Globicyclette au Chili 



 

 

 

 
Et nous voici dans notre sixième pays! où nous entamons notre sixième mois de voyage... déjà! Alors, que nous réserve ce voisin du Pérou? Nous vous avions laissés au bord du Pacifique, de nouveau à de faibles altitudes... Mais nous n'allons pas y rester longtemps: venez relever avec nous le défi qui nous attend, la montée des Andes... à vélo! Allons-nous parvenir à escalader sans problème ces 4700 m de dénivelé, et en haut, il y a quoi, au fait ? Le Chili, est-ce vraiment aussi moderne que ce qu'on dit ?

5-6 décembre : Arica, le retour à la civilisation

 

Les derniers carnets nous ont fait traverser la frontière Pérou-Chili après plusieurs jours de pédalage dans le désert péruvien. Peu après le poste-frontière (et encore un peu de vent de face), nous voilà à l'entrée de notre première ville chilienne, la station balnéaire de Arica. Eh oui, on a retrouvé l'océan Pacifique!

Dès les premiers kilomètres, on note un grand changement par rapport au Pérou : les voitures sont souvent des 4x4, les femmes promènent leur bébé dans des landaus et non sur le dos dans une couverture, les habits traditionnels ont disparu, et des panneaux publicitaires vantent les mérites des derniers ordinateurs à la mode ou des agences de location de voitures. Nous voici revenus en pays connu! Çà nous rendrait presque nostalgiques des petits villages péruviens, si ce n'est que les mots «Supermercado gigante » apparaissent devant nous. Et là, quel régal! Un vrai supermarché qui nous rappelle nos courses en Islande... niveau prix aussi d'ailleurs, moins cher qu'en Islande bien sûr, mais plus rien à voir avec le Pérou... Qu'importe, on trouve du yaourt, du vrai beurre (et pas l'horrible margarine péruvienne jaune vif), et surtout... du Nutella! Youhou! On quitte donc la ville avec les sacoches pleines à craquer de bonnes choses. De quoi nous motiver pour les 4700 m de montée qui nous attendent...

Car nous, les vagues sur la plage d'Arica, ça nous a suffi pour une nuit : les montagnes nous manquent, alors c'est parti pour l'ascension des Andes, direction plein est !

6-11 décembre : l'ascension des Andes à vélo ! jour par jour

 
Pour le moment, les vraies montagnes sont encore loin, et on se contente de tourner le dos au Pacifique pour longer la vallée de Llute, dont la route grimpe doucement. De part et d'autre de la vallée, des montagnes sableuses nous dominent. Il y a bien longtemps, des hommes y ont gravé des figures géantes, visibles à des kilomètres.

Ce sont des géoglyphes, et nous en admirons tout au long de notre progression. Mais celle-ci ne va pas être bien longue : le mauvais génie des plateaux avant frappe encore ! Et un nouveau démontage révèle que les réparations effectuées par Olivier à Arequipa ne tiennent plus... Nous voilà donc assis par terre, en train de scier des boulons dans le sens de la longueur afin de remplacer ceux défectueux, d'origine. Et scier des boulons avec une vieille scie à métaux émoussée, c’est long, long, et pas vraiment passionnant : entendez-vous pester Olivier? Ils vont nous entendre, Spécialité TA!

Enfin bon, avec tout ça, l'heure du bivouac arrive, et nous nous posons dans un champ inutilisé, à côté de grands palmiers dans lesquels nichent... des vautours ! Trop petits pour être des condors, mais ils nous donnent quand même l'impression d'être dans une BD de Lucky Luke !Le matin, on passe une bonne heure à terminer les réparations de nos plateaux avant. Les deux vélos sont touchés! Que c'est frustrant de perdre du temps ainsi alors que le soleil brille... Enfin, les plateaux semblent mieux fixés à présent.

Alors on va les faire tourner! Car la douce pente de la vallée s'incline, et nous, on pousse de plus en plus sur nos pédales.

Mais une surprise nous attend lors d'une pause dans un minuscule village: nous ne sommes pas seuls! On voit arriver, peinant comme nous dans la côte, un couple de vélos droits: Katja et Dan viennent d'Allemagne, et escaladent eux aussi les Andes chiliennes. Chouette, des nouveaux copains! Ils roulent à peu près à notre vitesse, alors on décide de faire la route ensemble, ou plutôt de s'attendre aux pauses.

