Globicyclette en Bolivie 

 

 

 
De montagnes en volcans, nous voilà attaquant, notre troisième pays d’Amérique latine, le septième de notre voyage: la Bolivie! et nous avons été prévenus... la Bolivie, c’est beau, très beau, mais c’est dur!… Qu’allons- nous donc trouver au bout de ces pistes caillouteuses à 4300m d’altitude ?

15-17 décembre 2007: dans les Andes boliviennes

 

Eh bien, à quelques dizaines de kilomètres au sud de la frontière, c'est un nouveau salar qui nous intéresse, le salar de Coipasa. Ce grand vide blanc sur la carte nous attire comme un aimant... mais sur la carte, justement, il n'existe pas de route pour le salar ! Quoique de toutes façons, voilà un moment que l'on ne se fie plus trop à ses indications. Celles des villageois du coin sont bien plus actuelles, si l'on fait abstraction de leur notion surréaliste des distances et des montées.

On s'enfonce donc sur leurs indications dans la pampa bolivienne, sur de petits chemins de terre qui serpentent entre des collines peuplées de vicuñas et d'alpagas.

Malheureusement la terre laisse bien vite place à notre nouvel ennemi, le « sable-qui-fait-planter-les-roues »! redoutable, il nous oblige à pousser fort sur les pédales, puis à pousser... tout court. C'est très frustrant: 200 m de pédalage en zigzag, 200 m de poussage essoufflant, et on recommence... autant dire que même si c'est plat, on n'avance pas bien vite !
Alors on est heureux de voir arriver le seul village du coin, Coipasa, comme le salar. Le vent, venu rejoindre son ami le sable, est tellement violent que l'on hésite à poser notre tente au milieu de ces étendues plates... Hésitations résolues par la jeune infirmière du «Centro de Salud » (centre de santé) du village qui nous a vus arriver et nous offre cordialement l'hospitalité dans son ho(s)pital ! Elle ne doit pas recevoir beaucoup de visites dans ce coin perdu, et semble ravie d'être tombée sur un confrère. Nous passerons donc la nuit dans les lits des patients, bien au chaud à l'abri du vent.
Et le lendemain, le vent a disparu, le ciel affiche grand beau : un temps idéal pour pédaler sur le salar! On dit un grand merci à Lourdes, l’infirmière, à qui on laisse notre surplus de sparadraps et pansements. Et on se dirige vers le grand lac blanc qui nous attend juste à la sortie du village.
Au salar de Surire, les berges étaient recouvertes d’eau, ce qui ne nous permettait pas de pédaler sur le lac… il avait justement plus l’air d’un lac que d’un salar.

Mais ici, çà y est, nous pédalons sur le sel! L'impression est fabuleuse. Devant nous s’étendent 50 km de désert plat et blanc, et nous filons à 20km/h dans le crissement du sel sous nos pneus.

Le monde se réduit au bleu du ciel et au blanc du salar, et prend sa troisième dimension. Les distances n'existent plus, car en l'absence de repères le paysage reste identique malgré notre progression rapide. On se croirait dans un de ces jeux vidéo où le terrain défile alors que l'horizon ne change jamais. C'est qu'on perdrait le sens du réel ici! Mais pas assez pour nous empêcher de prendre des centaines de photos, sur fond bleu et blanc. On se filme en train de pédaler dans tous les sens, on se tartine de crème solaire sous nos cheichs, on s’arrête tous les 200m pour prendre encore une photo (identique aux dix précédentes!), on vérifie notre compteur pour être bien sûr que si, on avance, bref, nous sommes heureux, exaltés par cette immensité éblouissante et monotone, par ce dépaysement unique au monde. On est dans l'univers blanc de Matrix! ou plutôt simplement plongé dans notre rêve de voyageurs : le salar, à vélo...

On s'offre le pique-nique le plus plat du monde, salé avec... le sel sous nos pieds! puis on reprend notre pédalage dans la monotonie blanche.

