du destin: Olivier est malaaaade…

On arrive quand même à pédaler quelques km mais il s'écroule à la première station-service… heureusement pour nous, nous sommes tombés sur la station la plus fabuleuse du Maroc car elle est servie par Mehdi, pompiste berbère, qui va nous accueillir jusqu'au lendemain en nous traitant comme des rois : repas, lit, tisane aux herbes pour guérir le malade, et surtout un immense sourire…nous apprenons peu à peu le sens de la véritable hospitalité (de "hospital"!) marocaine!

Une fois Olivier remis de ses travers, nous repartons, presque à contrecœur, vers de nouvelles aventures: les dunes du Sahara! on sent que le vrai désert est proche, car la canicule règne… Les prochains km vont être difficiles : la route est brûlante… mais nos efforts nous permettent bientôt d'apercevoir nos premières dunes, en dégradé d'ocre, magnifiques sur l'horizon… Et nos premiers dromadaires!! qui, à l'inverse des moutons islandais, ne semblent pas du tout effarouchés par nos vélos! mais, qui a déjà vu un dromadaire effarouché?...

Nous nous posons à proximité de Merzouga, dans une palmeraie bien agréable où coule une source fraîche… nous y passons d'ailleurs le reste de l'après-midi car avec cette chaleur, que faire d'autre? Palmiers-dattiers au-dessus de la tête, pieds dans l'eau fraîche, et dunes en fond de tableau: vive le Maroc!! Le soir, nous allons tout simplement poser la tente au pied des dunes. Le temps s'est couvert cependant, et le soleil se couche dans une brume de poussière et de chaleur…

La nuit en revanche ne sera pas de tout repos: cette fois c'est Amanda qui est malade! Probablement une insolation d'ailleurs... bref, c'est Olivier, tout seul, qui ira escalader les dunes pour assister au lever du soleil sur le Sahara… magnifique malgré le temps toujours couvert.

C'est, munis de toutes nos gourdes d'eau et à vitesse ralentie (Amanda toujours patraque), que nous faisons machine arrière, et on arrive à la station-service de Mehdi juste à temps pour le repas du soir! Son sourire guérit Amanda illico, et le lendemain nous pouvons repartir de plus belle, chercher un peu de fraîcheur dans l'Altas…

19-20 août : pédalage et familles berbères
 

Là encore il va nous être dur d'aller très loin: après une pause obligatoire sous les palmiers entre midi et 16h, nous sommes arrêtés net dans notre élan de départ par un jeune homme berbère: attention, il va pleuvoir très fort dans moins d'une heure, et l'orage marocain n'est pas bon! d'autant que dans les villages suivants certains jeunes habitants sont plutôt agressifs et dangereux… sitôt dit sitôt fait, nous ne pédalerons pas plus loin ce jour-là.

Youness, le jeune homme, nous amène chez lui, et nous découvrons une famille au sourire magnifique qui nous accueille en rois. Chants, couscous, thé à la menthe (le thé ici, c'est le "whisky" berbère !), et quand l'orage tombe, la taille des grêlons qui s'abattent nous fait bénir ce destin qui nous arrête tout le temps !

A la tombée de la nuit, nous nous installons tous pour dormir sur la terrasse, et Amanda se voit proposer un henné sur les mains et les pieds: les deux sœurs de Youness et sa belle-sœur lui dessinent des motifs superbes, et ce sont donc des doigts oranges qui tapent ces mots sur le clavier!

Nos coups de pédale reprennent donc, bien nourris de délicieux couscous et de harira (la soupe marocaine que nous avons échangé au petit déj contre des crêpes, partage de traditions oblige!). Ils nous portent vers Tinghir (prononcer Tinerir), et là on retrouve le véritable Atlas, celui des montagnes et du vent "frais" (heu, 41 degrés, mais c'est nettement plus supportable que le désert!). Tinghir c'est la porte des gorges de la Todra (qui s'écrit Todgha en vrai), qui sont, paraît-il, magnifiques: irons-nous y faire un tour ? A suivre dans le prochain carnet de route !

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

Inutile de dire qu'après l'Islande, le Maroc est pour nous une fête gastronomique! Figues de barbarie, melons, pastèques, dattes, oranges, tomates, c'est la fête des fruits!
Difficile aussi de retenir des éléments plus spécifiques... Essayons tout de même:
- lait d'amande: on nous l’a servi à Marrakech avec une boule de glace à l'amande aussi, un délice de fraîcheur!
- le jus d'orange pressée : on a du mal à ne pas en reprendre 5 fois!
- le couscous: la semoule est d'une finesse incroyable. Pas de harissa ici, le plat n'est pas épicé du tout, mais on n'en est que plus heureux!
- la pastilla (voir plus haut)
- le pain: mieux que le pain de mie islandais, y’a pas à dire! sous forme de galettes rondes que l'on découpe à la main
- les figues de barbarie, découpées par le vendeur et délicieuses de fraîcheur
- les coutumes liées au repas: ici, on mange assis par terre, devant une table basse. Un seul grand plat et un seul verre à eau pour tout le monde. Pas de couverts: on mange en saisissant la nourriture avec le pain, avec les trois premiers doigts de la main droite: pas facile pour Amanda, et manger avec la main gauche lui attire des regards choqués, car c'est la main qui sert à... comment dire… enfin bon, ici ils n'utilisent pas de papier toilette quoi... mais on se lave toujours les mains et le visage avant le repas bien sûr! Avant de manger, ou de boire une gorgée, on dit "Bismilah": rendons grâce à Dieu et à la fin du repas, "Amdullah" : merci mon Dieu.