À midi, on s'arrête dans un petit retour de bord de route, comme souvent au milieu de nulle part. Eux s'offrent un vrai repas, nous juste un café et un thé, et on fait bien, car l'addition est salée, 1500 pesos (>2€) rien que pour çà, on se croirait en France! (Bon, pas tout à fait quand même...). Par la fenêtre, on aperçoit la suite de notre route... Quoi? Ah non, pas çà??? la montée de l'enfer qui grimpe jusqu'au sommet de la montagne voisine, 950 m plus haut... Ben oui, fallait bien que ça commence, les Andes ! N'empêche, c'est impressionnant, et ça décourage presque nos amis qui se demandent s'ils ne vont pas s'arrêter là pour aujourd'hui. Mais on arrive à les convaincre de tenter le coup: il reste encore de longues heures de soleil...

Alors c'est parti pour les Andes! Et petit à petit, coup de pédale après coup de pédale, on finit par se hisser au sommet de la montagne... Pour découvrir que, bien sûr, elle est surmontée par d'autres montagnes; la pente continue, toujours aussi raide! Mais après de longues heures d'efforts, le soleil bas sur l'horizon signale enfin l'heure du repos; ouf! On se pose dans une gorge entre deux montagnes, bien cachés de la route. Ce soir, on cuisine à quatre et on discute sous les étoiles...

Le lendemain, réveil à l'aube, et on fait le plein de courage pour affronter les montées qui nous attendent. Car toute la journée nous allons pousser, pousser, pousser sur les pédales : 1000, 2000, 3000 m, on dépasse doucement les courbes de niveau ; autant de petites victoires ! Heureusement, vers 11 heures, le vent se lève... et... si !! il est de dos ! Et il le sera pendant toute notre ascension...

Et pendant qu'il pédale, Olivier gamberge... On peut presque voir la petite ampoule s'allumer au-dessus de sa tête, en même temps qu'un grand sourire sur son visage : idée ! Une voile pour nos vélos ! Aussitôt pensé, aussitôt fait : des piquets de tente montés entre les sacoches, et une polaire tendue dessus, et voilà Philéas et Heïdi transformés en vélos voiliers... Et ça marche ! On gagne presque 2 km par heure dans les rafales, il faut dire que ça souffle fort. Olivier est ravi de son bricolage, et Amanda tout fière de son génie de mari. Bon, on perfectionnera çà, mais le principe est sympa... En attendant, le vent ne fait pas tout, et les efforts continuent dans les montées...

Mais vers la fin de l'après-midi, la route s'aplatit un peu : on arrive sur un plateau, chouette ! Et là, en face de nouvelles montagnes balayées par le vent, on découvre une «maison » un peu particulière. Un panneau de bois signale : «Pueblo Malku, énergie écologique ». Quel endroit étrange ! On se retrouve dans une espèce de refuge « hippie », mais douillet comme tout. Au-dehors, des sièges en bois et divers objets hétéroclites, roches, coquillages, fossiles, simplement posés sur des tables basses ou bien assemblés en œuvres d'art étrange. Plus loin, une éolienne justifie le panneau. L'ensemble donne envie de s'y asseoir pendant des heures et de savourer le paysage ou les curiosités mises à disposition. Une porte fermée par un simple rideau amène à l'intérieur : nous découvrons une femme aux yeux bleus, un homme à la barbe blanche, et des femmes au physique « local », en habits traditionnels. Plus des enfants qui courent partout. La déco de la pièce est du même acabit que celle de l'extérieur, avec en prime des piles de livres de toutes sortes : faune et flore, astronomie, géologie, philosophie, théâtre... Nous sommes chez des érudits ! La moitié de la pièce est occupée par une cuisine dont tout un mur donne sur un grand four à bois. Nous n'avons jamais vu d'endroits pareils... La femme aux yeux bleus, Andréa, nous souhaite la bienvenue et nous propose de passer la nuit ici, car ils font aussi camping. « Vous avez vu ce que vous avez monté ! Vous êtes des héros ! » (chouette !). « À présent, vous approchez les 4000 m, il faut aller doucement et plus vous reposer ». C’est gentil comme tout, mais il est encore tôt et surtout c'est un peu cher pour nous. En revanche, on va lui acheter du pain tout frais que son mari est en train de faire cuire, et faire une pause bien méritée autour d'un chocolat chaud. Ça fait du bien !

On s'arrache à regret de cet endroit paisible pour poursuivre notre ascension : nous parviendrons à 1500 m de dénivelé avant que les genoux douloureux de Katja (et l'opinion générale) déclarent l'arrêt des efforts. Ce soir, les étoiles sont incroyables dans l'air pur des montagnes...
Et le lendemain, devinez ? Çà monte encore !