Mais... pas si monotone que çà ! car enfin d'après-midi, nous arrivons sur une zone inondée du salar: nous voici pédalant dans 5 cm d'eau. Et là... l'une des plus belles visions de notre voyage... le ciel se reflète totalement dans cette eau que pas un souffle ne ride, et dans ce miroir, nous pédalons dans les nuages... Le sol a disparu, et le ciel sous nos roues nous emplit de vertige. C'est indescriptible. Et c'est magnifique. Le soleil du soir colore les nuages en jaune et en orange et c'est tout notre univers qui s'embrasse. On pédale en rond, ivres de tout cet espace devant, sur, sous nos roues...l'un des plus beaux moments de notre voyage !
Bon, tout bonheur a une fin, et le prix à payer pour le nôtre, c'est deux kilomètres de poussage dans la boue puis dans le sable pour retrouver une piste décente. Mais çà valait le coup !

Les jours suivants, nous évoluons dans un paysage de sable et de buissons épineux ou entre des cultures de quinoa, en direction du prochain « aimant à vélos », le salar d'Uyuni.
Nous passerons deux heures dans un village perdu à rincer nos vélos du sel qui s'y est accroché, à l'eau du puits, et sous le regard éberlué des quelques villageois qui résistent encore et toujours à l'exode rural : nous avons vraiment l'impression de passer pour des extraterrestres ! Mais les extraterrestres ont droit à une soupe au quinoa offerte par la mamita du coin... Vivent les petits villages perdus !

18-23 décembre : Uyuni... son salar... et ses orages

 

De pistes sableuses en montées caillouteuses, nous progressons vers Salinas de Garci Mendoza, dernier gros village avant le salar d'Uyuni. On a même la surprise d'y trouver un minuscule office de tourisme, impensable dans cette région isolée de Bolivie! En revanche, l'Office est tenu par le jardinier, et ses informations s'avéreront plus qu'inexactes. Nous décidons ainsi de le pendre haut et court quand nous découvrons que la route « todo plano » qu'il nous a conseillée est en fait un cocktail redoutable de sable, de boue (tiens ! un nouvel ennemi ! les vélos s'y enlisent encore plus, et là, çà colle!), et d'affreuses montées pierreuses où nous devrons pousser les bécanes jusqu'à ce qu'essoufflement s'ensuive... Sus aux faux guides touristiques boliviens !
Mais nos plaintes amères s'arrêtent nettes quand on découvre enfin le but du périple : LE SALAR!
Ici pas de route, ni de traces à suivre. Nous nous lançons donc un peu au hasard, dans la direction, indiquée par le mari de la mamita, d’une île située au centre du salar, l’île Inca Huasi. Pour le moment, l'île, à 40 km de la côte, est trop basse pour être visible. Bien entendu, elle n'est pas sur notre carte, ni sur le GPS d'ailleurs. Alors on pédale en attendant que mademoiselle veuille bien montrer son nez.

Mais... mais... on pédale... sur le salar d'Uyuni !!!! Nous avions à peine réalisé, tout à nos préoccupations d'orientation ! LE SALAR dont les photos ont alimenté nos rêves de voyage. Une en particulier, celle de Claude et Françoise Hervé, nos « inspirateurs », en vélo sur le salar avec leur petite fille, Manon. Une photo qui nous a fait rêver, une photo de livre, comme de ces pays lointains où l'on pense ne jamais aller... Eh bien, nous y sommes ! sur le salar d'Uyuni ! C'est un vrai rêve d'Olivier qui se réalise... Et nous y croyons à peine.

Devant nous, des centaines de kilomètres de sel où sont passés tous nos héros cyclistes inspirateurs. Mais il ne reste rien de leurs traces, effacées en quelques heures ou jours par la pluie et le vent. Et nous avons l'impression de traverser un territoire vierge, impression renforcée par la pureté du blanc sur lequel nous roulons. C’est vrai, nous avons déjà épuisé notre enthousiasme sur le salar de Coipasa qui garde une place privilégiée dans nos souvenirs. Mais les deux ne sont pas si identiques. Le salar d'Uyuni frappe par son immensité : les volcans qui le bordent se perdent dans l'horizon, voire disparaissent pour ne laisser qu'une ligne blanche qui part à l'infini. Et la surface est différente aussi: les voici enfin, ces mystérieuses figures polygonales marquées par des crêtes de sel! Elles aussi s'étendent à l'infini, et offrent un paysage presque surréaliste quand le soleil rasant les ourle d'ombre et de lumière. Que c’est beau!