Les moments galère

  • la chaleur, difficile à supporter et impossible pour pédaler
  • les problèmes intestinaux
  • (et l'absence de papier toilette!!)
  • Les déchets et poubelles sur le bord des routes...et un peu partout en fait!
  • Devoir refuser un thé ou une invitation parce que c'est le 3ème et que l'on n’a fait que 10 km depuis ce matin !
  • Voir notre progression très très ralentie: allons-nous réussir à rallier à temps la Mauritanie ??
  • Les enfants qui demandent toujours, toujours : "Donne-moi un dirham!"
  • Les quelques remarques faites à Olivier : « Moi ma femme, jamais je la laisserai habillée comme ça avec les jambes nues sur le vélo »… chocs culturels… (Amanda garde très souvent son foulard, et a laissé ses débardeurs au fond des sacoches)
Les meilleurs moments
  • la découverte de Marrakech
  • la découverte de marocains!
  • les longues discussions avec Lahcen et Youssef 1 et 2
  • le sourire de Mehdi
  • l'hospitalité berbère
  • les dunes de Merzouga
  • les fruits frais!

 

 

CARNET 2

En direct de Dakhla (prononcer Darla)

 
Voici le second carnet du Maroc, d'une ville perdue au fin fond du Sahara occidental: préparez-vous à essuyer le sable de vos écrans…
A la fin du carnet précédent nous vous laissions, pédalant en direction des gorges de la Todra… depuis, nous en avons fait du chemin! Venez découvrir comment Globicyclette a traversé l’Atlas, pour atterrir sur les plages désertes de l’Atlantique…
21-25 août : Ballade dans les gorges, et comment Globicyclette devient temporairement
Tricyclette !
 
Nous voici donc à Tinerir, que nous découvrons par un matin ensoleillé et même pas trop chaud : c’est une jolie ville, toute en montées et descentes, et en dégradés d’ocre se détachant sur un fond idyllique de palmeraies… Et c’est, nous l’avons dit, la porte d’entrée des gorges, « Les » Gorges, comme on dit dans le coin... alors nous n’allons tout de même pas rater ça !

On grimpe donc un peu plus profond dans les montagnes, pour se retrouver dans une vallée encaissée effectivement magnifique... Nous y rencontrons un jeune homme bien aimable, Driss, qui nous guide dans la palmeraie. Nous prenons notre déjeuner avec lui, les pieds au frais dans la rivière… un petit goût de paradis! Nous discutons longuement de la situation actuelle du Maroc, et découvrons que la jeunesse marocaine a une opinion plutôt négative et désabusée de son pays: corruption, inégalités, absence de couverture sociale… rien de bien réjouissant, et Driss d’ailleurs ne songe qu’à quitter son pays pour des contrées plus ouvertes! C’est malheureusement la face cachée du Maroc, celle qui se dissimule derrière les paysages magnifiques, les tajines et les oasis…

En attendant, nous profitons pleinement de la face visible, et reprenons notre pédalage jusqu’au fond des gorges: deux falaises ocre gigantesques enserrent une rivière gargouillante… ça donne des envies d’escalade, et il paraît qu’il y a quelques spits déjà posés : c’est décidé, nous reviendrons avec cordes et baudriers! En attendant, nous ne sommes pas les seuls a avoir eu l’idée de venir admirer les gorges.

Il semble que ce soit la destination touristique préférée des marocains en vacances, et... comment dire… le Maroc n’est pas encore très au point pour la gestion / préservation des sites naturels… En effet, les gorges elles-mêmes sont envahies d’une file de voitures dont l’écho des moteurs se réverbère sur les parois, la rivière est en partie bétonnée et surmontée par deux grands hôtels qui ont trouvé moyen de se glisser sous les falaises… C’est dommage car le lieu aurait pu être fantastique! mais c’est quand même superbe, et nous repartons au coucher du soleil avec des paysages plein les yeux…

Après cette rafraîchissante étape, nous poursuivons notre route dans des paysages plus arides, en direction de Ouarzazate.

