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Globicyclette au
Kazakhstan
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ou Globicyclette
dans des plaines hospitalières
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Amis
voyageurs, bonjour !
Vous les connaissez
bien, vous, tous ces pays en « stan » dont on sait
en général vaguement qu'ils sont, heu, par-là,
entre le Moyen-Orient, la Russie et la Chine, aux confins occidentaux
de l'Asie Centrale? Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizstan,
Kazakhstan, et on en passe... Leur orthographe même est encore
sujette à bien des doutes... Eh bien, rien de tel qu'un
petit tour en vélo dans ce coin-là, justement, pour
découvrir des pays qui en valent bien la peine...
Au menu du jour, donc, Globicyclette vous
sert le... Kazakhstan! Le pays des casaques (des kazakhs?), des
plaines, des chevaux, que nous
avons découvert sans a priori, sans même, d'ailleurs,
avoir vu Borat, pédaleurs incultes que nous sommes. Notre immersion
dans les « stan » a donc commencé en août
dernier, au sortir d'une jolie ballade en Russie australe... Suivez
nos pédales !
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9-11 août :
Mémorable hospitalité en ex-zone nucléaire
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Nos premiers
coups de pédale
au Kazakhstan se font sous les couleurs rougeoyantes d'un beau coucher
de soleil, au sortir de la frontière russe. Pas de changement
dramatique par rapport au pays voisin: le paysage est simplement passé de
plat... à très plat, et devant nous ne
s'étend qu'une monotone succession de champs de blé coupé à perte
de vue.
Il nous faudra d'ailleurs un bon moment pour y dégotter un bivouac
discret, et avant de s'endormir,
un dernier murmure : « t'as vu, on est dans
un nouveau pays !! et... pas de problèmes de visas ! ouaiiis
!... »
Le jour suivant, nous mettons le cap sur la prochaine ville, Semey
(ou Cemey, ancienne Semi-Palatinsk), capitale de la région.
Mais l'accumulation du vent, de la pluie et d'une gastro intempestive
chez Amanda aura raison de
notre pédalage : nous voici en fin de journée à dégouliner
sous un abribus en passoire, attendant sans trop d'espoir que l'averse glaciale
qui nous a arrêtés se transforme en un soleil radieux. Tout en
tentant au mieux d'éviter les gouttes, nous discutons en mimes anglais/russe avec
une petite mamie qui emmitoufle au mieux son petit-fils sur ses genoux. C'est
qu'il fait froid, depuis ce matin ! Nous nous demandons
que faire si l'averse dure jusqu'au soir, et la mamie nous déconseille
de bivouaquer dans le coin: les hommes du minuscule village d'à côté ont,
semble-t-il, un penchant affirmé pour la vodka... fuyons! Notre
providentielle mamie va d'ailleurs nous faciliter la tâche:
alors que nous déployons tout notre courage pour repartir sous
la flotte, elle arrête de toute sa petite autorité le
seul camion qui circulait encore sur cette route détrempée...
et marchande avec son chauffeur le prix d'une prise en stop! Pour
deux euros, ce dernier veut bien (a-t-il vraiment le choix face à super
Mamie?) nous conduire à Semey (Semi-Palatinsk), la capitale
de la région, encore à 35 km. Merveilleux : en route!
Merci, super Mamie! Quelques coups d'essuie-glace plus tard, nous
voici donc en pleine ville, à deux pas de la gare routière.
