Globicyclette: retour au Laos

 

 

 

 

Sabaidee, amis voyageurs !
Hé oui, toujours à pousser nos pédales en Asie du Sud-Est, pour retourner vers un pays qui nous avait charmés : le Laos. Mais cette fois, le Laos, version australe, car ce pays biscornu ne nous avait offert que ses montagnes du nord lors de notre première incursion laotienne. Pas question de passer outre le sud, des îles sur le Mékong, ses plantations de café et ses plateaux arides où se cachent des cascades secrètes. Venez avec nous découvrir un nouveau visage de ce doux pays ! Nous venons d'y entrer via la frontière cambodgienne, et nous voici le long du Mékong, à un peu moins de 200 kilomètres au sud de la ville de Paksé...

Petite note : cette fois, on vous fait partager nos carnets au jour le jour, ou presque, avec à chaque fois les lieux de départ et d'arrivée, le kilométrage, et le dénivelé parcourus. Bonne lecture !

 


22 février, 600ème jour : Laos, le retour !
[frontière / cascade de Khon Papeng : 81 km – 166m ]

 

Dans l'épisode précédent, nous (notre guest-star Flo comprise) avions rencontré trois copains cyclistes avec qui nous avons décidé de faire un petit bout de route : c'est donc à six vélos, un record, que nous entrons de nouveau au Laos, sur une belle route droite et dans les lueurs du soleil couchant... Quelques rapides kilomètres plus loin, nous allons tenter de bivouaquer près de la cascade de Khon Papeng, le plus grand débit d’ Asie du Sud-Est, paraît-il, ou encore « The pearl of the Mekong ».

Et nous y arriverons alors que le soleil se couche dans un ciel brumeux et rose. Elle est effectivement impressionnante, mais c'est plus une série de rapides gigantesques qu'une véritable «chute» d'eau. Il n'empêche, elle fait un boucan de tous les diables !

Nous avisons un bâtiment avec un toit et un petit café-vendeur de chips à son entrée : c'est en fait la plate-forme de point de vue sur la cascade, et c'est bien joli. Les jeunes vendeurs sont d'accord pour qu'on s'installe là pour la nuit : chouette, un bivouac « avec vue » ! Et puis, on a notre entrée au Laos à fêter : ce soir au menu, chips et délicieux petits canapés à la terrine de foie de canard (« sponsorisée » par Flo, comme elle dit), le bonheur...

 


23 février, 601ème jour : Farniente dans les iles...
[ cascade / Don Det (les « 4000 îles ») : 20km– 100m ]

 
De retour sur la route, on petit-déjeune dans une boutique, et on y retrouve avec joie le «Khao niao » laotien, le riz collant des montagnes du nord. Avec du lait concentré sucré, ça passe très bien !
Aujourd'hui, c'est une journée tranquille : nous devons juste rejoindre le site des « 4000 îles » (Si Pan Don, en laotien) à 20 km d'ici, où nous projetons de nous poser sur les îles les plus australes. C'est en fait une zone du Mékong où il se divise en de multiples petits bras entourant autant d'îles, et dont on nous a vanté la beauté tranquille... C'est donc parti pour la première île, Don Det, que nous rejoignons par une courte, mais très jolie, traversée en jonque.
L'île est très touristique, mais d'un style « backpackers » (= routard) très détendu et relativement discret: un tout petit sentier en fait le tour, bordé de bungalows en bois qui surplombent le fleuve, à l'ombre des cocotiers. C'est, disons... paradisiaque ? Vue la chaleur, nous ne tardons pas à nous poser autour d'un « ananas shake » et à faire trempette dans l'eau tiède : que c'est bon ! A défaut d'autres alternatives, décidons tous les six de nous installer dans une petite guesthouse, mais nous trois on posera la tente devant les bungalows : dehors, la nuit est moins chaude !
S'ensuit tout un après-midi de doux farniente sur cette île de rêve : déjeuner sur une terrasse surplombant le fleuve, longues discussions, baignade au coucher du soleil, ... En bons "outdoor people », nos Néo-Zélandais ont dégoté un kayak, et s'amusent avec, et expliquent à Olivier comment «esquimauter» (retourner son kayak renversé sans en sortir) pas évident ! Les garçons s'y entraînent dans les lumières du couchant, sous les encouragements des filles : c'est « cliché », mais on s'amuse bien. C'est les vacances !
Nous terminons la soirée par un petit resto (pas trop le choix ici), et une joyeuse partie de Jungle Speed. Allez, au lit, heu, à la tente, il est presque 23 heures... oups !

 


24 février, 602ème jour : Farniente, suite
[Don Det : 18,5km – 64m ]

 
Aujourd'hui, donc, c'est les vacances... Lever matinal par habitude, mais suivi d'un super petit déjeuner en terrasse, avec baguette grillée et cafés glacés... Puis on part visiter en vélo l'île voisine, Don Kon, en compagnie de Jason. On râle un peu quand il faut payer 9000 kips à l'entrée, surtout pour péage d'un pont... construit par les Français ! Mais l'île est vraiment sympa, et nous passons la journée à sillonner les petits chemins caillouteux ou sableux qui mènent à des plages, des cascades ou de jolies baies constellées de minuscules îles buissonneuses. C'est la contrée des dauphins de l'Irrawady, mais ils resteront cachés, tant pis ! Nous, on file à l'eau, seul moyen de lutter contre la chaleur...
Et comme la veille, c'est soirée Jungle Speed et riz collant sur la terrasse à la lueur des bougies. En fin de soirée, le propriétaire de la guesthouse passe nous voir : ils ont fait une petite cérémonie de « Baci » pour fêter le départ d'une coréenne, et il souhaite nous faire partager les bracelets de coton qui lui restent. Le Baci consiste en effet à nouer de délicats bracelets de fil blanc autour du poignet de la personne honorée, en faisant des voeux pour son succès, sa chance, son voyage, etc.. Du coup, nous avons chacun droit à des voeux personnalisés : nous tenons dans la main un gobelet de porcelaine pendant qu'il déclame des... incantations ? en laotien et noue le bracelet. Puis à nous de descendre cul sec le contenu du gobelet, une liqueur forte appelée Lao Lao. Ça y est, nous voilà sous la protection des dieux (des esprits ?) pour le reste du voyage ! En attendant, Lao Lao aidant, tout le monde tombe de sommeil : c'est l'heure de faire comme les bougies en fin de vie sur la table : s'éteindre !