Et nous allons rencontrer en chemin... un véritable phénomène! qui nous rejoint sur la route en nous hélant à plein volume: «AAAhh! Oooh! Hééé! Salaam, Lebes, buenos dias !! granda cartera, amigos, aqua, water, Francia??? moi Morocco, pédaler beaucoup, ha ha ha, buen buen!! ». C’est Mohammed, qui se surnomme de lui-même El Loco di Marocco (le fou du Maroc), et il est unique en son genre. C’est le seul cyclocampeur que nous ayons croisé jusqu’ici… et il pédale avec un pied handicapé, sur un vieux vélo, avec pour tout bagage (et nous l’apprendrons plus tard, pour toute possession!) de vieilles sacoches en plastique qui rendent l’âme.

Mohammed ne parle pas français, mais un peu espagnol, et nous communiquons dans un baragouin hispano-arabe ornementé d’onomatopées à plein volume dont il est le spécialiste. Il a un sourire immense, rigole de tout et de rien, nous sert de l’eau de ses 6 litres qu’il trimbale en permanence, et possède en toutes occasions un enthousiasme débordant. Grand bavard, fumeur impénitent, ce grand échalas tout noir et dégingandé a l’air ravi de trouver enfin des amis cyclistes; il se joint à nous pour la suite du voyage. Nous sommes un peu pris au dépourvu par sa verve débridée, mais bien vite nous adorons son sourire, sa candeur et ses incroyables histoires (rencontre avec le roi, trafics louches, voyages en Espagne, rejet par sa famille, …) dont nous ne comprenons que la moitié. Mohammed se rendait à Marrakech, mais quand il apprend que nous allons à Agadir, il change illico ses plans et décide de nous accompagner jusque là. Ensuite, Inch Allah, il vendra son vélo et retournera à Merzouga, d’où il vient, pour vivre de tout et de rien! En attendant, notre périple a gagné un nouveau compagnon, et pendant une dizaine de jours, Globicyclette devient Tricyclette !

25-28 août : Traversée de l’Atlas
 

Nous pédalons toujours et encore vers l’ouest, et nos vélos nous portent dans la vallée du Dadès : une petite merveille elle aussi, d’autant que nous allons la dévaler, en pente douce, avec le vent dans le dos, sur des dizaines de kilomètres!

On quitte ici l’aridité du désert pour plonger dans une vallée fruitière, riche en cultures, tout en ocre et vert. Cette vallée, c’est du chocolat à pédaler, comme dit Mohammed! C’est aussi la vallée des roses, car la célèbre rose de Marrakech y est récoltée en mai. Pour le moment, nous n’en voyons que l’eau... de rose, vendue dans de multiples échoppes qui sentent bien bon!

Après deux jours de bonheur dans ce lieu enchanteur, nous retrouvons des plateaux arides jusqu’à Ouarzazate, pour ensuite commencer une lente ascension… vers les hauteurs de l’Atlas! Bon, rien à voir avec les Alpes, mais nous passons tout de même plusieurs cols conséquents, au grand dam de Mohammed qui, au détour d’une grosse côte, agonisant, jette aux quatre vents toutes ses cigarettes et décide d’arrêter pour toujours cette fumée mortelle qui le fait cracher ses poumons dans les montées: youpi !! Nous, dit-il, on vivra centenaires (chouette), car on ne boit pas, on ne fume pas, et on fait du sport. Bon, ben... ok ! Et les « tizi » (les cols) de l’Atlas nous récompensent par de superbes vues des sommets lointains dans le couchant, en dégradés de bleus…

La récompense suivante, d’ailleurs, c’est la descente faramineuse qui nous attend dans les jours suivants : youhouhouuuu, on dépasse les 20 km/h de vitesse moyenne quotidienne!

28-30 aout : De retour sur le plat… et vers la côte
 

Après la fraîcheur des montagnes, on retrouve les routes plates où la chaleur nous prend à la gorge… on pédale dans des paysages quasi méditerranéens: ici, on cultive des arganiers, des arbres qui produisent l’huile d’argan, aux vertus cosmétiques et alimentaires multiples et qui se vend très cher en ville. Ce sont donc des arganiers à perte de vue, poussant sur une terre toujours ocre et desséchée ; de loin ils semblent issus d’ un croisement entre un pin et un olivier.

Et dans les arganiers, que trouve t’on?? non, pas des oiseaux, mais… des chèvres!! siiii! on en tombe presque de vélo au détour d’un virage, mais oui, ce sont bien des chèvres perchées en équilibre à plusieurs mètres du sol, qui se repaissent des baies d’argan! (il paraît qu’on peut ensuite récupérer le noyau dans leurs selles, pour en extraire l’huile… heu, on ne veut pas en savoir plus!).

Après les arganiers, on passe en région maraîchère, mais là, impossible de voir les arbres : toutes les cultures sont dissimulées derrière de grands murs blancs qu’on longe pendant des heures…ils protègent bien leurs oranges, au Maroc! Bah, on n’en pédale que plus vite sur ces grandes routes plates et torrides: vivement l’arrivée à Agadir!