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Alors
que nous nous demandons où donc passer la nuit, un jeune homme apparaît
miraculeusement dans le groupe de camionneurs curieux et hilares
qui s'est formé autour de nos vélos: « bienvenue à Semey,
venez, vous pouvez dormir ici ! ». Ici?? dans la gare des
camions? Nous le suivons, dubitatifs. Et découvrons qu'en
fait, la gare des camions possède un tout petit hôtel «familial» réservé aux
chauffeurs-routiers en transit. Familial, c'est le cas de le
dire, car l'hôtel est géré par la maman de
Toleukan, notre nouvel ami, lui-même gardien des entrepôts
qui lui font face. |
Ces
deux derniers se mettent immédiatement en quatre
pour nous mettre à l'aise: en deux temps, trois mouvements,
voici nos vélos à l'abri dans un entrepôt sous
clef, nos bagages déposés dans une grande chambre à quatre
lits, et nous-mêmes assis sur l'un d'eux, après visite
guidée des douches et toilettes. Alors que nous commençons à nous
demander combien cette grande chambre pour nous tout seuls va nous
coûter (mais nous n'avons pas d'alternative!), la maman nous
interrompt dans nos conciliabules: « pas d'argent bien sûr,
vous êtes nos invités! »... Invités... dans
une chambre d'hôtel! On aura vraiment goûté à toutes
les sortes de générosité... sauf qu'ici, en l'occurrence,
nous n'avons encore rien vu. À peine installés dans la
chambre, Toleukan nous prie de le suivre dans la salle à manger
commune... où nous attendent deux assiettes fumantes de poulet
aux patates, accompagné d'une copieuse macédoine de
légumes: nous voilà servis comme des rois! Nous papotons
en anglais-russe avec notre ami, vite entourés par la demi-douzaine
de clients, tous des routiers qui semblent fascinés par notre
aventure et nous offrent même à boire... bref, un accueil
des plus enthousiastes. Une fois notre ventre rempli, les cartes repliées,
les cyclonomades douchés, Toleukan revient à la charge:
pas question de laisser ses «invités» s'ennuyer.
Il nous offre en premier
lieu un livret de cartes postales de sa ville, Semey, dont
il semble particulièrement fier. On le sent amoureux de sa
cité, et frustré de voir les étrangers la
traverser sans même s'y arrêter, le temps d'un coup
d'œil, pressés qu'ils sont de quitter cette région
de plaines monotones pour rejoindre Almaty et les montagnes
du sud.
C'est que à première
vue, l'historique de Semey n'a rien de réjouissant:
c'est là que les Russes, pendant la guerre froide, ont
réalisé leurs essais nucléaires, et la
région à quelques dizaines de kilomètres
plus au sud n'est qu'un vaste désert radioactif... pas
idéal pour attirer les touristes! |
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Mais si l'on s'y penche
un peu plus, on découvre une ville-carrefour, située sur
un axe majeur de transit et de commerce, mais aussi une ville culturelle,
où ont été exilé nombres de penseurs et
de scientifiques soviétiques. Une ville universitaire aussi,
où ont pris naissance nombre de courants de pensée dont
les plus révolutionnaires...
Impensable donc, pour notre ami, de passer par Semey sans aller y
faire un tour: il semblerait qu'on ait gagné une visite guidée
de la ville! Que l'on accepte avec joie, bien sûr. On découvre
ainsi une ville dont la modernité nous surprend: nous qui pensions
trouver un pays au développement intermédiaire entre
la Mongolie et la Russie, nous nous retrouvons dans une ville qui n'a
rien à envier à ses homologues françaises, et
qui supplante de loin les villes russes comme Byisk, encore ancrées
dans la vieille époque soviétique. Cette fois, nous voici
vraiment de retour à la modernité! Toleukan nous fait
faire une véritable visite en voiture de sa ville: pont moderne,
places remplies d'étudiants, façades impeccables et somptueuses
des divers musées et universités, statues du poète
national, Abay, issu de la ville, et même de petites îles-jardins
blotties au milieu du fleuve, îlots (au sens propre et figuré)
de verdure et de calme au centre de l'agitation urbaine. Là,
un gigantesque monument de basalte commémore le douloureux passé «radioactif» de
la ville: un mur noir et lisse d' une vingtaine de mètres de
haut, dans lequel se découpe la silhouette menaçante
d'un champignon atomique... A la base du mur, une statue aux
courbes simples représente une mère recroquevillée
sur son bébé, dans une attitude d'inutile protection...
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À quelques mètres
de cet émouvant monument, une œuvre d'art d'une autre
nature parle, elle, d'avenir: il s'agit d'un «arbre à souhaits»,
aux branches duquel sont noués des centaines, des millions
de rubans de toutes les couleurs, de toutes les matières,
de toutes les formes. La coutume veut que l'on accroche des rubans
pour réaliser un peu très cher... mais le vœu
reste secret! Tous les jeunes mariés viennent ainsi accrocher
aux branches le témoignage, doré, soyeux ou cotonneux,
de leur amour et de leurs projets futurs... À notre tour!