Bien vite on réalise que nous n’arriverons pas à l’île avant la nuit : on décide donc de se poser là où nous sommes pour profiter du coucher du soleil sur le salar... et quelles couleurs ! Notre tente est seule au monde, verte au milieu de tout ce blanc...

blanc ? mais non ! le soleil couchant repeint le sel en rose et en orange, en bordant de violet les crêtes hexagonales du sel. C'est fabuleux ! C'est un décor irréel qui nous donne l'impression d'être dans un rêve de voyageur. Bien sûr, on prend photo sur photo, et l'on absorbe de tous nos yeux ce paysage unique. La tente, pas facile de la planter : les sardines ne pourront jamais percer ce sel impénétrable ! Mais Olivier n'est jamais à court de ressources : pas de sardines ? Pas de grosses pierres pour remplacer les sardines ? Mais... Il reste deux vélos ! Et voilà notre tente solidement arrimée à Philéas et Heidi, presque aussi résistante au vent qu'avec des sardines bien plantées ! Merci les vélos !

Brr, une fois le soleil disparu, ça se refroidit vite par ici. On rentre en vitesse sous la tente pour cuisiner, pendant que la nuit tombe. Jusqu'ici, histoire banale.

Mais... les nuages qui ornaient si parfaitement le ciel au coucher du soleil ne se sont pas couchés, eux... au contraire, ils ont gonflé en gros cumulus orageux, et on entend au loin gronder le tonnerre : il y a un sacré orage sur la côte ! Pourvu que... ouh là... le vent souffle exactement dans le mauvais sens, et ramène peu à peu l'orage de notre côté ! On surveille avec angoisse le rapprochement des éclairs : sur cette immense surface plane, notre tente et nos vélos sont de véritables aimants ! Et l'orage se rapproche vraiment dangereusement : il va falloir tenter quelque chose. Olivier sort coucher les vélos. Mais l'armature métallique de la tente reste bien haute. On commence à s'inquiéter sérieusement, alors que les éclairs nous entourent. Impossible de rester là à attendre la foudre. Au dernier moment, on attrape le duvet et les sièges de vélos, et on court à une cinquantaine de mètres de la tente, dans les bourrasques de vent d'orage. Là, on s'allonge sur le sel, emmitouflés dans le duvet, et on se fait tout petits, tout plats... on n'en mène pas large. On a même plutôt peur, et on lance une prière vers le ciel : pas ce soir, épargnez-nous, épargnez la tente! Et nous voilà au milieu de l'orage. Le vent devient bourrasque violente, et la pluie s'abat sur nous. La pluie, puis la grêle. En quelques minutes, l'eau traverse le duvet, et nous nous retrouvons allongés dans une flaque glaciale de 3 cm d'eau salée. On tient le coup... pourvu que la foudre... et puis au bout de 10 minutes, la pluie cesse brutalement, le vent se calme un peu: çà y est ! l'orage est passé ! On attend encore un petit moment allongés dans notre mare, en comptant les intervalles entre éclairs et tonnerre. L'orage s'éloigne doucement. Ouf... on respire...

On retourne en courant à la tente, en portant notre duvet détrempé. Oh là... la tente a une drôle d'allure ! Elle est tout affaissée sur un côté : elle n'a pas résisté au vent ! Une exploration rapide révèle qu'un arceau s'est brisé net, déchirant la toile de tente sur 20 cm. Zut!

On parvient à réparer rapidement l'arceau en glissant les deux parties brisées dans un tube métallique de diamètre très légèrement supérieur. La déchirure, ça attendra demain ! Quels sont les autres dégâts ? La tente trône elle aussi au milieu de 3 cm d'eau salée... on éponge comme on peut, en espérant que le salar absorbe vite l'eau dont il est recouvert. Reste le duvet, pas totalement détrempé mais tout de même très humide : on ne peut pas vraiment y dormir en l'état... Heureusement, le vent est toujours très fort : profitons-en, et passons au programme « séchage » : on va rester une bonne demi-heure debout dans la nuit, face au vent, à tenir à bout de bras le duvet mouillé... et çà sèche ! Il n'y a pas la chaleur parfumée du sèche-linge, mais le vent est bien efficace. Il a aussi séché un peu nos pantalons détrempés, ce qui nous permet de ne pas rentrer dégoulinants dans la tente. Bon, le bilan n'est pas si catastrophique, et nous remercions le ciel de n'avoir à déplorer que de l'eau salée...
Le lendemain, le salar brille comme si de rien n'était, tout sec sous le ciel bleu. Et nous, on recoud et on brosse comme on peut le sel de la tente, mais celle-ci, les draps, et tous nos habits sont transformés en véritables cartons: on aurait besoin d'un bon rinçage mais çà attendra Uyuni!