Une ville étape avant, cependant: Taroudannt, avec ses belles murailles de terre qui font le tour de la vieille ville. Pour y fêter notre arrivée, Mohammed (qui a quand même embrassé le sol au pied du plan de la ville!) nous réserve une surprise : trois bols de harira fumante, la soupe marocaine, arrivent devant nous à la terrasse d’un café... vu la chaleur, on aurait peut-être préféré un jus de fruit frais, mais en fait, finalement non, car c’est chaud, parfumé, épicé, nourrissant… délicieux! on en reprendra deux bols chacun, un cocktail parfait pour le cycliste fatigué! On quittera Taroudannt le ventre bien plein, et passerons la nuit dans des dunes qui montreront au réveil… des traces de serpent… brrrr!!!

31 aout – 2 septembre : Aaaagaadir, dir, dir, pousse les pédales et bois le thé !
 

C’est sous un temps couvert que l’on arrive enfin à Agadir, grande ville moderne bordée par 6 km de sable blanc: vive l’océan qui nous apporte une brise fraîche délicieuse! Nous allons passer trois jours au camping de la ville: au programme, décrassage intégral et bien nécessaire au hammam, Internet en intensif, courses diverses, orgies de pâtisseries arabes, et restaus de tajines… avec une option indigestion pour Amanda ( kefta pas fraîche = danger !! à retenir pour la suite !), malheureusement, qui restera barbouillée toute la semaine à venir…
Au camping, nous rencontrons, surprise, un autre cyclocampeur! Cyrille vient de Biarritz, et nous sympathisons tout de suite en se racontant nos aventures marocaines plutôt similaires. C’est dommage qu’il soit l’heure pour lui de repartir vers la France, mais il y en a qui travaillent, ici! eh oui, la rentrée approche, et Amanda pense souvent à ses collègues, ses copines profs, et surtout ses élèves, en se demandant ce qu’ils deviennent… Mais bon on n’est pas non plus mécontent de rester en vacances !

3 – 6 septembre : Pédalages en bord de plages
 

Après ces quelques jours de civilisation, nous faisons nos adieux à Mohammed, et mettons le cap vers le sud tandis qu’il remonte vers Marrakech : son grand sourire va nous manquer !
De notre côté, nous restons dans l’air frais de la mer, et allons longer la côte en direction de la lointaine Mauritanie.

On a une petite baisse de forme ces jours-ci : notre nouvelle crème solaire, achetée dans une petite boutique, est sûrement périmée, car nous attrapons des coups de soleil carabinés qui nous forcerons à pédaler en manches longues; les enfants qu’on a soudain arrêté de trouver mignons, nous courent après en hurlant « donne moi un dirham !! » et en essayant d’agripper nos sacoches; les bords de route sont constellés en permanence d’immondices (un repas du midi mythique se fera entre un poisson mort pourri et une couche culotte pleine… horreur !!!); Philéas nous fait sa crise avec plein de soucis matériels (hernie au pneu arrière, béquille de nouveau cassée, protège dérailleur anormalement desserré, rien ne va plus !), l’estomac d’Amanda reste très fragile, et pour couronner le tout, nous assistons à l’agonie d’un jeune chien que l’on trouve tout juste renversé au milieu de la route: bref… on a eu des jours meilleurs!

Mais… pour nous réconcilier avec le pédalage, le Maroc nous offre une belle surprise: ses plages! On découvre ainsi de superbes étendues de sable ocre bordées par des falaises où la mer bleue s’assortit au bleu et blanc des petits villages de la côte. Nous passerons une merveilleuse soirée et nuit en bord de plage, une plage rien que pour nous, avec coucher de soleil en amoureux au programme… (oui, on avait oublié de dire qu’avec notre ami Mohammed, nous avions un peu de mal à se retrouver seuls tous les deux!).

A une pause déjeuner, le Maroc nous réconcilie aussi avec les marocains en la personne de Mohammed (encore un!), un jeune homme charmant qui nous invite à manger chez lui. Il est remarquable de gentillesse et de politesse, et nous nous retrouvons sur des tapis moelleux dans une pièce fraîche, devant un plateau chargé de pain frais, confitures, beurre de cacahuète, huile, omelette chaude, lentilles, un vrai repas de rois que l’on partage à trois, à coté de son père qui nous sert le thé avec un grand sourire! Mohammed vient d’avoir son bac, et fait sa rentrée demain à l’université: nous lui souhaitons bonne chance pour ses études!

Et pour les accueils sympathiques, ce n’est pas fini: deux jours plus tard, nous sommes invités par un couple de français, Sylvie et Michel, qui vont souffler un vent de « home sweet home » dans nos oreilles nostalgiques, le tout avec l’accent du Sud! Nous leur demandions juste de l’eau pour nos gourdes, mais eux nous accueillent dans leur jolie maison en construction avec piscine, et nous offrent chips, coca et café, «à la française», ainsi que quelques heures de fraîcheur à l’ombre… nous repartons munis d’une pastèque fraîche et de brugnons « de chez nous », et là tout va bien ! (heu… même si Amanda découvre, trop tard, qu’elle ne digère plus le café…).

