Globicyclette en Argentine 

 

 

 

 

Amis voyageurs, nous voici avec vous au pays des gauchos, du tango et du "che" : bienvenue en Argentine !

Nos éprouvantes aventures en Bolivie nous ont laissés légèrement hagards et un peu usés sur les bords, à la sortie de la frontière... après le sud Lipez. Est-ce que nous allons encore trouver de quoi nous surprendre ? de quoi nous résister ? sans aucun doute !...


2-10 janvier 2008 : l'Argentine, le repos des guerriers...

 

Le poste-frontière bolivien est à l'image de nos journées dans le Sud Lipez : perdu au milieu de nulle part, perché à 4500 m, au sommet d'une colline de scories ocre, et harcelé par un vent déchaîné qui a effiloché la moitié du drapeau national et hurle sans fin à nos oreilles... En fait, c'est au Chili que nous débarquons ! à notre droite, une grande descente vers San Pedro de Atacama, grande ville chilienne au pied des Andes. À notre gauche, ça monte vers l'Argentine... Alors, à gauche toute !
Et là, la route nous offre son premier cadeau : là, à quelques mètres, mais, c'est... du bitume !! Eh oui, enfin ! après presque un mois de pistes et de caillasses, revoici finalement du bon vieil asphalte, cette jolie bande grise et surtout, lisse que nous avons appris à vénérer. Nous retenons notre souffle pour le passage tant attendu… aaaah ! quel délice ! ça roule !!! vive le goudron ! vive le Chili et ses routes modernes !
Mais... il semble que nos vélos ont eux aussi repéré que les conditions s'améliorent car après seulement quelques kilomètres de pédalage euphorique, Philéas nous fait un breakdown... et de sales bruits sortent de son dérailleur arrière... il s'était bravement retenu jusqu'ici, mais là, il ne peut plus et nous découvrons alors que ses pignons sont dans un état déplorable : largement désolidarisés, ils bougent les uns par rapport aux autres.
Très mauvais, ça ! pas moyen de continuer à rouler sans tout bousiller et le prochain village se trouve à près de 150 km ! Nous n'avons pas le choix, il va nous falloir faire du stop... zut ! alors que nous venons à peine de retrouver une route roulable et qui va descendre en plus !
On se pose donc en bord de route, vélos en berne. Mais les gros 4x4 et les camions passent sans même un regard... Et vu la faible fréquence du trafic, on craint d'être condamné à passer la journée sur place...

Mais, non! Nous sommes dépannés par... une minuscule camionnette, à peine plus grosse qu'une kangoo, conduite par un couple hispano-argentin de notre âge. Quand ils s'arrêtent, on leur dit de ne pas s'embêter, car nos vélos ne rentreront jamais dans leur véhicule. Mais ils refusent tout bonnement de nous abandonner comme ça et sortent un matelas de leur fourgonnette : les vélos iront là-dessus et sur le toit!

Aussitôt dit, aussitôt fait, et nous entassons le reste des bagages à l'arrière. Amanda y complète le chargement, elle aussi sur un second matelas, et Olivier se serre à l'avant avec nos nouveaux anges du voyage, Ruth et Pablo. Et ils vont nous emmener bien loin, jusqu'à la petite ville de Jujuy, en Argentine. Le voyage dure toute la journée et Amanda, exténuée par les exploits des jours précédents, va dormir de 10 heures à 18 heures ! Elle en avait bien besoin... Malgré l'absence de tampon d'entrée au Chili, le passage de la frontière se fait sans encombre. Nous sommes juste terriblement frustrés : voilà que l'on redescend les milliers de mètres que l'on avait eu tant de mal à gravir, le tout dans des paysages magnifiques sur un asphalte parfait, mais... en voiture ! quelle hérésie! et quel gâchis, toutes ces belles descentes où nous nous serions régalés... Mais ne nous plaignons pas, car nous sommes bien chanceux d'avoir trouvé des conducteurs... qui nous laissent donc à l'entrée de Jujuy.
Et là, nouveau défi pour Globicyclette : le soir tombe à toute vitesse et nous nous trouvons en pleine agglomération, où allons-nous donc poser notre tente ?
Nous tentons notre chance auprès des carabineros argentins, mais c'est non. Alors que l'obscurité s'installe, il ne nous reste plus guère le choix : nous allons devoir quémander un bout de jardin.