Qu'il est beau, cet arbre alourdi par les rêves multicolores
de toute une ville... |
Mais la nuit est tombée alors que nous profitions de la joie
tranquille de ce lieu un peu magique: rentrons vers notre lit douillet!
(pour une fois!). Il faut dire que la journée a été bien
longue. Mais ce n'est pas encore terminé! Alors que, de retour
dans notre chambre, nous nous préparons à nous coucher,
on tape à notre porte: voici la tante de Toleukan qui travaille
aussi à l'hôtel, qui vient nous apporter un «souper» de
rois ! Elle installe d'abord une table basse entre deux lits, puis
revient avec une théière fumante, des verres et couverts,
et surtout, trois assiettes de délices: des petites crêpes
au miel, de succulents morceaux de viande fumée, des biscuits,
et même des espèces de tranches de saucisson savoureuses...
du cheval, en fait! viande de prédilection, mais aussi de luxe,
en pays kazakh. Nous n'en revenons pas de tant d'attentions, d'autant
que sitôt servis, elle repart discrètement, nous laissant
savourer seuls ce «goûter» impromptu. Décidément,
quel accueil!
Le lendemain, nous quitterons donc avec regret cette si gentille
famille, qui ne va pourtant pas nous laisser partir comme ça, et nous
couvre de petits cadeaux: alors que nous protestons devant tant de
générosité,
Toleukhan nous prévient: «C'est comme ça dans mon pays,
bienvenue au Kazakhstan!». Et vous savez quoi? il avait raison... Dès la sortie de la ville, les
derniers bâtiments
laissent subitement place à une
immense plaine aride et désertique. Le contraste avec la
ville est plutôt saisissant, et soudain nous voici dans un no-man's
land peu réjouissant. Même l'herbe a déserté les
lieux, et seuls quelques buissons épineux poussent sur les talus
craquelés du bord de la route. Les conséquences des anciens
essais nucléaires... d'ailleurs, il paraît que la radioactivité est
toujours anormalement élevée dans la région:
fuyons! Nous n'avons en effet aucune envie de passer la prochaine
semaine à pédaler sous le soleil, dans un paysage d'apocalypse
interminable encore radioactif. Seule solution pour rejoindre au plus
vite des contrées plus hospitalières: le stop, qui
s'avère remarquablement facile: une douzaine d'heures
de camion plus tard, nous voilà rendus bien plus au sud, près
de la petite ville d'Usharal, pas si loin que ça de la frontière
chinoise, à l'est. Ici, toute trace des essais nucléaires
a disparu, et nous voici prêts à découvrir en vélo
le vrai visage du Kazakhstan...
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12-13 août : Globicyclette à la
plage !
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Arrivés en fin de matinée
dans la ville d'Usharal, nous tombons en plein marché, et nous
nous régalons sur place des spécialités locales
vendues sur les stands: des "samsa", savoureux triangles
de pâte feuilletée grands comme la main, fourrés
de viande aux oignons, et des «chachlik», brochettes de
boeuf ou d'agneau servies avec une assiette de petits dés de
pain et de tranches d'oignon cru. Miam! (nous? mauvaise haleine??
heu...).
Le temps de déguster tout ça,
et nous voilà entourés
d'une petite foule qui pose des questions, nous prend en photo, et
surtout nous encourage et nous souhaite bonne chance.
Un jeune homme qui travaille au labo photo du coin de la rue disparaît
et revient après un moment avec deux tirages, pour nous, de
la photo qu'il vient de prendre de nous! Une dame qui nous a posé un
grand nombre de questions, enlève carrément la bague
en forme de grenouille qu'elle portait à son doigt et la donne à Amanda,
une autre lui met dans les mains deux jolis coquillages: «pour
vous porter chance!». On nous invite même à venir
manger des chackliks, mais nos estomacs sont pleins et il est grand
temps d'y aller. Mais nous quittons le village presque à contrecœur:
nous y avons reçu l'accueil réservé aux héros,
alors que nous ne faisons qu'y passer!