Pour le moment, on file vers l'île Inca Huasi qui apparaît peu à peu sur l'horizon : avec la distance et les réflexions de la lumière sur le sol, elle prend la forme d'une soucoupe volante flottant dans le ciel matinal: nous pédalons en plein tableau futuriste! Avec nos 20 km/h de vitesse (pédalage soutenu tout de même), la soucoupe devient progressivement un champignon géant, puis une véritable île.

Étrange tout de même, une « île » sans eau autour ! On y refait le plein en eau douce, mais on ne s'attarde pas: l'endroit, charmant avec sa forêt de cactus géants, constitue l'arrêt pique-nique de tous les 4x4 de touristes qui sillonnent le salar... fuyons ! en direction de la ville d'Uyuni, cette fois.

Mais elle est encore loin et la nuit qui tombe nous impose un second bivouac sur le salar. Un peu anxieux, nous scrutons le ciel à l'affût de potentiels nuages d'orage, mais ce soir nous serons plus tranquilles... si l'on excepte le vent !
Après ces aventures salées, nous avons bien besoin d'un passage par la case « ville-avec-douche-pour-vélos-et-nous ». Uyuni arrive à point! Les vélos ont droit à toute une matinée de brossage (sacoches comprises) et nous nous offrons le luxe d'un hôtel pour routards. Puis nous pouvons enfin envahir le cybercafé du coin pour de longues heures de réponses aux mails et mise à jour du site Web: voilà longtemps (depuis Putre, au Chili !) que nous n'avions pas pu donner de nouvelles !...

Une fois ces premières nécessités accomplies, nous pouvons nous concentrer sur notre prochaine mission : gagner la région du sud Lipez pour Noël. Pas évident, sachant que nous sommes déjà... le 23 décembre !

Nous décidons donc de prendre un bus de nuit pour sortir de la ville, ce qui nous évite deux jours de pédalage peu intéressant, au milieu de plaines buissonneuses. Une fois de plus, prendre le bus se révèle une affaire d'état : impossible de savoir si le bus en question passe ou non par notre destination, çà dépend des jours et de l'état des routes, il faudra demander au chauffeur ! Oui, mais comment savoir si on achète les billets, alors ? de plus, nos vélos font hyperventiler la guichetière: « Ah non, ah non, çà, ce n'est pas possible, ils sont beaucoup trop gros ! ». Il nous faudra user de tout notre charme pour la convaincre qu'ils rentreront dans le bus, une fois toutes les sacoches enlevées (démontage de sacoches à l'appui). Bref, nous y passons de longues heures, mais au final, nous voilà munis de nos billets... et après une nuit de froid et de cahots, nous nous retrouvons enfin au pied des volcans : à nous le Sud Lipez !

 

24 décembre 2007 – 1er janvier 2008 : Noël au Sud Lipez

 

Et Noël au Sud Lipez, ça commence plutôt bien : grand ciel bleu, air frais qui nous réveille un peu, et une piste pas trop mauvaise qui monte en pente douce : que demander de plus ? Rien, mais, malheureusement, on va avoir plus et même bien trop... de vent ! Bon, le vent, on connaît déjà un peu, voire bien, et on a appris à faire avec... mais là, c'est le vent du sud Lipez. On nous avait prévenus. Mais même prévenus... Un vent violent, hurlant, tout en bourrasques et en rafales, qui se précipite dans nos vélos avec une force inouïe et déstabilise nos 70 kilos de monture. Un vent qui crie, qui rage et qui soulève des tourbillons immenses de poussières et de sable pour nous les jeter en pleine face. Il va falloir serrer les dents...

Sur les conseils du cantonnier d'Alota, nous quittons la piste principale dans l'après-midi pour bifurquer à 90° sur une piste creusée par les roues des 4x4. Grosse erreur ! Au début, soulagement de ne plus avoir le vent que de côté ou de 3/4.

Mais on déchante vite, car la caillasse et le sable nous ralentissent à 4 km/h, et le vent siffle toujours à nos oreilles avec un bruit qui rend fou. On pense à nos familles qui doivent être en plein réveillon vu le décalage horaire. Mais nous, là, ce n’est pas vraiment « foie gras - champagne » !