Mais la tâche n'est pas si difficile : la première maison à laquelle nous osons nous présenter sera la bonne ! On tombe sur une famille avec deux enfants qui ont l'air ravi de nous voir monter la tente sur leur pelouse. La maman nous donne même accès au robinet du jardin et aux toilettes : chouette !
On fait notre popote en discutant avec les enfants, et Millie, la petite-fille, décore notre tente avec un grand autocollant « Barbie »... qui est toujours en place à l'heure qu'il est ! Olivier aura la joie de passer toutes ses nuits à venir avec trois Barbies... Vive le retour à la civilisation !

Effectivement, en une journée, nous sommes passés des déserts arides de la Bolivie à une Argentine qui nous rappelle très fortement l'Europe. Depuis notre passage à Madrid, nous n'avions jamais retrouvé complètement ce sentiment de « retour à la maison ». Quel dépaysement, en fait ! Ici, le niveau de vie moyen n'a plus rien à voir avec le Pérou ou la Bolivie, mais est semblable à celui d'une ville française. Même les gens sont physiquement plus « européens ».

Et en ville, nous découvrons une véritable caverne d'Ali Baba gastronomique : des traiteurs pullulent à tous les coins de rue, et propose des empanadas à se damner, des pâtes fraîches, et même des quiches fabuleuses! à des prix qui feraient hurler un commerçant français... Même chose ... avec les boulangeries! du pain quasiment identique à la baguette, et surtout, les « facturas » : des petites viennoiseries vendues par 12, des croissants, des chaussons aux pommes, tout ! incroyable... On dévore bien plus que nécessaire et on a envie de tout acheter.
Après un Noël aux pâtes, nous n'osions même plus espérer de tels délices...
Mais ce n'est pas la fin des bonnes nouvelles : de retour des courses, nous découvrons que le voisin de nos hôtes est un passionné de vélo, doublé d'un homme d'une extrême générosité. Apprenant notre souci mécanique, il décide de prendre en main le problème. Sans vraiment nous laisser le choix, il s'empare de la roue de Philéas, dépose en échange deux énormes et fabuleuses glaces dans nos mains et revient en fin de journée avec... une roue totalement réparée! mieux même, il a changé toutes les pièces, moyeux et pignons qui sont à présent flambant neuf. Nous n'en revenons pas, d'autant qu'il refuse catégoriquement tout remboursement. Sommes-nous tombés au paradis des cyclistes ?

Pour fêter notre retour à la civilisation et la guérison miraculeuse de Philéas, nous nous offrons le luxe: une soirée au resto !
Nos anciennes voisines de Montpellier ont envoyé un chèque à Globicyclette avec ordre d'en profiter pour les fêtes, alors c'est parti ! On dégotte un petit restau sympa à quelques blocs, et on commande... de la viande bien sûr ! un «asado », c'est-à-dire des grillades, ici un assortiment de toutes les viandes en quantité énorme, que nous accompagnons, oh luxe, d'une bouteille de vin blanc : c'est la fête ! Et c'est... fabuleux. Le meilleur repas du voyage, raaah la viande argentine, si tendre, si juteuse !

C'est donc l'estomac joyeux que nous donnons nos premiers coups de pédale en Argentine, savourant la lisse douceur des routes asphaltées.

Prochaine étape : Salta, ville suivante en direction du sud. Aguerris par notre entraînement de guerriers en Bolivie, nous filons avec légèreté sur ces routes «faciles ». À 1000 m d'altitude, on a presque trop d'air et même les montées ne nous essoufflent pas : quelle euphorie, surtout en l'absence de vent ou de sable !