C’est ainsi que nous arrivons à Sidi Ifni, ville de la côte qui nous charme aussitôt par ses maisons bleues et blanches, son animation du soir, et surtout sa vue plongeante du haut des falaises sur la plage en contrebas… Maud et Mathieu, qui sont passés par là avant nous sur leur tandem, ont eu raison de nous conseiller d’y passer! Nous y restons d’ailleurs une nuit, tout seuls dans le camping en bord de mer: c’est la fin de la saison touristique, et on a la plage pour nous !

Prochaine étape prévue: quitter le bord de mer pour plonger dans les montagnes et rejoindre Guelmim, notre dernière étape avant la traversée du Sahara en bus vers la Mauritanie. Parviendrons-nous à passer les cols brûlants qui nous séparent encore de Guelmim? Y a-t-il vraiment des bus pour amener nos vélos en Mauritanie? Vous saurez tout ça au prochain épisode, car il est temps pour nous d’aller se préparer à dîner !
Nous vous embrassons tous de notre coin perdu!

Amanda et Olivier.

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

  • Alors en ce moment, nous découvrons que notre intestin n’apprécie pas toujours autant que nous les petits délices marocains… Se méfier en particulier des plats de kefta, la viande hachée aux épices…
  • L’eau en revanche semble potable, mais Mohammed nous a appris à ne jamais boire dans une gourde où l’eau s’est réchauffée: mieux vaut avoir soif!
  • Et quand l’eau des villes a un trop fort goût de chlore, nous avons la solution: le «tang» de notre enfance! n’importe quelle petite boutique en propose des sachets, et nous adorons nous préparer des litres de tang orange ou citron: on se retrouve dans le passé!
  • La harira, la soupe marocaine... voir plus haut, un véritable délice, pour 30 centimes d’euros !
  • Aah, les couscous et les tajines maisons servies par nos hôtes… on adooore! la semoule, cuite à la vapeur, n’a rien à voir avec ce que l’on connaît en France!
  • Les « chbequilla », pâtisseries typiques du ramadan qui approche à grand pas, gluantes fritures débordant de miel et de graines de sésame… slurps !
  • Le thé au safran, servi dans la région du safran bien sûr, en contrebas de l’Atlas: il est orange et parfumé! (mais qu’est-ce qu’ils mettent comme sucre dans leur thé, l’équivalent de quatre morceaux par verre au moins! on comprend les problèmes de caries et de diabète, courants ici…)
  • Le riz au lait: rien d’exotique ici, mais Olivier s’est révélé un fameux cuisinier de riz au lait et à la cannelle quand, à Agadir, Amanda ne pouvait rien avaler d’autre!
  • Les grenades! pour ceux qui ne connaissent pas, on épluche ce fruit dur et jaune, pour en extraire de multiples petites graines rouges et juteuses… très rafraîchissant!

Les moments galère
  • Voir plus haut pour notre petit coup de blues…
  • Le réveil à 6h du mat par Mohammed qui a envie de pédaler et appuie énergiquement sur nos klaxons en criant : « Olivia !!! Olivia !!! debout !!! »… argh…
  • La trouille, à la sortie de Ouarzazate, quand on se fait suivre à la nuit tombante par un cycliste louche qui ne veut pas nous lâcher… on se sent soudain bien vulnérables, seuls sur les routes… Mais finalement fausse alerte! et un peu de méfiance ne nous fait pas de mal… On fait toujours attention à trouver des bivouacs très discrets, et à ne pas mentionner notre destination à tout va…
Les meilleurs moments
  • La vallée du Dadès, en descente douce et toute en couleurs…
  • La rencontre de Mohammed, celle de Cyrille
  • Les plages de la côte et notre bivouac sur le sable
  • Lors d’un arrêt à l’ombre, on trouve un tuyau avec un robinet… douche fraîche pour tout le monde, youhouuu !!!
  • Les pâtisseries marocaines à Agadir!
  • La vue du haut des cols de l’Atlas!
  • L’ivresse des trois jours de descente à toute vitesse, de l’Atlas vers Taroudannt
  • Les paysages sublimes qui nous surprennent toujours au détour de la route.

 

CARNET 3

De Nouadhibou...

 
Et voici, en direct de Mauritanie, le récit final de nos aventures marocaines!! Mais... cela voudrait-il dire que nous avons réussi à franchir la frontière?? on dirait bien, mais si vous saviez par quelles galères nous sommes passés... Venez nous écouter maugréer et nous plaindre, mais aussi fêter notre traversée du Sahara !
6-9 septembre : direction le grand sud !
 

Bon, ça suffit les fainéantises touristiques à Sidi Ifni, il est temps pour nous de remonter sur nos destriers pour affronter les petites montagnes qui nous séparent de notre prochaine destination : Guelmim, "la porte du désert"... rien que le nom sent l'aventure... Nous grimpons donc sous une chaleur torride à travers plusieurs cols bien raides, mais très beaux. Ici, tout est brûlé par la chaleur, paysages de collines de terre rouge.. mais les habitants savent quand même exploiter leur sols : ils cultivent, devinez quoi... des cactus bien entendu !