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Tous
ces sourires, tous ces gestes de générosité spontanée
nous émeuvent et nous font chaud au coeur: jamais dans
notre vie nous n'aurons reçu autant de témoignages
d'amitié que pendant ce voyage, alors que nous ne faisons
que pousser sur nos pédales, finalement pour notre propre
plaisir! Notre aventure nous aura fait réfléchir
sur maints paradoxes, mais il en est un marquant: toujours,
lorsqu'on nous questionne sur notre voyage, la même inquiétude
revient: «et les gens? vous n'avez pas peur des mauvaises
rencontres? des voleurs?». Mais sur les routes, ce sont
les |
«bonnes» rencontres qui sont la règle.
Aurait-on donc plus peur que de raison des méchancetés
humaines? du «voisin»? Même si la méfiance doit
rester un réflexe nécessaire de sécurité,
même si nous avons peut-être eu énormément
de chance jusqu'ici, cette petite visite du monde nous montre quand même
que l'on peut le voir un peu plus «rose» que ce que l'on
pensait... Éteignez donc la télé et ses JT désastreux,
et partez le découvrir sur un vélo: le monde, le vrai,
n'a rien à voir...
C'est donc avec un sourire joyeux sur les lèvres (et une grosse bague
anachronique au doigt) et que nous partons faire un petit tour à pédales
autour du lac voisin, le lac Alakol, qui figure en tête de liste sur les
attractions immanquables de la région (dixit les gens au marché).
Peu
après Usharal, un drôle
de petit village apparaît à l'horizon: qu'est-ce
que c'est que ces maisons coniques aux couleurs de terre, ces
autres cubiques et basses? D'un peu plus près, nous réalisons
notre erreur: il ne s'agit pas d'un village, mais d'un cimetière
musulman, comme en témoignent les croissants de lune argentés
qui décorent le sommet de chaque construction. |
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Et certaines sont probablement plus grandes que les habitations
occupées
de leur vivant par leurs propriétaires! Certaines reflètent
carrément un penchant légèrement mégalomane:
ce sont de véritables petits palais, avec fenêtres
en ogive, colonnes et tours majestueuses, sur la façade desquels
trône un portrait format «affiche» du disparu.
D'autres cependant restent très simples: un rectangle de
quelques mètres carrés délimité par une
petite grille rouillée, au milieu duquel s'élève à un
gros monticule de terre sèche, de forme allongée. Nous
croiserons un grand nombre de ces «villages» éternels
sur les routes, le plus souvent à l'abord des villes. Certains
sont magnifiques, avec des «palais» au toit en obus
tout argenté ou bleu vif, ou d'autres dont le style s'apparente
presque au «Taj Mahal». Après tout, quitte à y
habiter pour l'éternité, autant être à l'aise!
En fin de journée, nous
voilà enfin sur une grande
plage de sable blanc qui borde les eaux miroitantes d'un lac immense.
Plutôt joli! Seule ombre
au tableau: la plage, quand on l'examine de plus près,
est jonchée des détritus laissés, semble-t-il,
par des générations de vacanciers. C'est bien dommage...
Mais avec le soir qui
tombe, les ordures disparaissent dans l'ombre et le lac prend
une teinte violette incroyable. C'est décidé, on
se pose là pour la nuit! Un groupe de jeunes s'installe
aussi, à quelques mètres de notre tente. Ils commencent à déballer
des pastèques et des bouteilles, nombreuses. Et nous nous
inquiétons: «zut, les familles sont toutes parties,
et nous voilà avec une bande de jeunes qui va boire toute
la nuit: sommes-nous vraiment en sécurité ici?».
Mais... nous nous trompons: car l'un d'entre eux vient nous voir,
deux tranches de pastèques et une bouteille à la
main: «c'est pour vous!». |
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Et dans les bouteilles, ce
n'est pas de la bière, mais du soda! Les garçons commencent à discuter
avec Olivier et le convainquent d'aller se baigner avec eux.