 


25 février, 603ème jour : Retour sur les routes
[Don Det / Phiafay : 99 km – 173m ]

 
Ouh, dur dur de revenir à nos bonnes habitudes de lever à 5h45... Mais le farniente a assez duré, aujourd'hui, on repart ! Le propriétaire de la guesthouse nous arrange un transport en barque pour revenir sur les berges du fleuve, et nous faisons nos adieux à nos trois copains cyclistes qui ont décidé d'en profiter encore un peu.
Et c'est reparti ! Aujourd'hui, on avance au maximum, car la route n'est pas très intéressante jusqu'à Paksé, dans 140 km. Enfin ça, c'est la théorie, car nous passons les deux heures qui suivent à faire la queue dans une banque primitive (la seule de la région !) à changer euros et dollars. Les distributeurs de billets, ça n'existe pas par ici ! Ce n'est finalement que vers 10 heures que l'on se met réellement route, après avoir alourdi Flo de notre tente plus quelque livres : elle va décidément trop vite dans les montées !
On se posera à presque 100 km de pédalage, dans une école à l'air désaffecté à l'entrée d'un village. Pas d'eau, mais nous serons plutôt tranquilles : pas de ribambelle d'enfants pour nous examiner !

 


26 février, 604ème jour : Du dénivelé, ça faisait longtemps !
[Phiafay / 15km avant Paksong: 70 km – 900m ]

 

Encore un départ matinal : finalement, on y arrive plutôt bien à se lever tôt ! Nous sommes sur nos vélos à sept heures, désireux de laisser l'école libre au cas où elle serait active. Mais d'enfants, point. Peu importe, nous savourons les éphémères heures de la relative fraîcheur (30° C) avant le soleil de plomb de 9h30...

Aujourd'hui, pour la première fois depuis qu'on a récupéré Flo, ça grimpe ! Les 35-40 premiers kilomètres sont encore relativement plats, mais juste avant d'atteindre Paksé, au nord, nous bifurquons de 90° vers l'est : à nous, le fameux plateau des Bolaven (ou Boloven), ses 1000/1500 m, ses plantations de «café Lao», et ses belles cascades !

Nous sommes un peu au-dessus de 100 m. Notre mission : atteindre la ville de Paksong, au sommet du plateau, à 1150 m et 38 km de là. C'est parti ! Nous pensions d'ailleurs que le défi serait plus dur à relever: au lieu de la piste médiocre attendue, c'est un beau ruban d'asphalte qui se déroule en pente douce sous nos pieds. Ça grimpe, mais plutôt bien ! Nous avons tout de même été un peu optimistes en pensant rejoindre Paksong ce soir : même si la chaleur a sensiblement diminué, nous peinons un peu dans la montée... Nous finirons par nous poser à 15 km de la ville, après tout de même 900 m de dénivelé : un record pour Flo, et un joli bout tout de même pour nos cuisses qui n'avaient pas grimpé depuis presque un mois et demi.
Au Laos, nous le savons, les habitants n'ont pas officiellement le droit d'héberger des voyageurs. Nous demandons donc l'hospitalité au petit temple du village (bien moins beau que les temples cambodgiens !), mais sans succès : soit c'est interdit aussi, soit ils feignent de ne pas comprendre par peur des ennuis... tant pis, essayons ailleurs ! On finit par se poser dans une croisée de chemins, à l'abri des plantations de café. Rien de bien idyllique, mais finalement, personne ne vient nous embêter, les voisins passent en nous souriant, et on parvient même à aller se débarbouiller à la jarre de la maison d'à côté !
Le plus agréable, c'est aussi qu'il n'a pas fait aussi frais depuis notre entrée en Thaïlande du Nord, le mois dernier. Quel plaisir de ne plus s'endormir en suant à grosses gouttes ! Il fait pourtant très humide, mais on va même ressortir le duvet pour les heures fraîches de la nuit. Celui-ci n'avait pas été déballé depuis le Kirghizistan ! Ah, douce nuit...

 


27 février, 605ème jour : les belles cascades !
[15km avant Paksong / Houay Khong: 70 km – 602m ]

 

Ça devient la routine : réveil à l'aube, café fumant et jour qui se lève, pliage rapide du bivouac, et hop, en route !
Ça monte encore pas mal jusqu'à Paksong, mais un café « des Boloven » pris dans une boutique, aussi épais que du chocolat chaud et encore plus sucré, nous donnera toute l'énergie nécessaire pour pousser sur les pédales. D'ailleurs, tiens tiens, Olivier qui détestait « le café », puis « le café sauf le café glacé », vient de déclarer que finalement, avec beaucoup de lait concentré sucré, le café chaud... c'est plutôt bon ! Il faut dire que celui-ci, fraîchement torréfié, savamment filtré « à la chaussette », et très concentré, a un goût d'une suavité parfumée délicieuse...
Après Paksong, l'asphalte disparaît, mais la piste reste relativement bonne, surtout peut-être parce qu'elle est en pente douce continue vers le bas ! Ce qui n'empêche pas nos vélos de faire la grève, protestant contre ce retour brutal à la caillasse : première protestation, le pneu avant d'Heidi crève sur les cailloux acérés de la piste. Au même moment, protestation numéro 2, le moyeu de la route de Bob commence à émettre d'inquiétants grincements. Arrêt immédiat obligé, et les réparations vont prendre un bon moment... Pour rendre justice aux pneus Schwalbe, c'est en fait une vieille rustine d'Heidi qui a rendu l'âme (rustine chinoise !), et non un caillou qui aurait traversé le pneu : notre sponsor est sauf ! Une bonne heure et demie plus tard, trois rustines plus loin, une transformation à la lime d'une clé de 16 en clé de 17 (pour moyeu de Bob) ensuite, et nous voilà de nouveau en état de marche, heu de rouler, juste à temps pour gagner la course avec l'orage qui gronde et souffle juste derrière nous.

Une fois les nuages semés, nous décidons de profiter enfin de ce beau plateau : il y a justement un panneau indiquant une cascade à 2 km sur la droite : allons-y! 2km de descente sur un chemin minuscule, puis 500 m de grimpette sur un chemin de chèvres, mais cela en vaut largement la peine : nous tombons sur la plus belle cascade du monde... Immense, rugissante, majestueuse de verticalité, elle est posée là en pleine jungle, surgissant au milieu des palmes de bananiers, arrosant de ses embruns un tapis de mousses aux milliers de fleurs violettes. Une image de paradis... et nous sommes bien sûr seuls au monde dans cette vallée fabuleuse.