Le plateau sur lequel nous étions arrivés la veille n'était qu'une étape éphémère dans notre ascension des Andes: aujourd'hui, on dépasse les 4000m... C'est dur, mais à quatre, on s'encourage et on se plaint de concert, et du coup les montées paraissent moins pénibles. Car elles le sont, et on découvre qu'on peut rouler à 3 km/h sans tomber ! Avec l'altitude, on doit aussi s'arrêter régulièrement pour reprendre notre souffle, mais les pauses nous permettent d'admirer les vicuñas qui sont légion par ici. Vers 14 heures enfin, on atteint un col à 4600m ; et là... çà descend ! Et dans un paysage magnifique en plus... La descente, grisante, nous amène jusqu'aux hauteurs de la ville principale du parc de Lauca, Putre: un nécessaire point de ravitaillement avant la suite, bien plus déserte. Cathia et Dan, eux, vont s'y arrêter pour la nuit et la journée suivante, afin de s'acclimater à l'altitude. Nous, on aimerait bien poursuivre encore un peu plus loin...

Putre n'est pas exactement sur la route ; une bifurcation de 4 km y mène, inutile d'y amener toutes nos sacoches, vu que c'est un aller-retour. Alors Olivier, courageux, décide d'y aller avec un Philéas version light, pendant qu'Amanda garde le reste à l'embranchement. Et on fait nos adieux à Katja et Dan, qui y vont de leur côté : c'était bien sympa de grimper les Andes ensemble !
Arrivé à Putre, Olivier remplit les sacoches et va faire un tour sur Internet, et ce n'est que vers 16 heures qu'il rejoint sa belle, qui commençait à se refroidir dans le vent frais des montagnes.

Et c'est reparti ! Montons, montons ! Car il paraît qu'un peu plus haut, il y a... une source chaude! Ça nous rappelle des souvenirs... En revanche, ici, la source n'est pas en face de la route, mais au bout d'une mauvaise piste de terre. Tellement mauvaise qu’il va nous falloir descendre de nos montures et pousser, pousser, pendant que le soleil disparaît derrière l'horizon. Arriverons-nous là-bas avant la nuit? Pas sûr... On pense à laisser tomber pour ce soir et à se poser là où nous sommes, mais l’air est glacial, et la perspective d'un bain chaud nous pousse à persévérer encore un peu. Et on y arrive enfin, après une bonne heure de galère et d'essoufflement: ouf, fini pour aujourd'hui! 1600m de dénivelé: la journée la plus dure de notre voyage... On mérite bien un vin chaud, non? Le site semble désert, mais alors qu'on installe la tente, on entend des bruits: c'est le gardien, qui nous a presque fait peur!

On a un peu de mal à le comprendre (défaut d'élocution?), mais lui a compris ce que nous voulons, et nous amène jusqu'à une piscine d'eau fumante... rien que pour nous. Nous goûtons alors aux délices d'un bain brûlant, sous les étoiles qui sont levées depuis un bon moment. Le bonheur...

Nous rentrons en titubant à notre tente, ivres de fatigue et de chaleur (source chaude à 4000m, ça fait tourner la tête...). Qu'est-ce qu'on va bien dormir...
Et nous voilà déjà au cinquième jour de notre escalade !

Nous résistons à la tentation d'un bain chaud matinal qui nous laisserait tout faibles et ramollis, et partons à l'assaut de nouvelles montées. C'est un peu moins raide que la veille, mais quand même bien vallonné, et à plus de 4000m, on n'est plus aussi performant: on doit souvent s'arrêter au milieu des côtes pour reprendre notre souffle. Mais les paysages sont de plus en plus beaux. Après les collines arides et désertiques des jours précédents, les montagnes d'ici se couvrent d'une bruyère verte, formant ce qu'ils appellent des «bofedals » qui doivent être des écosystèmes particuliers. On entre à présent dans les limites officielles du parc de Lauca, et peu après on arrive enfin sur l'Altiplano (qui est moins «plano» que celui du Pérou!).

Et là, au détour d'un virage, le volcan Parinacota se dresse soudain devant nous, cône gigantesque recouvert de neige qui domine l'horizon. Plus proches, des «petites» montagnes (qui dépassent toutes les 6000m) offrent des couleurs volcaniques dignes de l'Islande: rouge, jaune vif, orange, elles tranchent sur le ciel bleu et forment un paysage fabuleux.