La piste tourne, le vent revient de face, et là, plus moyen de tenir en équilibre sur les vélos. On pédale, on chute, on pousse... On pédale, on chute, on pousse et l'après-midi se termine... après une énième petite chute: Amanda craque. Elle ne voyait pas vraiment son réveillon comme ça... la fatigue de la nuit blanche, le vent trop brutal, et surtout, les milliers de kilomètres qui la séparent de ceux qu'elle aime, de « la maison », ça fait trop. Elle s'effondre, en larmes, piteusement assise sur le sable. Mais heureusement, « ceux qu'elle aime » ne sont pas tous à l'autre bout du monde. Et « celui qu'elle aime » a justement trouvé un petit coin de bivouac. Rien de grandiose ou de très confortable, mais un grand rocher qui protège du vent. Et voyant sa belle à terre, il vient la relever... et relever en même temps son moral déconfit : les efforts, c'est fini pour aujourd'hui, c'est l'heure du réveillon aux pâtes, et on va mettre des guirlandes dans la tente ! Et après tout, à nous deux, on est déjà une famille, non ?

Alors on se réfugie vite dans notre petit abri bien confortable, et on se mitonne un petit repas de fête sous les guirlandes, la mini- crèche de Père Jean-Louis exposée sur nos chaussettes, dans un coin de la tente. On a chacun acheté en douce du chocolat pour l'autre, et Olivier a même déniché des desserts en poudre : gelée de fraise et... crème chantilly !

Sans parler de notre champagne à nous, de grands bols de chocolat chaud bien sucré... carrément meilleur que les bulles ! Devant ce festin, le moral est remonté en flèche, et l’on savoure ce réveillon du bout du monde: Joyeux Noël à tous !

Malheureusement, cette première journée dans le Sud Lipez n'était qu'un début: nous allons constamment nous battre avec le vent et les mauvaises pistes au cours des jours suivants. Parfois même, pousser les vélos devient un challenge !

Et nous ne sommes pas au bout de nos peines... Un matin, nous croisons un 4x4 à qui nous demandons un peu d'eau, denrée rare en cette région. Le chauffeur nous questionne sur notre itinéraire: « Comment ? Vous voulez rejoindre la piste principale ? mais il faut franchir ces collines là devant, et ça monte dur ! Passez plutôt par la laguna Khara, plus à l'est : ça fait un détour, mais ça monte moins, et la laguna est vraiment belle, avec des centaines de flamands... La piste ? pas moins bonne que celle-ci, et tout à fait praticable à vélo ! ».

Alors, c'est parti pour la Laguna Khara ! Mais au fil de notre progression, nous découvrons que le chauffeur n'a aucune idée de ce que « praticable à vélo » veut dire. Et nous nous retrouvons au milieu d'immenses dunes de sable, sur une piste qui n'est qu'une série de gros sillons laissés par les 4x4 dans un demi-mètre de sable mou. L'enfer du cycliste ! Nous pousserons pendant plusieurs heures, même en descente, sans dépasser les 4km/h, et nous n'arriverons au lac qu'à la nuit tombée : une nuit glaciale, d'ailleurs, où le thermomètre descendra à -15° C !

Heureusement,le soleil est là de bon matin qui dégèle doucement l'eau glacée de nos gourdes. Sous sa lumière, la laguna Khara est vraiment belle avec des étendues blanches de sel et des colonies de flamands agrégées contre le froid.

A présent, il nous faut contourner le lac pour regagner la piste principale, à une quinzaine de kilomètres derrière ces montagnes, là, au loin. Mais, mais... où est passée la piste ? Les gros sillons des 4x4 se poursuivent, mais vers le sud, alors que nous, nous allons vers l'ouest ! Bon, la carte comme le GPS indiquent pourtant que nous nous trouvons dans le bon sens: alors, nous allons suivre la direction indiquée par le GPS, on finira bien par la retrouver... Mais c'est oublier ce satané sable, qui nous force à pousser difficilement nos lourds vélos sans dépasser les 3 km/h, voire 2, car à présent çà monte !