Un regard... allez, on y va ! et nous courons en maillot dans le bassin où se déverse l'immense chute : youhou ! ouh là, quel vent ça fait, une cascade ! Nous sommes dégoulinants avant même d'avoir atteint le bord de l'eau... et quel bruit ! Nous voilà en plein tournage « Tahiti douche », en plus rugissant quand même... Le rêve !
Voilà un petit coin que nous n'oublierons pas... Mais il est temps de poursuivre notre pédalage. Alors que nous avons foncé toute la journée sur une piste caillouteuse, mais en pente douce vers le bas, ici notre progression se ralentit un peu, car le paysage ondule plus. Mais c'est d'autant plus joli, surtout dans les couleurs du soir... Nous arrivons au sommet d'une colline alors que le soleil se couche : tiens, un tout petit village ! et surtout... une minuscule école de bois qui fera un abri parfait pour la nuit. On y reçoit bien entendu la visite des enfants du village, qui comme toujours se rapprochent progressivement jusqu'à se tenir à moins d'1 m de nous, et nous observent avec fascination faire des choses aussi étranges que verser de l'eau dans une casserole, accrocher une moustiquaire ou allumer un réchaud...
Nous voyons aussi arriver le chef du village (de moins, il en a l'air), qui vient sûrement vérifier que nous sommes bien installés, et signera l'arrêt des visites en repartant avec tout le monde alors que nous nous apprêtons à manger. Tous sont doux et souriants, et pas si invasifs que ça : décidément, on aime le Laos !

 


28 février, 606ème jour : Baignades, café, cascades : rebelote !
[Houay Khong / Sekong, 67 km – 800m ]

 
Au réveil, nous nous dépêchons de plier le bivouac avant l'arrivée des enfants curieux, qui pointeront leur nez pendant notre petit déjeuner et auront droit au spectacle d'un bureau délabré qui s'effondre quand on tente de s'y asseoir ensemble : ah ces « Falangs », quelles grosses brutes !
Et nous poursuivons notre descente du plateau des Boloven, sur une piste dont on nous avait raconté les pires horreurs, mais qui est finalement tout à fait correcte : caillouteuse, soit, sableuse, un tout petit peu, mais tout de même, ils l'ont rêvée où, leur « bad road » ?? il faut dire que nous l'empruntons dans le bon sens : nous n'avons eu quasiment que de la descente depuis Paksong, et toute la montée d'avant s'est faite sur asphalte. En tout cas, à présent, ça descend bien et c'est bien joli aussi, car au sommet des petites collines la vue porte au loin sur d'autres petits sommets bleutés et couverts de jungle. Mais où est donc cette cascade de Tad Katamtok mentionnée sur toutes nos cartes ? nous n'avons croisé aucun panneau depuis notre « cascade de rêve » de la veille, qui elle n'était indiquée nulle part ailleurs. Une jeune femme en moto, accompagnée d'un très beau guide laotien, vient fort à point résoudre ce souci : « la cascade ? nous y allons justement, mais vous l'avez dépassée, elle est à 8 km derrière vous ! ». Zut. 8 km de descente sportive sur une piste raide et caillouteuse, c'était plutôt rigolo, mais allons-nous avoir le courage de refaire ces 200 m de dénivelé dans l'autre sens ? On hésite... mais pas longtemps : allez, on a la journée devant nous, alors demi-tour ! Ils proposent de nous indiquer l'emplacement de la bifurcation en y accrochant un sac plastique, et en déposant des feuilles de bambou sur la route: on ne devrait pas rater tout ça ! Nous sommes tout de même sidérés qu'aucune autre indication ne permette de trouver cette fameuse cascade : cela fait peut-être le bonheur des guides locaux ? En tout cas, nous remercions bien nous deux « anges », et décidons après leur départ de cacher nos sacoches dans un buisson : on est courageux, mais pas fous, et 200 m aussi raides, on préfère les grimper « à vide » !
Une petite demi-heure plus tard, nous y voilà ! Bah, finalement, « notre » cascade était mieux, car celle-ci, immense tout de même, reste hors d'atteinte, étirant ses écumes à plus de 500 m, de l'autre côté de la vallée. Elle est très belle quand même, et nous ne regrettons pas notre aller-retour !
Allez, il est temps de filer vers Sekong. Une crevaison plus tard (Philéas, cette fois : toujours les rustines chinoises !), nous finissons par arriver au bout de cette très jolie piste perdue, et retrouvons l'asphalte, des boutiques pour manger, et du réseau pour notre téléphone. On retrouve aussi... l'orage auquel nous avions échappé la veille (et si ce n'est lui, c'est donc son frère !) : tant mieux, ça rafraîchit l'atmosphère. Nous attendons la fin de l'averse dans une boutique à café glacé, puis allons jeter un coup d'œil à la cascade voisine : c'est en fait une série de petites cascades dégringolant une grosse « marche » de 200 m de long et une dizaine de haut. Rien de très impressionnant mais même sous le ciel gris l'endroit est vraiment charmant. Tous à l'eau !
Avec tout ça, il fait déjà nuit lorsque nous arrivons à Sékong, mais aujourd'hui, pas de bivouac. Flo nous a déniché une chouette petite guesthouse, dont la propriétaire nous fera même notre lessive gratuitement !

 


1er mars, 607ème jour : Un café à Ban Kafé ?
[Sekong / Tadlo : 79 km, 767m ]

 

Ce matin Amanda se réveille pleine de souvenirs : il y a deux ans, un coup de téléphone lui apprenait que son frère était papa... Comme à chaque anniversaire d'un proche, ses pensées seront tournées toute la journée vers ceux qu'elle aime et qui lui manquent. Mais ce n'est pas le moment d'être nostalgique : les belles cascades de Tadlo, à 80 km d'ici, n'attendent que nous ! Tout comme ce petit déjeuner de rois que nous décidons d'aller prendre au resto : baguette, café lao (des Boloven, of course !) et omelette...mmh !
De quoi nous mettre en forme pour la belle montée qui va suivre, avec ses plus de 700 m de dénivelé... heureusement, c'est encore de l'asphalte ! (note pour les cyclistes : ne surtout pas faire notre trajet en sens inverse...). Nous pédalons au milieu des plantations de café et d'hévéa, sous un soleil tapant qui rôtit littéralement nos mains et nos tibias. Il faut dire que depuis que nous prenons de la doxycycline contre le palu, nous sommes hypersensibles aux UV, surtout Amanda. Nous avons beau nous tartiner de crème solaire, nous rougissons et cramons bel et bien, au point qu'Amanda roule à présent en manches longues... et gants ! (ses doigts sont carrément brûlés...). Flo, elle, tolère plutôt bien sa malarone (ce n'était pas le cas d'Amanda), qui lui donne seulement des rêves psychédéliques dont nous attendons impatiemment les récits au réveil !

En milieu de montée, nous voici au village de... « Kafé » ! ou « Ban Kafé », car la plupart des villages lao commencent par « Ban » qui signifie évidemment «village» en laotien. Allons donc prendre un café à Ban Kafé ! Ce café des Boloven, épais, parfumé et terriblement caféiné, que même Olivier a appris à savourer... Aujourd'hui, on nous le sert sous une drôle de forme : un verre à fond plat sur lequel est posée une petite passoire d'aluminium, style « élément de machine à expresso », dans laquelle on trouve le café, tassé, et arrosé d'eau chaude. Il n'y a plus qu'à attendre que ça filtre... et il faut être patient !( et aimer le café tiède, du coup).