En fait il s'agit de figuiers de barbarie, dont les fruits, une fois débarrassés de leurs épines, sont délicieux. Et effectivement, ce que l'on prenait pour de vulgaires cactus en bord de routes sont en fait les champs des villages voisins.

On croise d'ailleurs régulièrement des hommes en train de rouler les figues de barbarie dans la terre, ce qui permet de leur enlever leurs épines. Olivier avait essayé il y a quelques jours d'en cueillir sans précaution : il a encore mal aux doigts, hé hé !

Ce pédalage en zone torride nous amène donc à Guelmim, au beau milieu d'un plateau désertique. Notre première impression de la ville est plutôt négative : nous nous faisons courser par une dizaine de gamins en vélo, qui s'accrochent à nos sacoches, demandent de l'argent, et essaient de nous voler nos drapeaux (heureusement qu'on a les rétroviseurs, et qu'on crie fort!). Fuyons!!!

Le but en arrivant à Guelmim est donc de trouver au plus vite un bus qui nous permettra de traverser les 1500 km de désert qui nous séparent encore de la frontière mauritanienne. Pourquoi un bus?

En fait, il nous est très difficile de pédaler sur une route sans eau, ou alors il nous faudrait une remorque supplémentaire dédiée à notre seule hydratation, et encore! De plus, on nous a déconseillé de bivouaquer près de la route qui mène en Mauritanie, car elle est encore minée...

Nous ne prenons donc pas de risque, et optons pour une traversée en bus. Mais... c'est bien trop facile! et il semble que le destin ne soit pas du tout d'accord pour nous laisser prendre le bus au lieu de pédaler: tous les bus en direction du Sud sont complets pour les 5 jours qui viennent! Nous tombons mal, car c'est à la fois la fin des vacances, le début prochain du ramadan, et les élections... Tout le monde rentre donc chez soi, et il n'y a plus de place nulle part...

La providence cependant ne nous laisse pas complètement tomber: pendant que nous cherchons une solution à notre dilemme sur le bord du trottoir, nous sommes abordés par une jeune femme, Rachida, qui s'intéresse à nos vélos: "Vous êtes français! mon mari travaille en France, venez donc dormir à la maison! ". Comme les choses sont simples au Maroc! Son invitation tombe donc à pic, et nous sommes ravis de découvrir son chez-soi et ses deux filles, Ikram, 11 ans, et Bassma, 9 ans. Elles ne parlent pas français mais semblent adorer les français (peut-être parce que leur père, trop souvent absent, s'y trouve?) et nous adoptent instantanément.

Quel changement de situation ! nous étions en train de faire la guerre aux gamins voleurs dans une ruelle poussiéreuse et trop chaude, et soudain nous nous retrouvons confortablement installés sur un canapé (!!! un luxe ici!), devant un plateau de pain maison, thé, confiture, huile, beurre (beurre!!! Olivier, l'amoureux du beurre bien frais, est au paradis...).

Rachida va nous offrir le gîte et le couvert pendant deux jours, le temps que nous trouvions une solution à notre problème de bus. Deux jours qui passent bien vite et où nous sommes choyés; çà tombe bien pour Olivier qui se fait assaillir par une indigestion et passera une partir du temps allongé, à agoniser tranquillement et à essayer de refuser poliment les tentatives assidues de nos hôtes (et toute leur famille) pour le gaver de couscous, tajine, riz au lait et pain à l’huile.

Amanda, elle, bénéficie d’un tout autre programme: le relooking total! Les bons soins de Rachida la transforment en une mariée berbère, marocaine, voire indienne, et sous une couche épaisse de maquillage, après un brushing soigné, Olivier la reconnaît à peine! Mais on rigole bien…
8-10 septembre : la route du désert... pas facile
 

Il est temps cependant de poursuivre notre voyage ; nous dégottons à grand peine un bus qui moyennant un prix quadruple du ticket habituel (nous sommes blancs donc supposés richissimes, bien entendu, et les vélos payent leur prix encore plus cher que nous ! Quelle arnaque…), nous amène à Tan-Tan la ville voisine.

Et de là, Philéas et Heïdi tentent un nouveau moyen de transport: le taxi Land Rover ! Cette fois-ci, furieux de l’arnaque précédente, nous négocions âprement le prix de la course, ce qui consiste à rester assis au milieu du parking jusqu’à ce que le chauffeur, qui annonce que nous sommes des malades, finisse par diviser les tarifs en deux. Et on doit encore se faire avoir!