A nos pieds, des prairies d'un vert lumineux, traversées par de multiples rivières, et peuplées de vicuñas peu farouches: une vision de paradis... Le vent souffle à toute force, mais, chance toujours, il est encore de dos: ressortons les voiles à vélo! Et nous filons dans ce paysage de rêve... À midi, une pause déjeuner devant une «maison du parc» déserte nous permet d'approcher d'autres habitants des lieux, les vizcachas: ce sont des espèces de «lapins géants», à petites oreilles et grandes queues, cousin des chinchillas. Eux non plus ne sont pas effrayés par l'homme, et gambadent partout dans la prairie... On a de la chance avec le temps, non seulement le vent est de dos, mais le soleil brille dans un ciel bleu... Profitons-en! Vers 16 heures, le vent tourne un peu, et nous peinons un peu plus. Nous nous arrêtons devant le hameau de «Chucuyo » indiqué sur la carte, le premier depuis Putre: nous avons besoin de pain! Mais, surprise, le «hameau» n'est en fait qu'un simple poste de police, les «carabineros» chiliens. On commence à demander au carabinero de garde où trouver du pain, mais celui-ci nous interrompt: «venez plutôt prendre un thé à l'intérieur!». C'est vrai qu'il commence à faire bien froid avec ce vent...

Et là, nous allons nous faire traiter comme des rois: on nous installe dans un salon douillet digne d'une maison de grand-mère, et notre hôte nous apporte pain, beurre, confiture, puis aussi une soupe délicieuse, et voyant notre appétit, il revient derechef avec une assiette de riz aux légumes pour chacun! Nous n'en revenons pas, et il semble ravi de notre surprise joyeuse. «Restez donc ici pour la nuit, il fait jusqu'à -15° C dehors, chez nous vous serez au chaud!».

Il n'en faut pas beaucoup plus pour nous convaincre: quel accueil! Ils sont quatre à occuper les lieux, tous aussi hospitaliers que le premier. Nous allons passer avec eux une soirée de luxe: douche, lessive, recharge des batteries sur secteur, et un repas du soir frugal (heureusement, vu notre goûter!) avec omelette et pain. On a un peu de mal à comprendre l'accent chilien (ces satanés chiliens rognent la fin de tous les mots!), mais on parvient quand même à bien discuter: pendant qu'Amanda converse sur les multiples fonctions des carabineros et la difficulté du métier, Olivier se renseigne sur notre futur itinéraire: nous allons bifurquer vers le sud avant la frontière bolivienne (pour le moment, nous allons plein Est), et longer celle-ci côté chilien: il paraît que c'est très beau, mais il faudra renoncer pour de bon aux routes goudronnées! Nous rejoindrons ainsi la Bolivie plus au sud, un peu au-dessus du salar de Uyuni, notre destination suivante.
Mais avant tout çà, notre montée des Andes se termine le lendemain avec un col à 4700 m au-dessus d'un lac magnifique : on a passé le plus dur !
nous sommes tout fiers d'y être arrivés depuis le niveau de la mer par la seule force de nos petites jambes... Après quelques belles descentes bien méritées, on parvient au complexe frontalier Chili/Bolivie: il est temps pour nous de bifurquer de 90° vers le sud! et de quitter le doux asphalte si lisse, si plat... pour une route de terre un peu sableuse sur laquelle nous progressons bien plus lentement. D'autant que ça remonte dur dur! À tel point que nous devons descendre de nos vélos et pousser: ça nous prépare au Sud Lipez de Bolivie, tiens! Mais la raide montée n'est pas éternelle, et laisse enfin place à une grisante descente qui nous amène sur une nouvelle vallée, immense... Et au bout de la descente...tadaa!! Devinez... Une source chaude bien sûre! Au milieu de nulle part, une petite hutte de pierres, et à l'intérieur, une baignoire creusée dans le sol, remplie d'eau fumante. Le tout, rien que pour nous! Ah, effort et réconfort, qu'on aime ce voyage!

11-15 décembre : balades dans les terres perdues des Andes

 

Nous voilà à présent sur des routes (enfin des chemins!) moins fréquentés : notre itinéraire nous amène bien loin de tout lieu habité, au cœur des Andes chiliennes, et à des altitudes toujours au-dessus de 4200 m. Mais les grandes solitudes, nous, on adore, et si on passe nos journées à pester contre l'état peu fréquentable de la piste (sable, pierres, tôle ondulée, où cocktail des trois !), on est en fait comblé par les paysages que l'on découvre.

Nous évoluons entre des vallées paradisiaques où de petits ruisseaux coulent entre des mousses vert vif, et des centaines des vicuñas et alpagas paissent librement. De temps en temps, certains traversent gracieusement la route, juste devant nous... Une région magique !