Ce mélange détonnant dans les veines, nous finissons sans trop de peine la montée, et accueillons avec joie l'heure du déjeuner : il fait trop chaud pour... pédaler ! Comme presque partout au Laos, le déjeuner, c'est un « feù », la soupe de nouilles traditionnelle, un bouillon clair et parfumé dans lequel flottent nouilles de riz, morceaux d'oignons verts, de viande, et diverses herbes qui changent à chaque restaurant. On y ajoute soi-même les autres ingrédients disponibles sur la table : feuilles de menthe, de basilic asiatique (« holy basil » !), haricots verts crus, puis les condiments : sauce soja, nioc nam (ça, on évite), piment (on évite aussi, sauf Flo), et... sucre en poudre ! La suite du pédalage, c'est à la fois plus facile et plus dur : du ripio bien cabossé mais... en descente, sur 20 fabuleux kilomètres ! Nous, avec notre suspension, on se régale, mais Flo rigole moins sur son haut vélo à roues fines : elle terminera avec les mains un brin meurtries par les chocs...
Nous arrivons en fin d'après-midi sur le joli site de Tadlo, que nous avons d'ailleurs un peu de mal à trouver car aucune pancarte ne l'indique. C'est un brin touristique (ambiance « backpackers ») mais charmant quand même, et nous nous posons dans deux petites chambres de bungalow, aux murs de bambou tressé : aaah, qu'on est bien ! On part faire un plongeon dans la cascade pour le coucher du soleil, profitant enfin de la fraîcheur rêvée de l'eau...
Nous filons ensuite remplir nos estomacs au restaurant d'à côté : c'est bon, mais c'est lent... Monsieur Tim (Kim?), le propriétaire laotien, s'excusera en nous donnant le sens caché de « Lao PDR » (Lao People Démocratic Républic) : « Lao People Don't Rush ! ». Les Laotiens ne se pressent pas... Bah, on est en vacances... et leurs baguettes croustillantes sont délicieuses... Mais on tombe de sommeil ! À huit heures du soir, ça craint ! Mais c'est comme ça au pays de Globicyclette, et il faut dire que la nuit dernière, un «*$^:_%» de coq a chanté juste sous nos fenêtres de trois heures à six heures du matin... Pas de coq en vue sous ce bungalow-ci... allez hop, au lit !

 


2 mars, 608ème jour : Deux vacancières et un malade
[Tadlo, 0km ]

 
Le coq (il y en a TOUJOURS un pas loin en Asie du sud-est !) ne s'est pas manifesté avant cinq heures du matin, ce qui nous a permis de rattraper le sommeil en retard... du moins pour les filles, car Olivier a passé une sale nuit : il découvre en effet les affres de l'infection urinaire... aïe ! il faut dire qu'avec la chaleur intense des derniers jours, nous n'avons vraiment pas assez bu... et les baignades en eau douteuse n'ont probablement rien arrangé. Grâce aux SMS de notre ami Bernard (médecin), Olivier se met sous médicaments, mais le mal est là, qui va le mettre K.O. pour toute la journée... Il la passera en grande partie sur le lit du bungalow, à avaler des litres d'eau tout en regardant des films sur notre mini ordi portable.
Pendant ce temps, les filles jouent aux touristes : brunch aux crêpes et baguettes au restau de M. Tim, petit tour (très très cher) sur Internet au même endroit, puis balade le long de la rivière : on y trouve même une seconde cascade pour une baignade d'après-midi. On retournera chercher le malade pour un repas au coucher du soleil : c'est qu' on s'endort toujours « avec les poules »...

 


3 mars, 609ème jour : Longue journée
[Tadlo / Napong : 107km, 212m]

 
Au réveil, le malade a l'air en meilleure forme et nous nous mettons en route à sept heures... pour nous arrêter peu après prendre un petit déjeuner au village : café lao et riz collant trempé dans du lait concentré sucré... comment ça, calorique ? bah, vue la journée qui nous attend, il vaut mieux : nous avons prévu de rejoindre la petite ville de Napong, plus au nord, mais elle est à plus de 100 km... et ce n'est pas de l'asphalte cette fois, du moins sur les trois quarts de la route !
Peu d'événements viennent ponctuer la journée, si ce n'est une longue pause « jus de canne » le matin, que nous regretterons par la suite : quelle idée de s'arrêter pendant les heures les plus fraîches ! Par la suite, c'est programme « cuisson rapide » avec saupoudrage de poussière en continu. Dur ! Mais la route a tout de même du charme, piste rouge qui se déroule dans le vert des broussailles ou des forêts sèches... Vers la fin de la journée, on retrouve des températures plus clémentes et devant nous pointe un soleil rouge gigantesque qui teinte de doré les rizières vertes avoisinantes. Plutôt chouette.
Mais nos 18 km/h du début de journée sont passés à 15, puis à 12... on commence à fatiguer ! Olivier, encore sous le coup des suites de son infection, traîne la patte, et ses genoux témoignent de leur mécontentement : 100 km de piste, et puis quoi encore ? Mais nous finissons tout de même par arriver à destination et à trouver la « guesthouse promise » : ouf ! c'est qu'il fait nuit depuis un petit moment. Allez, à la douche : l'eau coule brune de poussière de nos jambes fatiguées... Olivier se contente de grignoter l'un de ces bambous fourrés au riz collant sucré et haricots rouges que l'on trouve sur le bord de la route et laisse les filles aller dîner en tête à tête : il a du sommeil à rattraper... et les filles d'ailleurs rentreront bien vite le rejoindre.

 


4 mars, 610ème jour : Journée rustines
[Napong / Cabane des vaches : 72 km – 207m]

 
Aujourd'hui, journée asphalte ! Nous avons bien dormi et Olivier semble définitivement remis de ses soucis. Mais c'était oublié l'incontournable Loi de l'Asphalte : quand toutes les conditions sont réunies pour bien rouler... un imprévu vient ralentir la cadence ! D'habitude, c'est le vent de face, mais aujourd'hui, ce sera la suite de notre série noire des crevaisons. Satanées rustines chinoises ! ! comme quoi tout ce que nous avons acheté « made in china » est véritablement d'une qualité déplorable... Toutes les rustines que nous avions collées depuis la Chine sont en train de se fendiller... Aujourd'hui, c'est Heidi qui fait des siennes : à l'arrière le matin, à l'avant l'après-midi, ce qui nous oblige à de longs arrêts pour décoller à l'ongle les rustines fautives... Flo prend son mal en patience et termine ses bouquins, Amanda gratte le caoutchouc, Olivier peste... et le soleil tape !
Ce soir, nous décidons de nous poser dans une étable, ou plutôt dans une cabane sur pilotis dont le rez-de-chaussée est occupé par une douzaine de vaches. Leurs propriétaires, qui habitent la maison de l'autre côté du champ, acceptent que nous nous installions au-dessus des bêtes et nous proposent même de venir nous débarbouiller à leur pompe : c'est gentil ! Comme toujours, ils sont un peu éberlués de nous voir nous installer, mais notre bivouac « à l'étage » nous accorde un peu d'intimité : que demander de plus ! même Flo semble heureuse de notre petite soirée en « cabane »... et nous lui préparons en secret des crêpes pour fêter ses... 2000 km de pédalage avec nous ! Bravo la Guest Star!
On se couche le ventre bien plein mais on va mettre un certain temps pour trouver le sommeil. Car ce que nous n'avions pas prévu, c'est le tintamarre des vaches qui semblent toutes porter une cloche au cou... et ont décidé, elles, de fêter les 2000 km de Flo toute la nuit : la vache !