Bien vite, on pique-nique tous
ensemble, et Olivier chahute dans l'eau avec tout le monde. Nous
passerons
ensemble une très bonne soirée,
et ils nous laisseront toutes leurs bouteilles et nourriture restantes:
de quoi remballer nos préjugés!
A leur départ, des invités moins sympathiques viennent
nous importuner: c'est l'invasion des moustiques! On se réfugie
en vitesse sous la tente, mais le vrombissement ne cessera pas de sitôt,
et les insectes tapissent littéralement tout l'extérieur
de la toile: beuh! Cette nuit, pas question d'aller faire pipi dehors...
Le lendemain matin en tout cas, nous voilà seuls au monde, et
nous jouons les Robinsons sur notre plage déserte: un délice!
Mais il est temps de partir à la découverte d'autres
contrées...
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13 août : Globicyclette « à la
noce »... ou presque
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Et nous voilà de retour sur
la route du sud. Le paysage reste très sec mais des reliefs
viennent peu à peu égayer la monotonie des plaines
infinies de la veille... et donner un peu d'exercice à nos
genoux!
A la fin d'une matinée de pédalage, nous parvenons à la
toute petite ville de Qabanbay. |
Alors que nous cherchons un magasin
où nous ravitailler, nous voilà en quelques minutes
entourés d'une foule curieuse et enthousiaste:
tiens, ça recommence comme à Usharal!
et c'est la ronde des sourires et des encouragements: «vous
avez déjà mangé?» «Heu,
non...» «Parfait, venez avec moi, on vous invite!». Ça
tombe bien, on avait faim! On suit nos généreux
amis vers le café-restaurant de la rue qui dégage
déjà une joyeuse animation: fêterait-on quelque
chose, ici? Effectivement... Dès les premiers pas dans
la grande pièce, nos yeux s'écarquillent et nos soupçons
se confirment: devant nous, entre les convives aux habits de fête,
s'étalent d'immenses tables recouvertes de pyramides fabuleuses
de friandises et douceurs: fruits débordant des corbeilles,
petits pains, assiettes de fruits secs, bonbons aux papiers brillants,
montagne de biscuits colorés... nous voici au beau milieu
du fantasme de fête d'anniversaire de tous les enfants!
Pendant que nous essayons de nous convaincre que nous ne rêvons
pas, les invités commencent à s'installer au petit
bonheur devant les tables fabuleuses. Nous hésitons: ça
doit être un mariage, sommes-nous vraiment à notre
place? Mais une jeune fille brune un peu ronde et pétillante,
apparaît: « bonjour, nous dit-elle dans un anglais
plutôt correct, je m'appelle Laela, soyez les bienvenus ici:
asseyez-vous, je vous en prie, et prenez un peu de koumis! Mettez-vous à l'aise,
je reviens tout de suite». Miracle! une anglophone! Car
ici on ne parle en général
que le russe ou le kazakh (et d'ailleurs plus souvent le russe!),
et l'on s'étonne
d'ailleurs fort de notre méconnaissance de cette langue...
un des résidus de l'ère communiste peut-être?
Dans tous les cas, nous voilà ravis de pouvoir enfin discuter
un peu avec une kazakhe, et nous bavarderons une bonne partie du
repas.
«Mais, c'est une fête pourquoi? un mariage, un anniversaire?» «Heu,
pas vraiment. Ce n'est pas une fête.
Nous commémorons le décès de ma tante, il
y a tout juste un an». Aïe, la gaffe! il faut dire
que les convives n'ont pas vraiment des ... têtes d'enterrement!
Laela nous explique qu'il est assez courant ici de «faire
une fête» en l'honneur des disparus, ceux-ci s'occupant
d'ailleurs de financer ces futures réunions «post-mortem».
Après tout, c'est un moyen plutôt sympathique de ne
pas se faire oublier!
Après un discours de l'imam
du village, écouté dans
un silence... religieux, soit, mais aussi un brin impatient, tout
le monde se jette avec joie sur les friandises débordant
des tables. Nous n'osons pas trop en profiter, mais nos voisins
ont apparemment la tâche de veiller au bon remplissage de
nos assiettes, qui ne cessent de se couvrir de délices: «Mange,
mange!», nous répète-t-on en kazakh. Tiens, ça
nous rappelle l'Afrique, ça!