Nous avalons donc rapidement les 10 km qui nous séparent de Salta, où nous retrouvons le dépaysement déjà constaté à Jujuy : nous pourrions être dans les rues d'une ville française ! magasins modernes, cafés avec terrasse, supermarchés, rues piétonnes, tout y est. En plus, on est en plein été, au mois de janvier : c'est plutôt agréable...et les températures n'ont plus rien à voir avec le Sud Lipez : il fait chaud, même trop sous le soleil de plomb ! Heureusement, les glaces ici ne coûtent presque rien...

À Salta, le repos des guerriers se poursuit : nous voici hébergés dans une nouvelle « casa de ciclistas» dont une cycliste croisée au Pérou nous avait donné l'adresse : chez Ramon et sa famille, nous allons tout de suite nous sentir chez nous et nous allons nous faire dorloter par Tiña, la mère de famille, une « mama » argentine au cœur grand comme ça. Douche chaude, doubles portions de glace, matelas douillet et discussions interminables autour de la grande table familiale : c'est décidé, l'Argentine, c'est le paradis des cyclistes !

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à bénéficier de la générosité de Ramon et sa famille : on sympathise avec Seki, un cyclocampeur japonais qui vient d'Alaska, et dont la première action est bien sûr de photographier nos vélos ! Il y a aussi José, cycliste espagnol, Jésus de Buenos Aires et surtout Michel et Lief, un couple belge francophone avec qui nous accrochons tout de suite. Découvrant que nous avons le même itinéraire, nous décidons de faire un bout de route ensemble. Après trois jours de chouchoutage, nous quittons donc à regret cette « casa » si généreuse...

On fait des adieux reconnaissants à Tiña, Ramon et sa flopée de frères et soeurs, avant de partir à la découverte de la belle vallée qui se trouve au sud de Salta : la «quebrada » (vallée encaissée) de Cafayate.
Et nous voilà de nouveau sur les routes ! On ne se lasse pas du délice de l'asphalte, d'autant que les premières dizaines de kilomètres se font sur du plat : on file à toute allure ! et Michel et Lief, moins chargés, roulent encore plus vite que nous, sous un soleil qui tape fort. Mais le spectacle offert par la « quebrada » vaut nos efforts surchauffés : nous voilà entourés de superbes collines ocre et nous longeons une rivière chargée d'alluvions qui a la couleur ambrée d'un chocolat chaud. L'Argentine nous offre un mini « grand canyon » !

Peu à peu d'autres couleurs apparaissent dans les roches, du blanc, du vert, et la montagne prend des formes étranges, modelée par l'érosion fluviale. On passe ainsi devant d'étranges gorges et demi-cavernes immenses, creusées par le passage d'anciennes cascades. Dans les falaises, on entend crier d'étranges perruches d'un vert vif acide qui passent en escadrons bruyants au-dessus de nos têtes.

Au bout de la quebrada, la petite ville de Cafayate nous attend. Laissant nos compagnons s'installer au camping du coin, nous réfléchissons à notre itinéraire à venir : pour pouvoir arriver fin février à Ushuaia comme prévu, il va nous falloir accélérer le pas, et faire une partie de l'Argentine en bus. Or la partie la moins intéressante du pays se trouve justement devant nous : la morne « pampa » argentine, plate et déserte. On décide donc de prendre le bus ici même, pour rejoindre la ville voisine de Tucuman où des compagnies de transport proposent des trajets vers le sud du pays : Globicyclette prend le bus de nouveau ! Un bus de nuit cette fois encore, et nous voici donc à minuit devant la station, nos vélos délestés de leurs bagages. Michel et Lief, prévenus, viennent nous faire leurs adieux sur place, sympas comme tout, vu l'heure tardive.


11 - 15 janvier : l'enfer des bus argentins

 

Après une nuit de bus, nous voici à Tucuman, en route pour notre prochaine mission : trouver un bus pour le Grand Sud. Nous voudrions rejoindre San Carlos de Bariloche, dans la très belle « région des lacs », et reprendre notre pédalage à partir de là. Mais une très mauvaise surprise nous attend : tous les bus sont complets, dans toutes les compagnies du terminal ! Le prochain bus de libre ne part que dans la soirée du lendemain : pas le choix, il va nous falloir passer deux jours et une nuit à Tucuman. Nous qui voulions économiser du temps en prenant le bus, nous voici bien frustrés...
Mais où allons-nous dormir ce soir ? Héhé, nous sommes des aventuriers pleins de ressources... Notre ami Ramon, à Salta, avait mentionné l'existence d'une autre « casa de cyclistas » à Tucuman.