 


5 mars, 611ème jour : Le Mékong…où çà ??
[Cabane des vaches / bord du Mékong : 85 km – 351m]

 

Olivier aura réussi à avoir raison des vaches meneuses en leur lançant des bâtons vers trois heures du matin... Mais le réveil reste un peu difficile !
Aujourd'hui, on quitte l'asphalte dans 40 km pour bifurquer vers une petite route de terre qui longe le Mékong jusqu'à Savannaket. On suit en fait les conseils d'une cycliste suisse croisée juste avant la frontière du Laos. Fait-on bien ? c'était-elle qui nous avait mis en garde contre la « mauvaise piste » du plateau des Boloven... à tort, pense-t-on ! Mais nous avions tellement aimé notre pédalage le long du Mékong au Cambodge que nous sommes prêts à tenter le détour : à nous les baignades !
Mouais... le détour commence déjà par près de 30 km de pénible pédalage sur une piste caillouteuse, vent de face. De quoi arriver près des berges suants et recouverts de poussière. Halte-là, c'est l'heure de la pause-repas, du « feù » et du café glacé ! Pas si évident que ça d'ailleurs car ici, les villages se font plus rares. Nous trouvons tout de même notre bonheur, dans un petit bled où tout le monde paye... en bahts, la monnaie thaïlandaise ! il faut dire que la Thaïlande est juste en face, de l'autre côté du Mékong. Justement d'ailleurs, ce Mékong, il est où ? Les villageois écarquillent les yeux ou rigolent quand on le leur demandent, alors que d'après le GPS, nous sommes à moins de 500 m des berges : peut-être qu'ici, le Mékong a un autre nom ? On finit tout de même par se retrouver sur la piste qui devrait longer le fleuve... mais de fleuve, point ! En fait, elle longe bien le fleuve mais... à 300 m de ce dernier !

Nous n'aurons droit qu'à un point de vue, ceci dit fort joli, où nous pouvons observer une série de rochers et petites îles où les laotiens se réfugiaient pendant la guerre, d'après le panneau explicatif (oui, au Laos, il n'y a pas de panneaux routiers de direction, mais des panneaux touristiques aux endroits les plus inattendus !). Nous nous consolons de l'absence de baignade (ici, trop raide !) en dévorant à trois un énorme durian que Flo a acheté au village. À l'intérieur de ce fruit énorme et couvert de gros piquants, on trouve des zones de chair tendre, sucrée et savoureuse qui font un peu penser à de l'avocat : on découvre des saveurs nouvelles tous les jours !

Puis nous repartons, pas le choix, le long de cette piste poussiéreuse qui ne rappelle en rien les jolis petits villages du Mékong cambodgien... Mais n'exagérons rien, ce n'est pas non plus sans charme. C'est juste que la chaleur nous rend plus exigeants! Nous pédalons jusqu'au coucher du soleil, puis on décide d'aller trouver ce satané Mékong pour poser notre bivouac du soir : après un bon quart d'heure de vadrouille dans les bois, on finit par atteindre enfin les berges: aaah! et... on peut même se baigner! ce qui n'est pas du luxe, vu notre état collant et poussiéreux... mmh, trempette dans les eaux violettes teintées par le soleil couchant... une fin idéale à cette chaude journée! Au moins, nous n'aurons pas "longé le Mékong" pour rien...

 


6 mars, 612ème jour : Savannakhet : douche générale et super restau
[bord du Mékong / Savannakhet : 49 km – 197m]

 
Le café fumant du réveil a du charme, pris les pieds dans le sable en regardant le jour se lever sur le Mékong... Mais le ciel devenu bleu promet encore une chaude journée : dépêchons-nous de rouler avant les 40°C de 10 heures du mat ! Mouais, de 8 h 30, plutôt : qu'il fait chaud sur cette route infernale ! Et qu'ils sont longs, les derniers kilomètres avant Savannakhet !
Inutile de dire que nous sommes ravis d'y entrer, retrouvant du même coup l'asphalte. On dégotte rapidement une guesthouse dans le centre, et... enfin... c'est l'heure du grand décrassage ! Des vélos d'abord, de nous ensuite. Pendant que Flo s'occupe de la lessive, nous nettoyons de fond en comble les chaînes (qui en avaient bien besoin), les gaines des chaînes, les plateaux, les cassettes : la moitié de notre bouteille d'essence y passe ! Et les vélos reprennent enfin un aspect normal : on retrouve leur couleur, perdue sous les couches de poussière... Un bon coup d'huile ne leur fait pas de mal non plus...
La suite ? Devinez... l'éternel « tour sur Internet de l'arrivée en ville ». Mais la faim nous fait remettre à demain les réponses aux mails. Surtout que ce soir, Flo nous invite dans un super restau pour profiter de notre dernière soirée à trois avant le Vietnam : vive la Guest-Star ! Nous nous installons donc dans un petit endroit charmant aux bancs de bois sculptés, où nous dégustons des plats délicieux et parfumés qui nous changent du « feù » quotidien. Un vrai bonheur... Nous faisons le bilan de nos kilomètres, nos bivouacs, nos « moments galère » et « meilleurs moments », et détaillons nos itinéraires respectifs à venir : on se tiendra au courant de nos avancées par SMS ! En attendant, on tombe de fatigue : retour à la guesthouse (en deux minutes, car Savannakhet est vraiment minuscule) et au lit !