D'autant qu'après cet «apéritif», arrive
le plat principal: de la délicieuse viande de cheval, sous
la forme d'énormes
cuissots rôtis dans lesquels chacun se taille une tranche (nous aurons
bien sûr droit aux plus belles parts!). Le tout arrosé de «koumis» frais,
du lait de jument fermenté identique à l' «ayrag» mongol,
et ici, sans mouches!
Ce gargantuesque repas ne durera pourtant pas bien longtemps, et pour cause:
l'autre moitié des convives attend son tour à la porte de la
salle, faute d'assez de places à table! Mais avant de partir intervient
une coutume qui, nous le verrons, est de mise à tous les repas de fête:
voilà que les serveuses distribuent à chacun... un
petit sac en plastique. Soit, mais pourquoi faire? Nous avons
la réponse à l'issue du second discours (de clôture?)
de l'imam: dès qu'il se rassied, chacun se sert copieusement
dans tous les plats... et remplit son sac plastique! Un peu surpris,
nous n'osons trop nous servir, et prenons timidement un ou deux
biscuits... «Non non, pas comme ça!» s'exclame
notre voisin en kazakh, «laissez-moi faire». Et le
voilà qui vide carrément tout le contenu des plats
devant nous dans nos sacs, riant de nos protestations: «encore
des sacs!», réclame-t-il à la serveuse, qui
s'exécute. Et voilà qu'il emballe à présent
toute la fin du «cuissot» de cheval! Il y en a au
moins pour deux jours de nourriture! Laela, de retour, s'amuse
de nos sourires gênés: «nous avons dévalisé la
table...» «C'est bien! Vous ne faites pas ça,
en France? Ici, il est d'usage que les invités emportent
toute la nourriture que l'on met sur la table. Chacun, en repartant
avec son sac, emporte alors un peu de l'«âme» et
des voeux de bonne chance de celui qui a organisé la fête,
en l'occurrence ici, ma défunte tante». On essaie
de s'imaginer en train de se fabriquer un « doggy bag » à l'issue
d'un mariage en France: pas moyen! et pourtant, quoi de plus
bête que des restes que l'on jette? En tout cas nous avons
l'impression d'avoir récupéré la moitié de
la «défunte tante», tant nos sacoches débordent
des sacs de restes! Nous avons même droit à une bouteille
entière de koumis, et trois d'eau gazeuse. Nous qui nous
plaignions avec nos melons de la veille, nous attrapons un fou
rire en essayant de refermer notre sacoche sur l'os du cuissot
géant: finalement, inutile de faire des courses au Kazakhstan!
Nous
n'en ferons d'ailleurs pas du tout, car les jours suivants
nous recevrons encore
quantité de présents spontanés, d'ailleurs
pas toujours au goût de nos genoux dans les côtes:
on se souviendra longtemps de cette énorme pastèque
accompagnée de 4 gros melons jaunes, que l'on nous
mettra d'office sur nos sacoches... juste avant une terrible
pente de 300 m de dénivelé!
Mais peu importe, nous sommes ravis de tous ces présents, et plus encore
du sourire et de la joie de tous ceux qui ont pris le temps de s'arrêter
au bord de la route pour nous les offrir... |
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13 - 22 août
: Globicyclette en pédalage estival, suite !
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Le pédalage au Kazakhstan, même
sans compter les cadeaux, est particulièrement agréable:
de longues routes droites et asphaltées dans des paysages
immenses, avec juste assez de reliefs pour nous offrir des bivouacs
de toute
beauté. Nous savourons aussi les températures clémentes,
et le ciel, toujours bleu et sec, nous permet de bivouaquer sans
double-toit... Ah, ces innombrables levers et couchers de soleil
que nous avons savourés chaque jour...
Nous longeons en fait les
contreforts d'une chaîne montagneuse qui sépare
le Kazakhstan de sa voisine de l'Est, la Chine, et culminera à plus
de 5000 m bien plus au sud, du côté du Kirghizistan.
On commence donc à apercevoir nos premiers sommets
enneigés, qui promettent de belles (et froides?) montées
du côté kirghize. Mais nous n'y sommes pas encore,
et pour le moment, c'est avec envie qu'on pense à la
fraîcheur des montagnes...