Un coup de téléphone et nous voici invités chez Benjamin, qui nous ouvre sa porte le soir même avec un grand sourire : « bienvenue chez moi ! ». C'est quand même merveilleux, ces gens qui nous ouvrent leurs maisons si généreusement ! Ici, pas de grande famille, Benjamin vit seul mais il a des amis : nous partons avec eux déguster les empanadas de Tucuman, les meilleures d'Argentine, paraît-il... On confirme ! Avec eux, les deux jours d'attente passent vite et nous revoici déjà au terminal de bus.

Nous sommes un peu anxieux comme à chaque fois que Philéas et Heidi voyagent en « bagages » au lieu de « destriers » : le bus voudra-t-il bien charger nos vélos ? À l'achat des billets, on nous avait assuré que c'était tout à fait possible, à condition de les démonter au maximum et de payer un supplément. Nous voici donc devant le bus, largement en avance, avec des vélos réduits à l'état de carcasse : plus de roues, sièges amovibles enlevés, dérailleurs emballés.

Mais malgré les prédictions de la vendeuse de billets, le chauffeur n'arrive pas du tout en avance. Et quand il arrive, 10 minutes avant le départ, il ne semble pas du tout content de voir ce qui l’attend. Absolument pas aimable, il aboie : « des vélos ? ah non ! pas de vélos dans le bus ! » « Mais on nous a dit que... » « Je m'en fiche, il n'y a pas de place pour des vélos en soute ! » « Mais ils sont démontés, comme demandé ! » « Ce sont des vélos, pas de vélos dans le bus ! ». Au même moment, d'autres voyageurs chargent d'immenses sacs de jute (farine ? oignons ?) dans la soute. Nos vélos y entreraient deux fois... Le chauffeur refuse à présent de nous répondre, et nous tourne le dos à chaque sollicitation. Très gracieux...

Un second chauffeur vient à notre aide : « il faut que vous fassiez une enconmienda ». Une... quoi ? Mais... le bus part dans deux minutes ! On finit par comprendre que nous devons envoyer les vélos à part, en fret !... et que cela va nous coûter environ le prix de nos billets à nous. Olivier part en courant au bureau des enconmiendas, vélos désossés dans les bras, pendant qu'Amanda tente de retenir le bus : « ne partez pas, mon mari est parti faire l'enconmienda, nous avons payé nos billets « avec vélos ! ». « Ça je m'en fous, soit vous montez maintenant, sans les vélos, soit je pars sans vous ». Amanda cherche désespérément Olivier des yeux... mais de l'autre côté du terminal, le guichetier des enconmiendas a décidé de prendre son temps et mesure longuement les dimensions des vélos. Un troisième chauffeur avise Amanda, goguenard : « Ben alors, on a perdu son mari ? » Il fait le signe des cornes : « il s'est enfui ! il ne reviendra pas ! ». Amanda est estomaquée par tant d' « odieuseté ». Alors qu'elle va exploser, Olivier revient : « ils n'ont pas encore fini, ça va prendre un moment ». Mais le chauffeur en a assez : « fermez les portes, c'est l'heure, on y va ! ». Impuissants, on regarde « notre » bus démarrer... sans nous... Nous n'en croyons pas nos yeux ! Tremblants de rage, nous allons faire un scandale au guichet. La pauvre vendeuse ne sait plus où se mettre. Évidemment un samedi soir à 21 heures, pas moyen de contacter un responsable.

Nous sommes furieux devant tant d'incompétence mais notre colère ne change pas les faits : le prochain bus ne part que dans... trois jours... Trois jours ! C'est un scandale ! Nous pensons à nous faire rembourser mais alors comment rejoindre Bariloche ? Pas le choix... On va devoir patienter... Amanda arrive à convaincre Olivier de ne pas défoncer la vitrine de l'agence de bus et nous cherchons, la mort dans l'âme, comment occuper ces trois longues journées d'attente.