Bon, parfois bien sûr, tout se corse. Les vallées se transforment en cols trop raides et pierreux, et l'orage andin nous tombe dessus... comme dans cette montée-ci, par exemple, qui n'en finit pas, avec ce vent froid qui nous gifle de plus en plus fort... Mais cette montée, on veut la finir, car au bout se trouve... le salar de Surire !
Nous nous arrêtons pour profiter de ce paysage unique (bon, et pour souffler un peu aussi !): nous surplombons une immense étendue blanche qui nous éblouit presque sous le soleil, de retour pour l'occasion. Notre premier salar! Nous dévalons la route jusqu'à son niveau, et de près, le lac de sel est encore plus beau: ses limites sont encore en eau et des flamants roses s'y promènent par dizaines. Au bord de l'eau, vicuñas et alpagas paissent tranquillement. Les volcans se reflètent dans l'eau qui commence à scintiller sous le soleil de fin d'après-midi... On fait une halte à un nouveau poste de carabineros, posé au bord du salar au milieu de nulle part. Mais cette fois, on ne veut pas l'hospitalité, juste des renseignements: il y a une source chaude de l'autre côté du salar à 30 km... Raison de plus pour en faire le tour! On termine donc cette belle journée par un pédalage le long du lac entre vicuñas et flamants. Le paysage est tellement fabuleux que l'on s'arrête tous les 500m pour prendre films et photos. On a du mal à croire que nous sommes ici, dans ce décor de carte postale, au bout du monde... et que nous y sommes allés par la simple force de nos muscles! Quelle récompense...
Le lendemain, le paysage est un brin altéré par les gros orages qui nous tombent dessus... Le tonnerre qui gronde sur les volcans donne une petite note dramatique au paysage : le salar se la joue grandiose, aujourd'hui ! Et comme pour se faire pardonner de ce temps désagréable, il nous offre... ses plus belles sources chaudes. On se croirait en Islande ! Un mini étang d'eau bleue-verte et fumante apparaît au détour d'un virage, et se prolonge par une rivière sinueuse. Juste à côté, une table de pique-nique nous invite à faire l'une des plus belles pauses de ce passage au Chili... et la pluie cesse ! On a même droit à un rayon de soleil alors que l'on se glisse avec délices dans l'eau brûlante, les volcans en toile de fond, derrière le salar tout blanc...
La suite est un peu moins intéressante : pédalage sous la pluie ou entre les gouttes, sous un ciel bas et gris qui ne met plus en valeur notre beau salar... qu'on ne tarde pas à quitter, d'ailleurs, car la route finit par lui tourner le dos, direction notre prochaine étape : la ville de Colchane, près de la frontière bolivienne. On espère y trouver ravitaillement et surtout Internet, car nous n'avons eu aucun contact avec la famille depuis Putre et nous espérons qu'ils ne s'inquiètent pas trop. Le téléphone portable, lui, ne capte plus depuis Arica : on est vraiment au bout du monde et ici...
En attendant, Colchane, c'est derrière tout plein de montagnes
et nous grimpons derechef pour nous retrouver à des hauteurs jamais atteintes : 4735 m, record absolu d'altitude ! Ici, les Andes prennent des allures d'Islande : on est entouré de monts sableux ocre, formés de cendres, avec cette impression d'être sur Mars... (pas d'air non plus !).
Les quelques villages que nous croisons, à chaque fois dans l'espoir d'y trouver des villageois et surtout de quoi se ravitailler (on a encore 2,5kg de pâtes, mais bon…), sont le plus souvent à l'état de ruines. La région n'est pas très peuplée…

Dans l'un d’eux cependant une camionnette a débarqué trois femmes ; elles sont en train de tondre des alpagas! Nous observons, curieux, cette étape dans la confection de ces si douces écharpes: la tonte se fait avec d'énormes lames métalliques carrées, qu’elles aiguisent régulièrement sur de grosses pierres plates. Les alpagas attachés par les pattes, se laissent faire patiemment. Après la tonte, très longue, ils ont diminué de la moitié de leur volume et un gros tas de laine est apparu à côté: quelle quantité! Ils ressemblent alors presque à des vicuñas. Espérons qu'ils n'aient pas trop froid !