C'est qu'au soleil, il fait parfois une chaleur pénible qui va jusqu'à fondre
le goudron de la route: chlouik, chlouik, ça colle aux pneus! |
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Tiens,
une nouvelle voiture qui nous double, puis s'arrête
un peu plus loin: on va encore recevoir des encouragements!
Eux ont même carrément fait demi-tour pour venir
nous voir. Et voici Inessa, une
jolie blonde pulpeuse dans la trentaine, d'origine russe,
et Abuadam, jordanien, tous les deux vivent et
travaillent à Almaty.
Abuadam parle anglais, et explique notre périple à Inès,
qui semble trouver ça formidable. Les voilà déjà qui
cherchent un cadeau à nous faire.
Ils nous donnent chacun leur carte: «Docteur?» «Oui,
je suis aussi gynécologue», précise Abuadam, «d'ailleurs,
connaissez-vous Volupta?» «Qui ça?» «Mais
non, pas «qui», c'est un produit gynécologique, pour les
femmes, pour l'amour». Hein? «Tenez, en voici un échantillon,
vous essaierez, c'est merveilleux!». Et les voilà qui nous donnent
un tout petit tube. Amanda déchiffre l'étiquette: «ah,
c'est... du lubrifiant intime??» «oui, pour l'amour, vous savez...?».
Heu, oui, on sait! Mais on ne nous en avait jamais offert au bord de la route! «Essayez,
vous nous direz si c'est bien!». Heu,
ben... Merci! «On doit y aller, n'hésitez pas à téléphoner
dès que vous êtes sur Almaty,
on vous invite chez nous!».
Et les voilà qui repartent déjà, un peu pressés
apparemment.
Une fois la surprise passée, on se regarde en rigolant:
ah ben ça, ça change des melons!
Un pédalage tranquille nous amène des grandes plaines
très
sèches du centre vers des paysages plus verts, notamment des cultures
de pastèques à perte de vue. Après un passage par l'agréable
petite ville de Taldykorgan, plus au sud, nous mettons le cap temporairement
vers l'est, direction: le lac Qapshagai, qui est aussi une réserve
nationale. Çà devrait être joli, dans ce cas, non? Nous
sommes en tout cas motivés pour aller y jeter un coup d'œil, suffisamment
pour passer une journée à escalader un joli petit col fort pentu.
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Mais en contrebas de ce dernier,
une mauvaise nouvelle nous attend: le parc est bien là,
certes, mais son entrée est payante... au prix prohibitif
de 75 euros par personne! C'est le prix du Machu Pichu, ça!
nous préférons garder nos précieux deniers
pour les temples d'Asie du Sud-Est, et effectuons donc un
demi-tour déçu. On apprendra d'ailleurs par
la suite que le parc n'avait rien de bien spectaculaire!
Heureusement que le panorama du haut du col nous a offert
deux bivouacs superbes, ça récompense tout
de même la montée... |
Et progressivement, on se rapproche
d'Almaty, grande ville blottie contre les montagnes à l'extrémité sud
du pays. Nous y arriverons in extremis pour Amanda, qui a attrapé on
ne sait où, une redoutable angine blanche: la malade arrive à peine à tenir
sur son vélo! Inessa, Abuadam, amis de la route, serez-vous
là pour nous ouvrir votre porte?
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23 - 30 août :
Globicyclette en ville
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Oh que oui ! Ils ne nous ont pas oubliés,
et ont à cœur
de tenir au mieux leur promesse: nous voilà installés
dans la chambre d'un petit appartement coquet: «Ici, ce
sont les bureaux de notre entreprise, KGC, où nous travaillons
tous. On va, on
vient, on peut y faire la cuisine et y dormir si on veut: bienvenue
chez nous, ceci est votre nouvelle maison!».