En milieu de matinée, on commence à s'inquiéter : toujours aucune trace de la piste promise ! Et la pente se fait plus raide ; il devient impossible de hisser vélos plus bagages tout seul. Il nous faut donc pousser chaque vélo à deux, l'un après l'autre, 100 m par 100 m. Après plusieurs heures exténuantes, nous avons fait à peine 3 km. Et notre inquiétude se mue en certitude angoissée : il n'y a vraiment pas de route et il n'y en aura probablement pas avant le retour à la piste principale, dans 10 km et au-delà de ces montagnes. Mais à notre vitesse et malgré nos efforts, il nous faudra au moins deux autres jours pour y parvenir... et nous n'avons de l'eau que pour un jour ! Dans ce recoin perdu, loin de toute route, la probabilité de croiser un 4x4 est nulle. Inutile de préciser que le téléphone ne capte pas ! Bref, la situation n'est pas fameuse...

Mais on refuse à se laisser aller à la panique. De toutes façons, nous n'avons pas d'autre choix, alors nous allons pousser ou plutôt hisser nos vélos, pas à pas, et économiser l'eau. Si seulement il n'y avait pas ce vent de face violent qui hurle à nos oreilles... Mais non, nous avons droit à « la totale » et heureusement que le soleil, au moins, est présent ! Pour ne pas désespérer, on s'encourage mutuellement... On pousse un vélo sur 100 m, puis on revient, main dans la main, en reprenant notre souffle. C'est qu'on est à plus de 4300 m ! Quand la pente augmente encore, il nous faut enlever les sacoches. On fait alors quatre allers-retours à chaque progression... inutile de dire qu'on avance à pas d'escargots paralytiques. Mais c'est un danger public, le guide qui nous a conseillé cet itinéraire ! «no problemo con las bicicletas», tu parles ! ASSASSIN !

Il nous faudra deux jours d'efforts exténuants pour parvenir enfin au sommet de ces montagnes de sable : 4820 m, nous sommes plus haut que le Mont-Blanc ! Dire que nous venons de battre notre record absolu... en poussant nos vélos ! Malgré la fatigue et notre moral angoissé (plus que 4 l d'eau...), nous faisons une vidéo commémorative et prenons quelques photos.

Nous savons que le paysage est absolument fabuleux mais nous ne parvenons pas à en profiter. Les photos le feront pour nous !

La descente qui suit est plus facile, mais il nous faut tout de même continuer à pousser, car vent et sable freinent totalement les vélos. Et à la tombée de la nuit, enfin, nous rejoignons la piste tant attendue. Exténués, nous montons en vitesse la tente dans le vent et le froid glacial (-17° C cette nuit!). Et il ne nous reste plus qu'un demi-litre d'eau ...

Mais le lendemain matin, alors qu'Olivier pense très sérieusement à filtrer ses urines qu'il a conservées dans une bouteille, notre salut apparaît : la poussière d'un 4x4 à l'horizon !
Amanda part en courant en direction de son passage, 600 m plus loin, en agitant les bras. Et ouf, la voiture s'arrête ! Et lui remplit les bras de 4 l d'eau. Pendant ce temps, un autre passe à proximité de la tente : 2 l de plus pour Olivier, nous sommes sauvés de la soif !

Et le moral remonte en flèche alors que nous pédalons en direction de la prochaine merveille à voir, l'arbol de piedra (arbre de pierre), en rebondissant sur la terrible tôle ondulée (mais après ces deux jours, la tôle ondulée est le dernier de nos soucis).

L'arbol de piedra est un rocher connu dans toute la région, pour sa forme d'arbre et sa situation solitaire au milieu du désert. En effet, il forme un décor un peu irréel dans un bien joli cadre pour s'y photographier avec nos vélos.

Mais nous ne sommes pas au bout de nos soucis : alors que nous discutons avec les occupants de 4x4 qui eux aussi, se sont arrêtés pour des photos, on va nous voler notre appareil photo, laissé sous un rocher! Incroyable : un vol, ici, en plein désert ! mais il faut se rendre à l'évidence : un autre 4x4 s'est arrêté juste à côté du rocher et est reparti étrangement vite... Au voleur ! Mais que faire, avec nos vélos ? Furieux et totalement déprimés par cette perte, nous poussons nos vélos, impuissants, à 3 km/h dans le sable, à la «poursuite » des voleurs... (Ceux-ci, rejoints avant nous par l'autre 4x4, nieront tout, bien entendu...).

Inutile de dire que l'ambiance n'est pas gaie. Aussi quand un 4x4 s'arrête un peu devant nous, on soupire : aucune envie de répondre une fois de plus aux mêmes questions et de dire qu'on se régale sur nos vélos alors que là, c'est loin d'être le cas... Mais nous nous trompons : ce ne sont pas des curieux... ce sont des anges ! ces bons vieux anges gardiens qui viennent à notre secours quand rien ne va plus...