Ah , nous découvrons alors les délices du transport en Land-Rover surchargée sur 450 km de désert: cahots et surchauffe au programme! Mais parmi les 11 passagers (!!), on rencontre un nouvel ami, Simo, 20 ans, qui va rentre visite à son père avant de faire sa rentrée en prépa MPCSI à Marrakech. Simo est souriant, spontané, dynamique et ses yeux pétillent quand il nous parle de Tamtatouche, son village d’enfance près des gorges de la Todra (cf. carnets précédents). Nous apprécions vraiment sa conversation ouverte et intelligente, d’autant qu’il parle très bien le français! Arrivés à Layoune, le terminus de la land rover, il va tout faire pour nous aider à trouver un bus pour la Mauritanie (en vain) et nous guider dans la ville… et nous sommes déjà invités à Tamtatouche en 2009!
Malgré la bonne volonté de Simo, nous retrouvons à Layoune le même problème qu’à Guelmim: pas de place pour nous dans les bus. Il ne nous reste qu’une solution pour ne pas rester à vie dans cette ville, d’ailleurs plutôt jolie et animée pour une ville perdue en plein désert: le stop !!
Malgré nos premières réticences (sur qui allons-nous tomber?), bien nous en prend: nous allons avoir droit à un voyage 4 étoiles dans le camion tout confort de Lahoucine.

Lahoucine? Un ange tombé du ciel. Non seulement ce jeune chauffeur refuse tout paiement, mais il met un point d’honneur à nous installer confortablement (il a des couchettes à l’arrière du camion!) et nous offre thés et tajines à chaque étape. Un vrai bonheur!

Arrivés à sa destination, Dakhla (prononcer « Darla »), hors de question qu’il nous laisse sur la route: nous sommes d’office invités dans l’appart en construction qu’il partage avec d’autres amis camionneurs. Une fois de plus, çà tombe bien car Olivier est rattrapé par une tourista ravageuse: il va passer sa pire nuit depuis le début du voyage, qui le laisse blafard et faible au petit matin. Pas moyen de repartir dans son état… Décidemment, la Mauritanie semble hors d’atteinte! Mais nous avons un toit, les meilleures tajines du Maroc cuisinées par Lahoucine (même si Olivier n’est pas en état d’apprécier!) et même la télé! (les dents de la mer en anglais, sous-titrées en arabe, inédit….)

11-12 septembre : à quand la frontière?
 

Après une journée de convalescence sur les tapis, le malade va mieux, et nous reprenons nos vélos en direction de l’entrée de la ville, pour refaire du stop au barrage de police. Au Maroc, il y a une corrélation inverse entre la latitude et les barrages de police!

Après plusieurs heures d’attente au soleil (brûlant, le front d’Olivier pèle encore), notre deuxième ange gardien entre en scène: Hassan et son camion de bric à brac, sur lequel trôneront Heidi et Philéas, bien attachés quand même! Malheureusement, notre prise en stop va faire ici l’objet d’un racket…. par la police! Ceux-ci nous font en effet comprendre tout d’abord qu’Hassan, qui parle mal français, réclame un paiement pour le transport. Soit, nous offrons alors un prix honnête, un peu moins cher que le tarif du bus. Mais une fois partis, Hassan nous explique que lui ne voulait absolument pas d’argent, et que les policiers ont récupéré toute la somme dans notre dos! écœurant…

En attendant, nous avons une fois de plus droit au traitement de faveur: thés et repas offerts malgré nos protestations, sieste dans les couchettes, et on apprend même des rudiments d’arabe (attention les gars, à présent nous comptons jusqu’à dix!). La frontière se rapproche enfin à grands pas.

La route est à la fois monotone et magnifique car nous longeons la côte: à gauche le désert, plateaux rocailleux et dunes à perte de vue; à droite d’immenses falaises surplombent un océan tout bleu et venté. Parfois des tentes de pêcheurs surgissent de nulle part…. Mais comment font-ils pour survivre ici?

Régulièrement, une note plus dramatique s’ajoute au tableau : un panneau «Attention Danger Mines» ou encore «Déminage en cours» (Ah bon! Où çà?). Le soir, nous nous arrêtons à la seule station service au milieu du désert, et nous nous serrons pour dormir à trois dans le camion: ouh, fait chaud là-dedans!

Et au matin: Youpi! nous voici à la frontière! Bon, nous avions oublié qu’avec l’administration marocaine, il faut être patient... Car l’organisation du poste frontière laisse encore à désirer! Nous attendons de longues heures au soleil à attendre le coup de tampon nécessaire, puis nous attendons encore pour que le camion passe la douane.

On a de la chance, un autre camion devant nous, doit entièrement déballer son chargement de caisses vides : il doit encore y être! Mais pour nous l’arnaque policière se poursuit: les douaniers réclament 200DH à Hassan pour son chargement pourtant en règle! plus …100DH pour nos vélos…ben voyons! Le tout bien entendu se passe à l’abri des regards: un véritable racket!