Il est clair qu'avec un costume-cravate et une meilleure coupe de cheveux, ça ne se serait jamais passé comme ça. Qu'on se sent proche maintenant, des étrangers perdus qui ne parlent pas bien français et que personne n'aide ! Nos négociations pour se faire payer l'hôtel ayant lamentablement échoué, nous ne savons guère où aller pour cette nuit. Pas question de débarquer à cette heure-ci chez Benjamin... alors nous nous installons tristement dans la salle d'attente, glauque mais quasi déserte, et nous nous préparons à une mauvaise nuit sous les néons...
Le lendemain, un peu calmés, nous décidons de fuir ce terminal maudit, et d’aller passer ces trois jours au vert, au bord d'un lac à quelques dizaines de kilomètres de la ville. Nous parvenons à envoyer nos vélos en avance par « enconmienda », avec l'aide d'un nouveau guichetier beaucoup plus efficace que le précédent et pour un prix bien plus bas. Et, réduits à l'état de simples piétons, nous partons « à la campagne » en bus pour nous poser dans l'un des nombreux campings qui bordent le lac. Heureusement les alentours sont bien jolis et finalement nous allons y passer trois jours d'oisiveté pas désagréables, même si nos jambes nous démangent de ne pas pédaler... heureusement qu'on a apporté un mini jeu d'échecs avec nous ! (oui, oui, Olivier tient à prouver que c'est lui qui a le plus souvent gagné !).
Et enfin, enfin, nous nous retrouvons assis dans un bus en partance pour le Sud, cette fois avec des chauffeurs plus sympathiques. En route pour Bariloche !


17 - 22 janvier : pédalage dans la région des lacs

 

Et à notre arrivée, nos vélos sont bien là, sans une égratignure... ouf ! On les rééquipe sous le ciel bleu et frais de la Patagonie, dont Bariloche est la porte d'entrée. Le paysage a complètement changé.

Après avoir traversé plus de 1000 km de mornes plaines buissonneuses, nous voici sous les pins, dans les montagnes, et face à un lac immense d'un bleu vif. De plus nous avons laissé la canicule à Tucuman !
Bariloche s'étend sur le long du lac, mignonne petite ville ancrée dans un paysage de carte postale. Nous sommes dans « la région des lacs », et nous comprenons ce qui y attire les touristes.

Nous remontons donc avec joie sur nos bécanes pour reprendre notre périple vers le Sud c’est parti ! en route pour … Ushuaia ! youhou! ! Qu'on est bien sur nos bécanes ! La bonne route d'asphalte nous amène de lac en lac, dans des paysages magnifiques et sans côte insurmontable.

Alors qu'on pousse dur sur nos pédales, on se fait rejoindre par un autre cycliste : chouette, un nouveau copain ! et un copain particulier : José est sourd-muet !

Il a intitulé son voyage, de Bariloche à Ushuaia, « rutas del silencio », et il compte bien montrer aux enfants des écoles de sourds-muets que ce handicap n'empêche en aucun cas de partir à l'aventure. Nous nous comprenons plutôt bien par gestes, et il peut le plus souvent lire sur nos lèvres. Nous lui proposons de faire ensemble la route jusqu'à la prochaine grande ville, Esquel. Il semble un peu démoralisé : il ne s'attendait pas à de telles côtes ! Nous, qui avons tout de même vu bien pire au cours des mois précédents, on se demande s’il sait bien ce qui l'attend... On roule donc à trois par monts et par vaux, dans de bien jolis paysages, plutôt verts.

Philéas va bien essayer de faire de nouveau des siennes, en cassant son dérailleur arrière au milieu d'une montée (comment ça, le Sud Lipez, c'était trop pour lui ??), mais on lui en dégote un nouveau illico et nous repartons de plus belle. On se régale dans ces paysages de cartes postales et sous ce soleil brillant !