« Çà alors ! des Français ! salut les jeunes, génial vos vélos, comment çà va ? ». Çà, c'est Michel, la cinquantaine joyeuse, qui sort du 4x4 et s'avance vers nous. Rien qu'à entendre son accent du Sud-Ouest, çà va déjà mieux.

Et çà va encore mieux quand, rejoints par Chantal, sa compagne, il nous propose de nous prendre en stop jusqu'au refuge de la prochaine « merveille » du sud Lipez, la « Laguna Colorada » : exactement ce dont nous rêvions ! Nous passerons donc la soirée au chaud, à l'abri du vent, et en excellente compagnie : de quoi nous refabriquer un moral d'acier !

Le lendemain, nous visitons avec eux d'incroyables geysers à presque 5000 m, qui dépassent même en splendeur ceux d'Islande et nous plongent dans un paysage irréel. Mais malgré le confort et la vitesse du 4x4, nous sommes frustrés de ne pas pédaler au milieu de ces paysages. Nous décidons donc de remonter sur nos vélos, même si de nouveaux poussages nous attendent sûrement au détour du prochain virage. Mais, merci, Michel et Chantal, pour cet intermède confortable qui est tombé à pic !

Et l'on retrouve bien sûr, le cocktail féroce sable plus vent, et les poussages tous les 500 m. Mais nos efforts (qu'est-ce qui nous a pris d'abandonner le 4x4 ???) sont récompensés par un paysage incroyable. On traverse une région sableuse nommée « las piedras de Dali ». Et effectivement, nous sommes « dans » un tableau, et un tableau «Daliesque », surréaliste et fabuleux. Des dunes de sable doré ocre, des pierres grises surgies de nulle part, aux formes étranges, et des montagnes multicolores au fond. Pas de montres fondues, mais deux vélos bizarres, pour ajouter une note d'excentricité à ce chef-d’œuvre. On savoure...

Et pour le dernier jour de l'année, nous parvenons, justement à la dernière merveille de notre parcours : la célèbre « Laguna Verde », aux eaux vert turquoise... décidément, entre ces lacs multicolores et ses montagnes en dégradé jaune ocre, le sud Lipez à l'art des couleurs incroyables... Au réveillon du jour de l'an, cette fois-ci, nous serons en compagnie !

Nous le passons au refuge primitif de la Laguna Verde, où nous nous offrons un repas cuisiné par la matrone : riz, alpaca, maté. Ce n'est pas encore exactement du canard au foie gras, mais nous, çà nous va très bien ! et surtout, nous le partageons avec trois jeunes "backpackers" de passage, dont un Français, Denis, avec qui nous allons papoter toute la soirée. Lui, il fait aussi le tour du monde, avec sa copine, mais en « sac à dos »: (www.voirplusloin.fr). Mais il avoue que le vélo, çà le tenterait bien aussi... Bref, un réveillon au chaud, bien gai, que nous terminerons par notre champagne à nous : un chocolat chaud en amoureux, très bonne année 2008 à tous !

2008, pour nous, çà commence par un nouveau changement... de pays. Car la Laguna Verde était la dernière étape de nos aventures au Sud Lipez, et la frontière Bolivie-Chili n'est qu'à une vingtaine de kilomètres. Mais le Chili n'est qu'une brève étape ; en effet notre itinéraire, d'ici quelques jours, va nous amener à quelques dizaines de kilomètres plus à l'ouest, en Argentine. Notre huitième pays ! Quelles nouveautés nous réserve-t-il ? Pourra-t-on y trouver la chaleur et le confort dont nous aurions bien besoin après ces journées difficiles ? Qu'allons-nous découvrir en quittant les Andes que nous arpentons dans tous les sens depuis près de trois mois ? Et la célèbre viande argentine sera-t-elle à la hauteur de sa réputation ? Suite... au prochain épisode !