Mais enfin nous voilà sortis! La frontière passée, nous entrons dans un endroit étrange: nous ne sommes plus au Maroc, mais nous ne sommes pas encore en Mauritanie! C’est le No Man’s Land qui sépare les deux pays et n’appartient à personne… ici, la sécurité n’est assurée par aucun des deux pays, celle de la route non plus. On cahote donc sur une piste dans un état exécrable (pire que l’Islande!), et on passe devant d’étranges empilements de cadavres de voitures…
Quand soudain, une voiture, justement, nous rejoint. En descend un fonctionnaire des douanes marocain qui nous ordonne d’arrêter (çà ne changera pas grand-chose vue notre vitesse!). Après un long échange en arabe avec Hassan, il nous résume: «Il y a un problème. Votre chauffeur n’a pas le bon permis pour passer son chargement, il n’a que son permis pour son camion, il faut qu’il revienne à la douane». (Ah, ils séparent camion et cargaison?? c’est nouveau apparemment). Hassan est terriblement désolé pour nous (plus que pour lui, et pourtant c’est lui que les tracasseries douanières attendent!). Le douanier nous prévient que çà va être long, peut-être jusqu’à cette nuit… nous décidons donc de débarquer nos vélos, comme le douanier nous le conseille, et de finir la traversée en vélo jusqu’à la frontière mauritanienne. Heu… c’est pas miné jusqu’aux dents dans le coin?? «oui, mais surtout des mines anti-char, nous rassure le douanier, pas de mines anti-personnel». Chouette, alors! et puis il suffit de ne pas s’écarter de la piste. Heu…çà, on n’en avait pas l’intention !… Enfin, bon, cahin-caha, nous traversons plutôt rapidement les quelques kimlomètres de mauvaise piste de ce No Man’s Land, et nous arrivons en nage, mais entiers… en Mautitanie!!!

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

  • Alors là, les filles, je vous préviens tout de suite, il est rigoureusement impossible de faire un régime au Maroc! Depuis presque une semaine, nos vélos prennent la poussière tandis que nos hôtes successifs ne semblent heureux que lorsqu’on mange avec appétit. Eux se contentent de grignoter trois bouts de pain trempés dans la sauce, et vous surveillent au moindre arrêt: « Mange, mange, prends en encore! c’est bon, hein? ». Ainsi se succèdent couscous , tajines, et collations avec pain, huile et beurre de cacahuète ou autre confiture. Sans parler du thé terriblement sucré! Le foulard que portent les femmes servirait-il à masquer les bourrelets?
  • Ah! la tête d’Olivier quand, à peine remis de sa violente turista et encore tout vert, un ami de Lahoucine lui offre un tas d’énormes beignets à l’huile, style chichis estaquéens mais en forme de O: «Tiens ! ce sont des zéros! mange, mange! pour toi! » (si si, il en a mangé! un héros!).
  • Le poisson grillé ; plat typique de la côte saharienne, servi en tajine ou avec des frites, un délice…

Les moments galère
  • Le vol de Gus : une expérience désagréable nous arrive en traversant un village minuscule où comme d’habitude nous sommes suivis par une petite troupe d’enfants. Mais cette fois, ils ne se contentent pas de réclamer des dirhams et des stylos. Ils s’accrochent à nos sacoches et nous déséquilibrent. On doit crier pour qu’ils s’écartent… et un kilomètre après le village, on constate que … Gus a disparu!! Gus, c’est notre peluche compagnon de voyage, qui rigole quand on lui appuie sur le ventre, et qui jusqu’ici voyageait dans la poche arrière de la sacoche de Philéas. Les gamins l’ont volé! Olivier, furieux, fait demi-tour illico : çà ne va pas se passer comme çà! On arrive en colère au village et on explique notre problème au premier type qui parle un peu français: Gus ici, Gus plus là, où est Gus? Amanda fait même un dessin rapide de Gus en question ; et là, après plusieurs coups d’œil, chuchotements, et questions intéressantes du genre : « mais, vous en avez d’autres, non?» (ben, voyons ! nous blancs riches semant nos innombrables richesses avec joie dans pauvres villages!), Gus réapparaît entre les mains d’une mère de famille tirée de sa maison par son fils. Elle signale par gestes , «qu’il l’a trouvé par terre» (ah ah ah!), Amanda réclame la peluche («c’est important pour moi, un souvenir cadeau de ma famille…» en plus, il faut se justifier!), et la femme lui tend (à regret) Gus. Ouf,récupéré! puis… la femme lui demande de l’argent! (et puis quoi encore!) on repart en vitesse après avoir fermement refusé de donner quoi que ce soit. On est furieux, on mettra un bout de temps à se calmer, et Gus à présent , restera caché au fond d’une sacoche…!
  • Le racket… par la police marocaine!
  • La turista ravageuse d’Olivier.
  • Les bus tous complets, archi-complets…
  • L’impression que nous n’arriverons jamais en Mauritanie.
  • Se retrouver tout seul en vélo dans le No Man’s Land.

Les meilleurs moments

  • Les heures de lever et de sympathiques discussions franco-arabe dans les camions de Lahoucine et de Hassan.
  • La côte saharienne toute en falaise sur laquelle on a déniché une colonie de cormorans!
  • Les délires maquillage et déguisements avec Rachida.
  • Les discussions avec Simo.
  • L’arrivée (enfin!) à la frontière!