Arrivés à la jolie ville d'Esquel, perchée dans les montagnes entre deux parcs naturels, nous disons adieu à José : effrayé par la perspective des mauvaises pistes qui nous attendent, il a décidé de descendre à Ushuaia par la côte atlantique, et il vient de trouver une voiture qui peut l'amener jusqu'à la péninsule Valdès. On lui souhaite donc bonne chance, en espérant que son manque d'expérience ne lui joue pas trop de tours : tout est plus difficile avec son handicap!

Nous, on repart en direction de la frontière chilienne : c'est décidé, nous allons faire une partie de la carretera austral, car tout le monde est unanime pour dire que c'est bien plus beau que la route 40 en Argentine. On passe en fin d'après-midi par le joli petit village de Trevelin, qui marque la fin de l'asphalte et le retour aux cailloux.

On voudrait bien aller visiter une jolie cascade pas loin de la route, mais alors qu'on peine sur l'affreuse route qui y mène, plusieurs voitures nous croisent en descente : « inutile d'y aller, le site vient de fermer ». Fermé ? ça se ferme, une cascade ? Ils ont un robinet ? Non, apparemment le seul accès possible, payant, est fermé par une grille. Pas de cascade pour les cyclistes tardifs ! Tant pis, ça nous fera faire des économies. On pose la tente près du ruisseau qui provient de la même cascade, à côté de chevaux curieux. Ah, cuisiner sous le soleil du soir, un vrai plaisir... d'autant que ce soir, c'est fête : on a acheté de la viande argentine, et on dévore deux énormes escalopes rôties à point... mmh!

Le lendemain, nous retraversons donc la frontière chilienne : cachons les œufs et les oignons ! (Voilà bien longtemps que les mangues ont disparu des étals...). Nous finissons tomates et fromage juste avant le poste-frontière, que nous passons sans problème, avec le reste du saucisson dans une poche ! On quitte donc l'Argentine où nous avons connu là encore des extrêmes, cette fois non dans le climat mais dans l'accueil qui nous a été réservé. Mais ce n'est que partie remise, car nous y retournons bientôt : la Carretera austral débouche sur la frontière chilio-argentine... Ce qui nous intéresse à présent, c'est cette Carretera mythique qui fait rêver les cyclocampeurs. L'unique route qui descend tout au sud du Chili, et qui traverse des contrées encore très sauvages et, paraît-il, magnifiques. Nous entrons ici en Patagonie que se partagent jalousement le Chili et l'Argentine et qui va nous amener jusqu'en Terre de feu... là-bas au bout du monde. Allons-nous survivre au retour à la piste caillouteuse ? Est-ce que nous pourrons encore être émerveillés par de beaux paysages après ceux du Sud Lipez ? Est-ce qu'il y aura encore de la bonne viande, là-bas en bas ? Et surtout... dites... on va pas avoir froid, dites, dans ce grand Sud ? Les réponses... Au prochain épisode !

Merci pour votre patience !

Les petits détails du quotidien...

 

Mangeons gaiement...

Aaah, l’Argentine! Avant même d’y poser les roues, Ruth et Pablo nous avaient prévenus: préparez vos estomacs! et après le désert gastronomique bolivien, on tombe en plein oasis de gourmandises...

Découvrons:

  • Les empananadas argentines: les meilleures que nous ayons goûtées! Le principe est le même que pour celles des autres pays, amis la farce est d’une autre qualité! On ne lésine pas sur la quantité de viande, le tout mariné dans une sauce délicieuse et enrobé d’une pâte à la fois moelleuse et croustillante!

    Ici en Argentine, les empanadas sont les "olives-cacahuètes" locales. Ainsi quand des amis se retrouvent au café, c’est le plus souvent autour d’une assiette commune d’une demi-douzaine de ces petits chaussons qu 'ils grignotent en guise de snack. Les rues fourmillent d' ailleurs de ces "empanaderias" qui en proposent pour tous les goûts: viande de bœuf hachée ("carne"), mais aussi petits cubes de viande d’agneau ("corderos"), ou bien plus simple, jambon et fromage fondu ("jambon y queso"), ou juste "queso", ou enfin la version végétarienne, "verduras". Miam!