Mais dans ces contrées volcaniques, on rencontre un nouvel ennemi : après le « vent-de-face-qui-gifle-et-qui-déprime », les « orages-à-grêle-et-pluie-glaciale », voici... le « sable-traître-qui-fait-chuter »! Car la route passe au milieu de collines de cendres volcaniques qui se prennent chacune pour la dune du Pilat... Bref, quand se croirait à la plage, et les roues de nos montures trop chargées s'enfoncent profondément, faisant s'arrêter tout net nos bécanes. Attention, risque de chute élevé! D'autant que la piste est traîtresse: il est très difficile de discerner terrain solide de terrain sableux, et à quelques centimètres près, l'un de nous passe alors que l'autre plante. Heureusement, ça descend, et l'on parvient à prendre suffisamment de vitesse pour passer en zigzaguant sur les monticules de sable. C'est presque un jeu finalement, mais un jeu casse-cou: on plante, on redresse nos vélos au dernier moment d'un grand coup de guidon en poussant à fond sur les pédales, et on repart en zigzaguant, en équilibre précaire, jusqu'au prochain monticule. Parfois aussi le coup de guidon nous amène dans un trou encore plus sableux, et là, c'est l'arrêt catastrophe à 45° sur le côté ou... la chute! Olivier doit manœuvrer avec encore plus de finesse, car quand Philéas passe, c'est Bob, la remorque, qui plante!
Mais malgré quelques chutes, on s'en sort honorablement et nous voici tout prêt de la ville de Colchane, à quelques kilomètres de la frontière bolivienne.
Sur la carte, son nom est écrit en gros, donc on devrait pouvoir y trouver des «tiendas», des renseignements, et surtout, surtout, Internet! car depuis Putre, nous n'avons eu aucun contact avec la famille, et nous souhaitons les rassurer! Nous avons aussi beaucoup de retard dans les carnets de route et les photos, et comptons bien passer quelques heures à télécharger tout ça...

Mais... Une grosse déception nous attend: Colchane, malgré les promesses de la carte, est minuscule et déserte. Pas d'Internet! Et pas de tienda non plus: tout est fermé car c'est jour de marché à Pisiga, la ville bolivienne voisine .Zut! (Restons polis). Nous trouvons cependant un poste de carabineros où nous pouvons consulter leurs cartes... qui ne possèdent pas les mêmes routes que la nôtre! Maudite soit notre carte approximative...

Nous comptions continuer un peu vers le sud avant de passer la frontière, mais un coup d'oeil à leurs cartes nous fait changer d'avis: c'est bien plus simple de «traverser» ici! Et comme ça, nous pourrons nous aussi faire notre marché à Pisiga. On a des envies irrésistibles de produits frais et de protéines... Nous aimerions bien cependant contacter la famille... À la mini gare routière qui clôture la «ville» nous trouvons un «téléphone public»: une femme dans une boîte en tôle ondulée qui prête ses téléphone et chronomètre. C'est hors de prix (2€ la minute), mais nous parvenons à contacter les parents d'Olivier. Eux étaient très inquiets, le site du ministère des Affaires étrangères signale que la frontière Chili-Bolivie est très dangereuse, et déconseille tout passage en Bolivie! Dangereux? Ici, tout a l'air plutôt tranquille, et les carabineros nous ont déjà assuré que nous ne risquions rien par ici. Un peu inquiets, on demande de nouveau conseil au carabinero de service qui semble tomber des nues quand on lui parle de danger. Il faut dire que l'endroit est tellement isolé... Il nous conseille d'aller demander aux douaniers boliviens à la frontière, 2 km plus loin. Allons-y! Mais là, les douaniers nous rient carrément au nez: on a l'impression d'être au milieu du Périgord et de demander aux fermiers s'ils ont des problèmes avec les jeunes des cités! Bon, voilà qui nous rassure quand même, et nous convainc de passer en Bolivie comme prévu.
Parfois, on se dit que la vision médiatique des pays étrangers en France ne se fait que par un trou de serrure: les événements importants, conflits, situations à risque, sont bien retranscrits, mais font oublier que le reste du pays, lui, continue à vivre paisiblement... C'est en tout cas notre impression dans ce petit coin complètement perdu dans les montagnes !

Et voilà! Notre petit tour par le Chili est déjà terminé... Mais nous le retrouverons plus au sud, dans quelques mois, en Patagonie! Pour le moment, c'est la Bolivie qui nous attend, avec ses salars et ses volcans supposés fabuleux plus au sud. Y retrouverons-nous le lisse asphalte dont rêvent nos vélos? autre chose à manger que des pâtes aux oignons? un accent plus compréhensible qu'au Chili? Allons-nous nous perdre dans les terres désertes du Sud Lipez? Suite... dans les prochains carnets!

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

Mmh... Pas très facile d'écrire sur la gastronomie chilienne alors que nous n'avons traversé qu'une seule ville digne de ce nom ! Mis à part le retour acclamé du Nutella dans nos sacoches, peu de changements sont intervenus depuis le Pérou, car nous avons cuisiné la majorité de nos mets... et la majorité de nos mets, c'est...