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«Nous», ça
semble désigner Abuadam, Inès (Inessa en russe),
et toute une série de jeunes et jolies femmes en habits
soignés, talons hauts et ongles manucurés,
qui vont et viennent dans le petit appartement en s'exclamant
d'enthousiasme devant nos vélos: nous voilà traités
en héros! pense Amanda en essayant de cacher ses ongles
noirs et dentelés dans les poches de sa polaire maculée
de taches. |
Tout le monde est adorable, et nous
voilà très
vite douchés, habillés de neuf avec une djellaba
d’Abuadam et un tee-shirt d' Inessa (cadeau, pour vous,
si si!), et installés devant la table de la cuisine,
pendant que toutes ces jolies femmes déposent devant nous
le frère jumeau du repas de «noces» de Qabanbay: «on
a eu une fête d'anniversaire aujourd'hui,
il y a plein de bonnes choses à finir!». Pendant
que nous faisons leur affaire à toutes ces friandises, à grand
renfort de thé brûlant, Abuadam, très à l'aise
au milieu de cette jante féminine, se met aux fourneaux: «je
ne fais que réchauffer, mais demain, je vous
ferai goûter à ma cuisine!». Pour ce soir,
nous avons droit au plat kazakh traditionnel: le «Besh
Barmak»...
L'ambiance est bien gaie dans cette
petite cuisine surpeuplée,
et l'on s'y sent tout de suite à notre aise. Il faut
dire que tout le monde est aux petits soins pour nous, et même
si les trois quarts ne parlent que russe, nous parvenons quand
même à répondre à leurs questions
et à raconter
notre voyage. Olivier, dans sa djellaba crème trop grande,
rencontre un succès fou: «Jesus Christus!»,
s'exclame Inessa quand elle l'aperçoit sortant de la
douche, ce qui provoque l'hilarité générale.
Il faut dire qu'avec ses cheveux presque longs et sa barbe
de trois jours,
il a un sacré look! Amanda, épuisée par
son angine, a un peu de mal à suivre au milieu de toute
cette agitation, mais le thé chaud lui fait du bien,
sans parler de la douche qui a précédé...
Nous papotons interminablement pendant que notre linge tourne
déjà dans
la machine à laver, et même si avec la fatigue
tout cela nous semble un peu irréel, nous sommes ravis
d'être
atterris dans ce petit nid douillet et pépiant.
Nous
passerons à Almaty six très
bonnes journées, choyés par nos amis, repos
grâce auquel Amanda parviendra à se débarrasser
de sa grosse angine. Nous profiterons aussi de cette escale
pour régler moult problèmes de visas, avions,
matériel et moyeux de vélo, et irons même
faire un petit tour dans les montagnes voisines avec Inessa
et Abuadam (en voiture, cette fois!). |
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Mais trop vite, l'expiration prochaine
de notre visa kazakh nous force à repartir: il est temps
de mettre le cap sur le Kirghizstan voisin! Nous ne disons cependant
qu' «au-revoir» à nos
nouveaux amis: nous repasserons par Almaty dans un mois et demi,
d'où nous nous envolerons pour la Thaïlande. Et ils
nous somment de revenir chez eux, bien sûr! Voilà qui
facilite les adieux, nous qui n'aimont pas cela...
En attendant, ils nous donnent le téléphone d'amis
kirghizes qui pourront nous héberger sur Bishkek, la capitale,
et nous abreuvent de conseils pour la route. Même si nous
revenons bientôt, il nous
est déjà difficile de quitter leurs sourires!
Et nous voilà en route pour Bichkek, à 200 km d'Almaty.
La route, justement, n'a rien d'exceptionnel: le trafic est décidément
trop dense, et le vacarme continuel des moteurs et des klaxons
nous fatigue bien plus que les coups de pédale! Heureusement,
la frontière arrive
vite, et ce sera le
passage de frontière le plus simple et le plus rapide
de toute l'Asie centrale, on se croirait presque en Amérique
du Sud! Le douanier nous remet même une petite carte avec
les numéros de téléphone d'urgence (SAMU,
police,...), une première!
Et voilà, encore un nouveau pays! sur lequel, comme pour
les autres, nous donnons nos premiers coups de pédales en
nous tenant la main...(comment ça,
trop romantique? promis, nous ne le sommes que lors des passages
de frontière... ouf!).
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Les
petits détails du quotidien...
à venir... bientôt!
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