 


7 mars, 613ème jour : A plus, la Guest Star!
[Savannakhet / 12km plus loin : 12 km – 65 m]

 
Ce matin, c'est l'heure des adieux : Flo repart pour une virée dans la moderne Thaïlande qu'elle a hâte de retrouver, et nous, vers les montagnes à l'est, dont on espère un peu de fraîcheur... On se retrouvera dans 15 jours, pour découvrir ensemble les montagnes du nord du Vietnam. Les au-revoirs se font devant un délicieux petit-déj, puis la voilà partie sur sa « Flèche », et soudain tout est un peu trop calme... Elle va nous manquer, la miss !
Allez, on a encore plein de choses à faire : les courses, trouver des cartes postales, les timbres ( poste fermée...), écrire les réponses aux mails, les envoyer, manger, et tenter de contacter les parents sur Skype: pour une fois, youpi, ça marche bien et on est ravis de les revoir un peu! On ne discute pas bien longtemps, mais ça suffit à recharger les accus du « Family blues », ça fait du bien! Lorsqu'on en finit avec tout ça, l'après-midi est déjà bien avancée : à nous de nous mettre en route!
Le soleil étant déjà bas, nous n'irons pas bien loin après la sortie de la ville, et nous trouvons à point nommé une jolie maison en construction qui n'attendait que nous. C'est l'heure de la moustiquaire ! Et des sandwiches au pâté achetés en ville dont on découvre avec déception qu'ils sont garnis de piment... malgré nos spécifications ! Raa, comment gâcher un petit régal... On espère que Flo dînera mieux... et les SMS qu'elle nous envoie le confirment : la miss est bien passée en Thaïlande, et semble ravie d'avoir retrouver bonne bouffe et bons hôtels : on est contents pour elle !
Nous, on est comme des rois sous notre moustiquaire et il y a même un petit vent pour nous rafraîchir : ah, le bonheur de ne pas s'endormir en sueur...

 


8 mars, 614ème jour : Un garçon un peu coincé…
[après Savannakhet / 30 km avant Thakhek : 91 km – 383 m]

 
« Aïe ! mon cou ! »... premiers mots d’Olivier au réveil, qui vont donner le ton du reste de la journée. L'Homme s'est bloqué le dos et ne peut plus tourner la tête... la journée commence donc par un douloureux massage et un cocktail de comprimés. Le seul point positif, annonce l'Homme Coincé, c'est que c'est sur le vélo que la position est la moins douloureuse. Ça tombe bien, on a des kilomètres à faire avant de rejoindre Thakhek, à plus de 100 bornes d'ici ! Car nous sommes bien de retour sur une large route asphaltée, avec de belles bornes tous les kilomètres. C'est assez passant, mais rien à voir avec les deux fois quatre voies de la Thaïlande. On est pourtant sur l'axe majeur qui relie le nord au sud du pays ! Nous empruntons ce tronçon peu intéressant car la chaleur nous pousse à tirer au plus vite vers les montagnes à l'est : autant passer plus de temps en « altitude » (à plus de 500 m, quoi !).
Malgré le mal de cou, on avance bien, dans un paysage de forêts de type tempéré pas si désagréable que ça. On est tout de même cuits à point lorsque sonne l'heure du « feù » du midi : arrosons-le d'un énorme café glacé !
Au moment de repartir, un événement plutôt étrange : un jeune homme arrive, petit et un peu simplet dans ses attitudes. Il salue Olivier, lui serre la main, puis l'avant-bras, le biceps et lui fait soudain craquer les vertèbres en tirant sur ses bras. Hé ! Mais il reste très doux et semble savoir ce qu'il fait. « Eh ! j'ai trouvé l'ostéopathe du village ! », annonce Olivier ravi. C'est que le « guérisseur » en question a dû être alerté par des villageois ayant observé la position un brin trop raide du « coincé », qui se tient le cou toutes les cinq minutes. L'étrange guérisseur propose alors à Olivier de se rasseoir à table, et entame un véritable massage avec craquements dans tous les sens, toujours avec des gestes assez professionnels. Espérons qu'il n'empire pas les choses, mais au point où il en est, Olivier est prêt à tout ! Une fois son œuvre terminée, l'ange guérisseur part sans demander son reste. Ben ça, tout de même ! On peut dire qu'il tombait à point nommé ! Bon, le mal de cou ne s'en portera mieux que quelques heures, mais c'est déjà ça...
Nous pensions arriver tout près de Takhek pour ce soir, mais il reste encore une bonne trentaine de kilomètres avant la ville lorsque le soleil se couche... Ce qui ne nous empêche pas de dégoter un bivouac plutôt agréable dans une petite école, sous une minuscule salle de classe en bois et bambou. Contrairement à l'habitude, personne ne vient nous déranger, et nous savourons notre riz collant à la lueur d'une bougie. On est bien sous notre petit abri ! D'autant que pendant la nuit, au loin, l'orage gronde... Il fait même presque frais !

 


9 mars, 615ème jour : ouille !
[Avant Thakhek / Ta Fa Lang : 46 km – 171 m]

 

Nous parlions d'un bivouac tranquille... c’était oublier LE coq du voisinage qui a décidé de faire un détour par l'école spécialement pour nous réveiller avant l'aube... « Ouille ! » gémit l'Homme. L'Homme a toujours mal. Voire encore plus qu'hier. Re-massage au baume du tigre, re-cocktail de comprimés... le réveil sera lent et pénible ! Bah, de toute façon, une petite averse vient s'accrocher aux murs de l'école et justifie presque notre « grasse matinée »... Quand l'Homme est un peu plus en état de pédaler, il déjà 10 heures, et nous n'atteignons donc Thakhek que vers midi. On s'offre une pause Internet de bonne durée, le temps de poster photos et reportages, puis un feù-café car les estomacs gargouillent... Aujourd'hui, ce sera une petite journée de pédalage !
On repart enfin alors que l'après-midi est déjà bien avancée, vent de face, tiens, ça faisait longtemps ! Et cette fois, on quitte le grand axe routier pour bifurquer enfin vers les montagnes.

Tout de suite, c'est vraiment très beau : dans la plaine un peu sèche que nous traversons, poussent à présent de superbes pitons raides et verts de style «Baie d'Halong» entre lesquels nous nous faufilons. Que c'est joli, dans les couleurs de fin d'après-midi ! Et malgré ces nouveaux reliefs qui nous entourent, la route reste assez plate : c'est plus le vent de face qui nous freine que le dénivelé !

C'est l'heure de chercher un bivouac... et ça tombe bien, car nous arrivons juste à côté du site de « Ta Fa Lang» qui est mentionné sur notre carte. Bon, on n'a aucune idée de ce que c'est : grotte ? (On vient d'en visiter une mentionnée par un petit panneau), cascade ? temple ? «swimming ! », nous dit un villageois qui parle un brin anglais. Ah ah ! voilà qui expliquent les nombreux jeunes aux cheveux encore humides et torse nu qui nous ont croisés en moto depuis Thakhek : on est sur l'équivalent des « bords de l'Hérault » de Montpellier ! En tout cas, tout le monde a l'air de quitter les lieux, nous devrions donc y être tranquilles. Et effectivement, 2 km de piste sableuse nous amènent aux berges d'une jolie petite rivière stagnante, qui vont nous faire un bivouac parfait. Des promeneurs, il ne reste que la tristement inévitable trace des détritus répandus ça et là : Olivier part à la pêche aux poubelles et un feu général réduira le tout en cendres. C'est tout de même plus joli un peu nettoyé !
On accrochera notre moustiquaire à un arbre envahi d'incroyables lianes tordues, et notre seul voisin sera un pêcheur qui doit passer la nuit sur sa barque, un peu plus loin. L'Homme semble un peu moins coincé : effet des massages ou des comprimés ? En tout cas, la nuit sera douce, sous un ciel tout étoilé et presque frais...