Les petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

Soyons francs : autant la Bolivie brille par ses paysages irréels et magiques, autant sa gastronomie n'est pas son point fort. Bon, il est vrai que nous avons traversé les régions les plus arides, pauvres et désertes du pays. Ainsi nous ne gardons que peu de souvenirs de nos découvertes culinaires boliviennes !
Citons tout de même :

  • le prix souvent faible de la nourriture : nous y avons notamment refait nos provisions d'épices : cannelle, vanille, et des herbes d'origine inconnue, aux parfums agréables qui remplaceront notre réserve épuisée d'herbes de Provence.
  • à Uyuni, les stands qui fleurissent dans les rues à la tombée de la nuit et proposent, pour 0,25 €, des hamburgers-frites, faits maison. On préfère ne pas savoir d'où provient la viande, mais c'est bon, chaud, et personne n'a été malade !
  • la soupe de quinoa préparée par les mamitas. Ici, le quinoa est à peu près la seule plante qui se cultive, et on en trouve partout. Mais quand nous essayons d'en cuisiner, sans recette bien entendu (« on n'a qu'à faire comme pour des pâtes ! »), horreur ! Le quinoa gonfle, prend en masse et donne une bouillasse épaisse, fade et indigeste. Même les chiens du village n'en ont pas voulu ! En revanche, les mamitas ont le savoir de la cuisson et leurs soupes sont délicieuses. On a même gouté à un « refresco » (boisson fraîche) à base de quinoa (provenance « mamita » lui aussi), blanc, épais et frais qui nous a bien plu...
  • l'infusion à l'eau des pâtes ! Le manque d'eau rend inventif... Nous avons donc tenté de récupérer l'eau de cuisson des pâtes pour en faire notre infusion du soir. Et çà passe plutôt bien ! Il faut penser à ne pas saler l'eau, bien sûr, et ajouter beaucoup de sucre...

Les moments galère

  • la sortie du salar de Coipasa : 5 km à pousser dans 10 cm de boue glissante... On aurait dû mieux viser la route !
  • l'orage sur le salar d'Uyuni : la plus belle frayeur de notre voyage...
  • trouver un bus pour sortir d'Uyuni
  • le vent du sud Lipez...
  • le sable du sud Lipez...
  • le froid du sud Lipez...
  • la caillasse des pistes du sud Lipez
  • les mésaventures de la Laguna Khara, élue plus grande « galère » de notre voyage !
  • le vol de notre appareil photo
  • les milliers de kilomètres qui nous ont séparés de nos proches pendant les fêtes...

Les meilleurs moments

  • l'impression de rouler dans le ciel sur le salar de Coipasa : élu meilleur moment du voyage !
  • Le salar d'Uyuni
  • la soirée de Noël en amoureux au bout du monde
  • le réveillon du 31 à la Laguna Verde
  • les paysages incroyablement fabuleux du sud Lipez
  • la rencontre de Chantal et Michel et les moments passés ensemble qui nous ont fait oublier nos soucis.
  • le matin du 1er janvier, sous un grand soleil sans vent (!!), devant la Laguna Verde...

La Bolivie, ce fut pour nous le pays des extrêmes : extrêmes galères, fabuleux moments... ... sans rancune, Monsieur le Sud Lipez !

 

Liste des différentes positions GPS (villes ou bivouacs) de Globicyclette en Bolivie...

date
latitude S (deg min sec)
longitude W (deg min sec)
lieu
15/12
19 12 27.12
68 33 42.3
Bivouac Pisiga (Bolivie)
16/12
19 16 30.71
68 16 42.99
Casa à Coipasa
17/12
19 31 55.76
67 59 31.02
Bivouac de l'autre côté du Salar
18/12
19 43 47.73
67 38 19.86
Bivouac Jirira
19/12
pas de relevé!
Bivouac sur le salar sous l'orage!
20/12
20 14 23.81
67 37 39.54
Ile Inca Huasi
20/12
20 18 45.16
67 10 39.15
Bivouac sur le salar
21/12
20 18 7.56
66 56 3.55
Colchani
22/12
20 27 56.61
66 49 35.66
Hotel Uyuni
24/12
21 30 15.32
67 51 35.17
Bivouac Noël
25/12
21 37 3.44
67 53 28.58
Bivouac du "vent"
26/12
21 52 39.05
67 51 6.22
Bivouac Laguna Khara
27/12
21 55 1.75
67 54 49.45
Bivouac Jo
28/12
21 57 12.34
67 58 0.29
Bivouac Ro
29/12
22 15 54.31
67 48 58.03
Refugi Laguna Colorada
30/12
22 38 9.55
67 42 21.85
Bivouac Pe
31/12
22 49 19.18
67 47 1.45
Refugi Laguna Verde