  • Petit déjeuner : avoine, lait en poudre, sucre et cannelle; ça remplit et ça réchauffe, l'idéal pour les matins frais des montagnes. Devant la disparition de l'avoine sur les étals des quelques boutiques rencontrées, on a découvert son remplaçant: la « semoule » («semolina »), une espèce de blédine qui forme une purée pas mauvaise. En guise de jus d'orange, 1 l d'eau avec du «Tang» orange, et un peu d'imagination!
  • Déjeuner : les restes du dîner de la veille soit 1/3 de casserole de pâtes, puis des tartines avec une sauce ail-oignons-tomates préparée elle aussi le soir précédent. Puis, attention, on passe à la partie saine de notre alimentation: une salade! (Enfin, tant qu'on a de quoi...). Tomates, concombres, et... chou cru! Ça se conserve bien mieux que la laitue, et on en trouve sur tous les marchés... Le tout assaisonné de jus de citron et herbes locales. Parfois, quand on en a, un morceau de fromage. Mais rien à voir avec un bon brie ou picodon (soupir...) , le fromage local est surtout très salé et un peu élastique... Puis, en rêve seulement pour Amanda, un expresso bien tassé avec un carré de chocolat noir (re-soupir!).
  • Pause goûter : (qui peut se faire à 10 heures du matin, selon l'état de dégradation des cyclistes)
    pain et... ce qu'on trouve à mettre dessus! Nutella dans les jours fastes, ou bien confiture. Récemment, on a découvert le «manjar», au «dulce di lecte» : de la confiture de lait dont ils raffolent ici. Très sucré, tout doux, pas mauvais.
    Et quand on n'a plus de pain? des crackers! Et quand on n'a plus de crackers? Des galettes de farine cuisinées « maison » la veille au soir!
  • Dîner : 2/3 de casserole de pâtes, avec une délicieuse sauce ail-oignons-tomates, parfois améliorée de quelques oeufs ou de fromage local. Et on n'oublie pas de conserver un peu de sauce pour le lendemain midi! En guise de dessert, un grand bol d'infusion sucrée, voire un chocolat chaud les jours de fête (réserves de lait et chocolat en poudre limitées). On a bien essayé le petit carré de chocolat du soir, mais impossible de trouver du chocolat décent... (re, re soupir...).

Les moments galère

  • Encore et toujours des problèmes avec les plateaux avant... Et beaucoup de temps perdu!
  • Monter des côtes de 12% à 3 km/h en cherchant désespérément un peu d'air à 4500m d'altitude...

  • La même chose, sous l'orage... Déprimant...
  • La déception en découvrant que Colchane est à peine un village.
  • La frustration de ne pouvoir donner de nouvelles.
  • L'histoire des «seconds» carabineros:
     

    Notre accueil chez les carabineros de Chucuyo avait été tel que nous avions hâte de croiser les suivants... d'autant que nos hôtes nous avaient promis qu'ils appelleraient le poste suivant pour signaler notre passage. Arriverons-nous là-bas avant la nuit ?

    On arrête un pick-up pour demander la distance: plus que 10km! Ça devrait être juste, mais faisable. Nous avons donc pédalé toute la journée en espérant atteindre le poste indiqué à la nuit. Mais arrive le soir, et nous pédalons toujours, à vitesse réduite sur cette piste de terre.Effectivement, après 10km, un hameau apparaît: ouf ! On n'y arrive avec les premières étoiles. Mais... Mais... Ce ne sont pas les carabineros!! Ce n'est qu'une maison de terre qui fait aussi mini restaurant! Ah non, les carabineros, c'est plus loin, à 8 km d'ici! ».Aaaaaargh. Il fait trop sombre à présent pour bien voir la piste et ce n'est pas vraiment envisageable de faire encore 8km dans le noir... «Mais il y a des camions vides qui passent ici en direction du salar, ils peuvent vous y emmener». Ah çà, c'est une solution envisageable car, entre dormir dans cet endroit un peu glauque ou chez les carabineros, le choix est facile. On va donc prendre un maté de coca dans une pièce lugubre, servi par une vieille mamita peu avenante. Et on attend... on attend... on pense à prendre un bouillon de poulet pour tromper notre faim, mais on craint que les carabineros, prévenus par nos amis de la veille, ne nous aient compté dans leur repas. Alors on se contente d'un peu de pain.

    Enfin, après environ une heure, un camion s'arrête: le chauffeur est d'accord pour nous emmener! En un tour de main, voilà vélos et sacoches hissés dans sa benne, dans le froid glacial de la nuit. Et c'est parti pour les carabineros de Guallatire! On a bien fait de ne pas tenter de faire le chemin en vélo, car la piste est mauvaise et monte bien... Un moment plus tard, le gentil chauffeur nous dépose, cette fois-ci devant le bon endroit. Nos vélos et sacoches sont couverts d'une poudre blanche collante qui tapissait la benne: du bore, issu de la mine du salar de Surire. Espérons que ça ne soit pas toxique! On se retrouve tout seul dans la nuit venteuse, devant un poste qui a l'air plutôt grand.