  • Les facturas: ces petites viennoiseries rivaliseraient presque avec celles des boulangeries françaises, sauf le prix: moins d'un euro les six, de quoi se laisser tenter, non?
  • Les humitas et les tamales: ce sont des hachis à base de farine de maïs, empaquetés joliment dans plusieurs feuilles de maïs superposées. Les tamales sont riches en viande hachée alors que les humitas sont seulement à base de maïs. Les deux sont servis tout chaud et sont délicieux !
  • Le maté: la boisson argentine par excellence. Où que l'on soit, maison, rue, magasins, terminal de bus, on peut observer des argentins se baladant avec un curieux petit récipient à la main, dont ils aspirent délicatement le contenu avec une "paille" métallique: le "maté". C'est en fait une simple infusion d'une herbe à "maté", amère et riche en caféine, donc légèrement stimulante.

    Un ami de Benjamin, à Tucuman, nous a introduit à la préparation de cette boisson inévitable ici, qu'elle que soit l'heure de la journée. C'est tout simple: on remplit d'herbe à maté le petit récipient approprié, en général constitué d'une petite calebasse évidée et décorée, puis on y place la "paille" métallique ("bombilla") qui est munie d'un dispositif très simple de filtre. On peut ajouter un peu de sucre pour compenser l'amertume du breuvage. Puis on recouvre le tout d'au chaude, mais non bouillante, et on aspire par petites gorgées. Quand il n'y a plus d'eau (le récipient n'est pas bien grand), on en rajoute jusqu'à épuisement du goût. Ce qui explique que tout bon argentin ne sort jamais sans sa thermos d'eau chaude!

    Le maté est aussi avant tout une boisson sociale qu'il est habituel de "faire passer"; souvent partager un maté est plus un prétexte à discussion qu'une simple consommation de boisson. C'est le "petit café" argentin, finalement! Notons pour finir que la marque majeure d'herbe à maté dans le nord du pays s'appelle ... "Amanda"!

  • Et enfin, bien sûr.... la viande argentine! Du bœuf surtout, tendre, juteux, sans hormones, à un prix dérisoire... Ici, la méthode de cuisson de prédilection, c'est l' "asado": la grillade! Ainsi par exemple, tous les emplacements de camping possèdent un petit coin barbecue avec charbon et grilles à disposition... inutile de vous dire qu'on s'est régalé! En revanche, on ne comprend pas les argentins: de la bonne viande comme ça, ils la servent toujours ultra cuite! et ils font la grimace devant nos steaks "à point"... Ils ne savent pas ce qui est bon, tiens!
    A part l'asado, on a aussi goûté à la "milanesa", influence italienne oblige! C'est une fine tranche de bœuf roulée dans de délicieux épices, puis panée. Pas mauvais, surtout si on la recouvre de sauce tomate, jambon et fromage, un peu comme pour une pizza! Des pizzas, d'ailleurs, on en trouve tout plein, et les traiteurs italiens abondent, proposant pâtes fraîches, quiches, lasagnes, et sauces toutes prêtes... Adieu, régime fruité du Pérou! Mais qui oserait se plaindre?...
    .

Les moments galère

En Argentine, on s'est fait dorloter, doucher, nourrir, choyer et même nos vélos ont eu droit à une remise à neuf soignée.... Difficile donc d'énumérer des "galères", surtout après la Bolivie!

On se souviendra juste avec amertume de nos mésaventures avec les bus argentins... ça, on n'est pas près d'oublier!

Les meilleurs moments
  • Le retour à l'asphalte: euphorique!
  • La prise en stop ultra efficace de Ruth et Pablo.
  • Notre petit restau "soirée réveillon" et cet asado inoubliable...
  • L'accueil de nos hôtes à Jujuy et la générosité du "voisin".
  • Les moments passés avec Michel et Lief.
  • L'ambiance chaleureuse et familiale de la "Casa de ciclistas" de Salta.
  • L'hospitalité de Benjamin à Tucuman.
  • Les beaux paysages de la Quebrada de Cafayate et de la région des lacs.
Aaah, l'Argentine, le paradis des cyclistes!