 


10 mars, 616ème jour : Les ravages du barrage
[Ta Fa Lang / Nakaï : 61km – 166m]

 

« Alors, ça va mieux ? » «... bof... ». Décidément, c'est un mal de dos qui dure... et qui nous vaudra une nouvelle journée de pédalage au ralenti. Heureusement, c'est plutôt joli et nous mettrons d'ailleurs un moment à quitter notre petit bivouac en bord de rivière. Et comme d'habitude, la chaleur terrible qui sévit dès neuf heures nous fait regretter de ne pas avoir commencé plus tôt notre pédalage... D'autant qu'une nouvelle crevaison vient de nous arrêter dans un virage pour un petit bout de temps. Toujours les rustines chinoises ! il faut à chaque fois les enlever puis grattouiller autour à l'ongle pendant un quart d'heure...
Nous recevrons pendant notre grattouillage la visite d'un laotien en scooter : « un problème ? » (en lao) «non, ça va, merci!». Il ne nous laisse pas en plan pour autant : son scooter est équipé d'une grosse glacière de laquelle il sort... 2 sacs plastiques de « dessert » pour nous : une boisson fraîche, épaisse et sucrée, à base de haricots rouges. Il suffit de mordre un coin du sachet et d'aspirer : merci, gentil monsieur, ça tombe à pic !

Nous terminons l'après-midi dans un joli paysage de rizières vertes (pour une fois! la plupart des autres sont asséchées et jaune paille, en attente de la saison des pluies), dominées par des pitons rocheux imposants et magnifiques, qui se teintent doucement de violet...

Mais soudain, tout change : on arrive en pleine zone de gros chantiers, et le paysage disparaît derrière la poussière soulevée par les pelleteuses. Késako ? Il s'agit d'un aménagement de la région dû à la mise en place à quelques kilomètres d'un futur barrage. Quelque chose nous dit que les Vietnamiens voisins ne sont pas étrangers à ce projet monumental, qui semble un peu trop imposant et organisé pour être l'oeuvre des seuls laotiens...
En tout cas, vu d'ici, c'est très laid : de futures berges de rivière sont aménagées en immenses canaux rectilignes, des dizaines de camions passent à toute allure, des pelleteuses creusent le futur lit du fleuve... dépêchons-nous de dépasser ce futur barrage pour trouver un bivouac plus loin ! Mais plus loin... c'est pire. En amont du barrage se dresse une espèce de cité ouvrière où se construit aussi l'aménagement électrique lié au barrage. Plus loin encore ? mais soudain... ça monte ! en quelques kilomètres la route plate a pris 10 % d'inclinaison et nous peinons à 4,5 km/heure. Ça va durer longtemps, cette montée de la mort? le soleil se couche!... « Encore sept kilomètres », nous dit un ouvrier qui range son matériel. 7!! ? mais à notre vitesse, ça nous fait 1 h 30 de route! la nuit sera tombée bien avant et nous allons nous retrouver en pleine nuit dans ces épingles à cheveux... trop dangereux ! Il faut nous poser par là absolument... Mais « par là », il n'y a qu'un pauvre terre-plein visible de tous, au milieu d'un virage... on découvre tout de même une petite zone en contrebas du terre-plein un brin plus cachée que le reste: allez, on a déjà dormi dans des coins bien pire! À bas les rustines chinoises et les barrages vietnamiens!

 


11 mars, 617ème jour : Les ravages du barrage, suite
[Nakai / Nongmey : 60km, 800m]

 

Légère amélioration de l'Homme au réveil : c'est déjà ça ! Et ça tombe bien, parce que la « montée de la mort numéro XXX » est encore devant nous : allez zou, on pousse sur les pédales tant qu'on peut ! Le vent, bienveillant aujourd'hui, vient même de nous donner un petit coup de pouce quand la pente dépasse les 12 %, et finalement, nous venons à bout de cette petite côte en moins d'une heure. Les 7 km de notre ouvrier devaient être des kilomètres laotiens, car ils sont devenus 4,5 km sur nos compteurs ! Bon, c'est vrai, ça monte encore après, mais bien moins.

Tant mieux car ça devient du ripio... Mais du bon ripio : les Vietnamiens sont passés par là. Et ça ne va pas se voir que par l'état du ripio: catastrophe, toute la vallée est inondée! Ça pourrait être joli, mais la mise en eau est trop récente, et nous sommes entourés d'arbres morts aux trois-quarts immergés. Un paysage plutôt apocalyptique... On se demande d'ailleurs pourquoi ils n'ont pas exploité la forêt avant l'immersion: pas assez rentable ? en tout cas, cela confirme ce que l'on nous a raconté à Vientiane: le Laos est en train de devenir la « pile électrique » de l'Asie du Sud-est.

Ce pays sans grosses ressources terrestres (ou marine bien sûr) n'a, depuis la disparition du commerce de l'opium, plus que son altitude à vendre. Les chinois, les vietnamiens et de manière moindre les thaïlandais l'ont bien compris : en échange de « menus » travaux sur place (routes, installation de l'électricité,...), ils sont en train de construire barrage sur barrage... dont ils récupéreront les bénéfices à leur profit !
En attendant, nous observons les premiers effets de ces manœuvres sur le paysage... Bon, soyons honnêtes, ce n'est pas non plus catastrophique, et une fois les arbres morts ou disparus, ça pourrait même être très joli, cette route qui serpente au milieu d'un lac ! Et c'est bien mieux qu'une usine à charbon (cf. nos aventures en Chine !). Ce que l'on regrette toutefois, c'est la surprenante absence de ces petits villages de bambou qui font tout le charme du Laos. Chose rare en Asie du Sud-Est, nous pédalons pendant plusieurs heures sans croiser d'habitation: mince alors, on va manquer d'eau! Nous finissons par tomber sur un étrange village écarté de la route, où les maisons en bois sont toutes identiques et sans âme et où il faudra chercher loin une minuscule boutique poussiéreuse. Les habitants de cet affreux « lotissement » semblent eux aussi sans âme, et répondent à peine à nos joyeux « Sabaidee ». Ce sont peut-être des ouvriers vietnamiens parqués dans un village-dortoir par leur gouvernement ? nous n'en saurons pas plus : remplissons nos gourdes à la pompe (en espérant que l'eau est potable !), et... fuyons !
La route monte et descend comme toute bonne route de montagne, et nous finissons par nous élever au-dessus de cette vallée inondée : ah, tout de suite, les arbres vivants ont plus de charme ! La route aussi d'ailleurs, sauf que « charme » se traduit par « fin de la large route vietnamienne et retour à un sentier rouge et caillouteux bien laotien » !
Après un petit col, nous arrivons dans une petite vallée jolie comme tout où nous retrouvons nos villages de bambou bien-aimés, entourés de rizières vertes. Ça va être l'heure de se mettre à la recherche d'une cabane de rizière, justement ! Enfin, si on arrive à régler le problème de la roue de BOB, qui a décidé de tenter des évasions en série. Olivier finit par découvrir que c'est en la réparant sur le plateau des Boloven qu'il avait mal remonté l'axe de la roue : voilà, elle devrait cesser de s'échapper dans les descentes !
Et nous trouvons peu après la cabane idéale, enfin presque : au milieu des rizières, à l'abri des regards, grande, sur pilotis, un bon toit... il y a juste le petit détail de son inclinaison : les pilotis penchent à 15° ! Le plancher, fort heureusement est resté horizontal : il n'y a plus qu'à tenter d'y monter et espérer qu'elle ne s'écroule pas... gagné ! Allez, elle tiendra bien une nuit de plus, non ?