    Ici, pas de carabineros en faction, alors nous tapons timidement à la porte. Après une longue attente, un homme vient enfin nous ouvrir: «Buenas noches! Nous sommes un couple de cyclistes, nous avons fait la route depuis Chucuyo aujourd'hui, et les carabineros là-bas nous ont dit que nous pourrions faire halte ici...??». Ça n'a pas l'air d'enthousiasmer notre acolyte: «OK». Mais plutôt que de nous faire entrer, il sort avec nous et nous conduit à un autre bâtiment, où il nous laisse, sans trop d'explications, aux mains d'une jeune femme.

    Celle-ci nous ouvre alors une porte qui donne sur une petite cour: chouette, une maison pour nous? Oh non: «voilà, et il y a des chambres avec salle de bains, à 10 000 pesos par personne, ou sans salle de bains, 5000 par personne seulement». Hein? on ne s'attendait pas vraiment à çà! Même à 5000, ça fait plus de 13€ la nuit pour deux, c'est bien trop cher pour nous... «Heu, vous n'auriez pas un endroit où nous pourrions juste poser notre tente?». La señora hésite, mais on lui explique gentiment qu'on n'a pas les moyens pour une chambre, et elle finit par nous indiquer un emplacement sur un bord de la cour. Pendant ce temps, notre carabinero patibulaire est revenu, et il nous observe monter la tente dans le froid et le noir, sans un mot: quel charmant accueil!

    Une fois la tente installée, nos estomacs crient famine. Amanda, qui a repéré que la pièce voisine est une cuisine, tente le coup: « y aurait-il un endroit où nous pourrions faire la cuisine, même avec notre petit réchaud? ». « Pourquoi faire? » Interroge la femme (devine!). « C'est que nous avons un peu froid et faim...». La femme hésite, mais le carabinero l'interrompt: «Ici, dans la cour, à côté de la tente». Super... Ils nous observent donc une fois de plus en silence monter notre réchaud et commencer à faire bouillir de l'eau...puis, comme c'est un peu long, l'homme prend congé de la jeune femme et s'en va, sans un mot de salut pour nous... Comme le fait remarquer Olivier, nous avons été trop gâtés la veille, alors il faut compenser aujourd'hui! Mais, tout de même, quel plan «galère», nous qui avions tout fait pour rejoindre ce lieu, on aurait mieux fait de se poser au coucher du soleil... Car nous devrions déjà dormir depuis au moins deux heures, et nous sommes encore en train de manger nos pâtes tièdes, sous une tente glaciale...

    On a connu mieux! Enfin, au moins, dans la cour, nous sommes un peu à l'abri du vent... On laisse tout notre matériel dans un coin, et, crevés, on se glisse enfin dans nos duvets... On ne peut pas toujours tomber sur des anges comme la veille...

Les meilleurs moments
  • Quand on a retrouvé du Nutella à Arica ! Les paysages et les volcans enneigés du parc national Lauca.
  • Les premiers carabineros!
  • Les vallées «paradisiaques » pleines de vicuñas, perdues dans les Andes chiliennes.
  • Les sources chaudes rien que pour nous!
  • Le soleil de fin d'après-midi sur le salar de Surire.
  • Les vicuñas qui traversent la route juste devant nous, avec leur allure de gazelles...
  • L'impression d'être au bout du monde, à 4700 m, au milieu des cendres et des volcans, sous le grand ciel bleu... Mais c'est qu'on y est, au bout du monde...
Vive le Chili !

Liste des différentes positions GPS (villes ou bivouacs) de Globicyclette..

date
latitude S (deg min sec)
longitude W (deg min sec)
lieu
5/12
18 26 20.60
70 18 19.83
Bivouac Arica
6/12
18 24 40.97
70 10 33.13
Bivouac Poconchile
7/12
18 26 42.30
69 54 57.41
Bivouac Quilborax
8/12
18 23 40.17
69 38 50.51
Bivouac Pueblo Mallcu
9/12
18 12 36.49
69 30 39.19
Bivouac Termas de Jurasi
10/12
18 13 7.17
69 19 17.23
Carabineros à Chucuyo
11/12
18 29 51.51
69 19 17.23
Carabineros à Guallatiri
12/12
18 48 23.21
69 2 20.31
Bivouac Salar de Surire
13/12
18 54 45.88
68 59 55.30
Sources chaudes
13/12
18 58 1.67
69 2 19.31
Bivouac à 4650m
14/12
19 13 27.74
68 45 31.20
Bivouac Enquelgua avant Colchane
15/12
19 12 27.12
68 33 42.3
Bivouac Pisiga (Bolivie)