12 mars, 618ème jour : Derniers adieux au Laos
[Nongmek / Vietnam : 88km, 590m]

 
La cabane a tenu une nuit de plus, et nous nous réveillons au chant des oiseaux qui peuplent les rizières... Programme d'aujourd'hui ? Le Vietnam ! La frontière n'est plus qu'à une cinquantaine de kilomètres et d'ailleurs nous ne devrions plus tarder (20 km ?) à rejoindre l'asphalte. Nous nous mettons en route alors que la brume dévoile progressivement un paysage qui redevient plat, rizières sur fond de montagnes...
L'état de la route reste catastrophique pendant un bout de temps, puis on arrive vite à la petite ville de Lak Sao, où nous nous trouvons pain, fruits, jus de canne, et même un cordonnier pour rafistoler nos sandales Shimano (hé oui, tout vieillit...). Plus que 30 km et c'est le Vietnam ! Mouais... plus vite dit que pédalé, du moins pour les 10 derniers kilomètres : ça grimpe, vers le poste-frontière de Cau Treo ! Cau très haut ?
Le poste-frontière, où nous arrivons haletants et les mollets en feu, a meilleure allure que la cabane en bois de la frontière Cambodge-Laos, malgré sa position isolée dans les montagnes. Il est précédé sur quelques kilomètres par de lugubres entrepôts où semblent se dérouler d'étranges trafics : on y voit entassées des dizaines de caisses de Red Bull et autres boissons « énergisantes ». Enfin bon, nous, notre énergie, c'est du khao niao qu'elle provient (le dernier, peut-être ?), et elle nous fait enfin arriver devant le tampon du douanier : Pam ! Poum ! Kobjai ! (« merci »). Et nous voilà sortis pour la dernière fois du Laos. C'est que nous serions presque déjà nostalgiques de ce beau pays nonchalant, où nous avons finalement passé plus de trois mois... Mais le Vietnam attend, sous la forme d'une belle descente: allez zou, en route pour de nouvelles aventures !

 


Le
s petits détails du quotidien... 

 

Mangeons gaiement...

Bon, les premiers carnets du Laos ont déjà fait état des petites douceurs du pays. On y ajoutera juste des copier-coller de ce qu'il y a au-dessus : bon appétit !

  • Les petits déjeuners au «Khao niao » laotien, mélangé avec du lait concentré sucré : bon et calorique, avec quelques bananes pour accompagner et... ça repart !
  • Les petits déjeuners version « luxe », quand on est en ville : baguette presque française grillée et croustillante, omelette et café lao, version noire ou glacée. Slurp !
  • Le café, justement ! Le café lao provient des plantations du plateau des Boloven. Celui que l'on trouve sur place est délicieux, servi fraîchement torréfié, savamment filtré « à la chaussette », et très concentré : il a un goût d'une suavité parfumée délicieuse... aussi épais que du chocolat chaud et encore plus sucré ! Le café est parfois aussi passé dans un étrange un verre à fond plat sur lequel est posée une petite passoire d'aluminium, style « élément de machine à expresso ». Le café y est tassé et arrosé d'eau chaude. Il n'y a plus qu'à attendre que ça filtre... et il faut être patient !( et aimer le café tiède, du coup).
  • Dans la série boissons, nous avons testé la liqueur locale, le Lao Lao : rien de bien fabuleux mais ça assomme pas mal !
  • Le « feù », la soupe de nouilles traditionnelle, un bouillon clair et parfumé dans lequel flottent nouilles de riz, morceaux d'oignons verts, de viande, et diverses herbes qui changent à chaque restaurant. On y ajoute soi-même les autres ingrédients disponibles sur la table : feuilles de menthe, de basilic asiatique (« holy basil » !), haricots verts crus, puis les condiments : sauce soja, nioc nam (ça, on évite), piment (on évite aussi, sauf Flo), et... sucre en poudre ! Le « feù » se consomme souvent au petit-déjeuner, mais nous on en avons fait notre repas de midi habituel.
  • Un nouveau fruit, le durian : à l'intérieur de ce fruit énorme et couvert de gros piquants, on trouve des zones de chair tendre, sucrée et savoureuse qui font un peu penser à de l'avocat : on découvre des saveurs nouvelles tous les jours !
  • En-cas pratique sur le bord de la route : des morceaux de bambous fourrés de riz collant sucré et haricots rouges, que l'on avait déjà trouvés en Thaïlande : bon, sucré, calorique, parfait pour le cycliste quoi !
  • Et enfin, celui que nous aurions volontiers « mangé gaiement » : le COQ ! Celui qui nous a réveillé tant de fois par ses cocoricos déplacés à 2, 3, 4, 5 et 6 h du mat ! Vive le coq... au vin !

Les moments galère

  • L'infection urinaire d'Olivier
  • Le paysage désolé du barrage, avec tous ces arbres morts
  • Le bivouac dans un virage au milieu d'une montée « de la mort »
  • Le pédalage « cuisson rapide » le long du Mékong sans voir le Mékong... et dans la poussière
  • Heu... c'est tout ?? ah mais non, n'oublions pas.. le COQ ! (et les vaches à cloches)

Les meilleurs moments

  • Les « vacances » sur Don Det, dans les 4000 îles, et les soirées sympas avec nos copains cyclistes
  • Les cascades et les paysages du plateau des Boloven
  • Les baignades au coucher du soleil dans le Mékong ou dans les cascades
  • Les bivouacs dans les cabanes ou sur le bord du Mékong
  • Les fruits juteux qu'on trouve partout
  • Notre dernière soirée (pour l'instant) avec Flo dans ce super restau de Svannakhet... et plus généralement tous ces bons moments passés à trois !
  • Les p'tites pauses café